Publié le 2 Dec 2012 - 00:35
DOCTEUR PAPE GALLO SOW

''Le déficit financier pourrait causer une forte transmission''

 

Docteur Pape Gallo Sow est responsable de la prise en charge thérapeutique des personnes vivants avec le VIH à l'Institut d'Hygiène Sociale . Il répond ici aux questions d'EnQuête quant à la pandémie du sida au Sénégal.

 

Où est ce qu'on en est avec le traitement du VIH ?

 

A notre niveau tout se passe très bien. Par ce que les médicaments sont gratuits, tous les produits sont disponibles. En ce qui concerne la prise en charge thérapeutique, les patients vivants avec le VIH sont à un niveau très élevé. Il n'y a pas de rupture, les médicaments sont disponibles et c'est ce qui facilite le traitement.

 

Comment évolue la maladie au Sénégal ?

 

Nous sommes dans une situation stationnaire. Au début, on recevait 3 à 4 malades par jours. Maintenant ils viennent au compte-gouttes et parfois on reste un mois sans recevoir de patient. Le taux de prévalence a vraiment baissé, bien que la pandémie a une dispersion totale au Sénégal, parce qu'il y a des régions qui sont plus exposées que les autres. Mais la région de Dakar a un taux vraiment faible.

 

Et qu'est-ce qui explique que d'autres régions soient plus exposées ?

 

Beaucoup de facteurs expliquent cela. D'abord il y a la géographie ; les régions périphériques enregistrent le taux le plus élevé (Kolda et Ziguinchor). Cela s'explique par la forte présence des étrangers. Il y a aussi Kaolack qui est également une zone transfrontalière. Tout cela explique la forte prévalence par rapport aux autres régions.

 

Au Sénégal, le taux de prévalence a considérablement baissé et nous sommes à 0,7%. Maintenant que les bailleurs se sont retirés, quelle incidence cela va avoir dans la lutte contre le VIH ?

 

On ne doit pas être des éternels assistés. Mais ce retrait va causer un déficit financier. Parce qu’il faut oser le dire : les médicaments sont chers. D'abord, en ce qui concerne la disponibilité des molécules exploitées par ces derniers, si l’État ne prend pas en charge cette question pour juguler ce manque financier, il y aura une rupture de médicaments. Et avec la rupture, les malades ne pourront pas être traités correctement. Le phénomène de résistance va s'imposer et ces derniers seront laissés à eux-mêmes. Le déficit financier pourrait causer une forte transmission de la maladie, car le virus ne pourra plus être détecté dans le sang. Et du coup, la prévalence va grimper alors que le Sénégal a un taux relativement bas par rapport aux autres pays.

 

Dans une telle situation, qu'est-ce qu'on peut faire pour aider les malades dans leur prise en charge ?

 

L'État doit prendre des décisions fortes pour régler ce problème. Les bailleurs n'ont pas investi seulement dans le VIH, il y a aussi la tuberculose. Le Sénégal doit développer des stratégies pour essayer de voir comment combler le vide. Aujourd'hui tout le monde parle de la couverture universelle, l’État s'est engagé à mettre dans une caisse 90 milliards. C'est vrai que c'est insuffisant mais des propositions sont en train d'être faites pour que cette couverture soit une réalité. Donc, cette couverture doit tenir compte de cet aspect. Il suffit tout simplement de l’élargir, en y intégrant la prise la charge des personnes vivant avec le VIH. Je crois que la solution viendra de là, car les personnes infectées par le VIH ont des revenus très faibles. Certains disent même qu'ils faut prendre, une seule fois dans l'année, au mois de décembre, un franc symbolique sur le salaire des travailleurs.

 

Quelle est votre position sur la taxe Sida ?

 

Je crois qu'il faut un élan de solidarité, en tenant compte de l'ardeur de la pandémie, de sa gravité et de son impact économique. Mais le Sida n'est pas la seule pathologie qui existe au Sénégal. Il y a le cancer, la tuberculose, entre autres. Je n’écarte pas cette proposition, mais elle me semble difficile parce que cela demande un consensus. Je ne pense pas que cette proposition puisse être la solution durable à ce problème. La prise en charge doit être dans un nid d'efforts de l’État.

 

VIVIANE DIATTA ET IDELETTE BISSUU

 

 

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