Le cas Sindiély Wade
Alors que son frère s'habitue peu à peu aux couloirs et bureaux de la Section de recherches de la Gendarmerie de Colobane, la fille de l'ancien chef de l'Etat a presque disparu de la circulation... sénégalaise. Mais les cafards du Festival mondial des arts nègres, eux, restent très visibles.
On l’oublie presque, celle là ! Alors que son frère Karim Wade commence à être habitué aux locaux de la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane dans le cadre de la traque des biens mal acquis, Sindiély Wade semble pour l’heure échapper à la…machine judiciaire. Depuis la chute du pouvoir de son père, l’ancienne Déléguée générale adjointe du 3e Festival mondial des arts nègres (FESMAN) se fait très discrète. Des sources dignes de foi la signalent en Suisse, son cocon d'origine, loin des yeux fouineurs et des oreilles indiscrètes. Mais pour combien de temps ?
On ignore pour l'heure dans quel volet ranger une éventuelle confrontation de Sindély Wade avec la justice sénégalaise. Enrichissement illicite ? Audit ? En tout cas, la gestion de la fille de l’ancien président de la République dans le cadre du Fesman a été considérée comme un véritable scandale financier. Dans un de ses numéros, le journal EnQuête avait constaté une nébuleuse. En effet, le tableau récapitulatif des budgets inscrits dans les lois de finances avait fixé un total de 33 milliards de francs Cfa. Un pactole éclaté sur trois ans : 5 milliards de francs en 2008 ; 10 milliards en 2009 ; 18 milliards en 2010.
Mais ce tableau «n'est que l'arbre qui cache la forêt» car EnQuête relevait un «fossé immense» entre les sommes prévues au départ et ce qui a été décaissé réellement pour le 3e Fesman. Ainsi, peut-on voir dans le tableau récapitulatif ouvert au niveau du Trésor public, que la participation de l’État au Fesman 3 a été précisément d'un montant de 74 174 949 698 francs Cfa sur la période 2008-2011.
Pour atteindre ce plafond, l’ancien président de la République a pu, grâce aux fameux décrets d’avance, «pomper» 43 milliards du Trésor public. Le premier décret d’avance, référencé 2011-258 du 21 février 2011 est de 20 milliards de francs Cfa. Il fait suite à l’accord du président de la République de prélever cette somme sur divers projets pour le financement du Fesman. Mais le décret d’avance le plus problématique du point de vue des montages financiers qu’il implique, est celui portant les références N°2011-2049 du 26 décembre 2011. Les sommes impliquées sont de 15 milliards de francs Cfa. Ce, suite à la demande de Me Wade d’«arrangement financier» pour la clôture des opérations du festival. Il faut d’ailleurs préciser que ce décret d’avance qui a été approuvé le 26 décembre 2011 seulement, va passer à l’Assemblée nationale cette année, pour y être ratifié, n’ayant pas pu l’être car la seconde loi de finances rectificatives 2011 a été soumise au Parlement avant la signature du fameux décret.
De plus, les responsables du Fesman sont accusés d’avoir empoché «le montant d’un milliard de francs Cfa» versé par le Gabon en guise de contribution. Ce qui avait d’ailleurs amené l’Inspection générale d’Etat (IGE) à demander des poursuites judiciaires contre Sindiély Wade. Devant les limiers, l’ancienne Déléguée générale adjointe du Fesman, n’aurait reconnu qu’un montant de 200 millions de francs Cfa, une somme qu'elle se serait engagée à rembourser. Volant au secours de sa fille, Me Wade affirmait au cours d’une conférence de presse que celle-ci «a un dossier avec toutes les factures des dépenses faites pendant le Fesman». Mais ce n’est pas tout.
Les principaux responsables du festival version Wade sont également accusés d’«escroquerie» par les artistes dont certains n’arrivaient pas à récupérer leurs œuvres d’art. Pour cause : la société LP Art, chargée du transport et du stockage de ces œuvres, lasse de ne pas entrer dans ses fonds (709 000 euros soient 460 850 000 F Cfa), avait décidé de confisquer lesdites œuvres. Il y a également le marché de «transport des artistes» de 4 milliards donné à la société Senecartours sans appel d’offres. Ce qui avait fini par révulser le Syndicat autonome des professionnels de loueurs de voitures.
Sindiély Wade sera-t-elle entendue un jour prochain, à l'instar des dignitaires libéraux ?
DAOUDA GBAYA
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