Publié le 26 Feb 2016 - 23:16
REPONSE AU MANIFESTE DES JURISTES

Ne danser pas  le deuil de la LOI

 

Je n’entrerais pas dans le débat technique d’école qui  me semble aujourd’hui plutôt être une levée de boucliers entre juristes, un  débat de positionnement politico –social entre praticiens, une surenchère « d’expertise » mais je note que leur papier n’a rien apporté de nouveau à ce que tout le monde savait déjà sur la procédure, au contraire il ajoute  à la confusion avec l’évocation des Articles 51 et 92 qui font ressortir la Contrainte, mais aussi avec  les comparaisons  avec d’autres pays qui ne semblent pas avoir la même pratique que notre pays. Mais la véritable interrogation que ce manifeste laisse derrière est celle de la mission et de la responsabilité du juriste dans un contentieux juridique : le Droit ou la spéculation sur le possible ?

 Au demeurant si je réagis  à leur sortie c’est plutôt à cause des incohérences dans leur argumentaire et dans leur démarche qu’ils se  pressent de  présenter comme une démarche doctrinaire, désintéressée.  Leur papier me conforte dans l’idée que j’avais émise dans un article de Presse tout à fait au début de la controverse  entre constitutionnalistes, sous le titre provocateur ! « Faut-il fermer la Faculté de Droit de l’UCAD ?», article qui n’est pas encore publié à ma connaissance. J’avais pris cependant la précaution de préciser que ce n’était pas un souhait mais un cri du cœur pour amener les institutions et les spécialistes à provoquer un conclave non seulement autour de notre loi fondamentale  mais également autour de l’Enseignement des sciences juridiques, au regard  de ce que le Droit représente pour la stabilité et la Sécurité d’une société d’un côté mais de l’autre au regard du traitement dérapant que les praticiens et les citoyens en font dans notre pays depuis plus d’une décennie

Pour revenir sur  l’argumentaire, je trouve d’abord que tous les juristes qui se sont prononcés sur la question de la réduction du Mandat, l’ont fait sous le joug de contingences politico-sociales dans notre pays  et ils ont plutôt réagi et non agi en toute liberté d’esprit  (interne ou externe), ils n’ont pas su sortir la tête de la clameur politicienne autour du respect d’un engagement donné, pour apprécier le Droit et uniquement le Droit. Les Constitutionnalistes libres et sincères l’auraient fait au lendemain de la prestation de serment du Président Macky Sall, ils auraient épargné à notre Société les convulsions notées après le verdict du conseil constitutionnel.

Dans un article publié et intitulé  (Que vaut une promesse électorale face à un serment ?) je disais ceci : s’il faut simplement modifier une constitution pour ne pas faire du WAXWAXET, en violant un Serment, ce serait plus que du Waxwaxet personnel mais un affront à tout un peuple. C’est pour cette raison que je trouve les arguments de tous les juristes, constitutionnalistes  partisans d’une possibilité juridique   pour le Président de réduire le Mandat en cours, de spécieux  voir fantaisistes avec tout le respect qu’on leur doit. Par ailleurs on ne peut pas comparer des lois ordinaires à la Constitution, ni monnayer  par une procédure ordinaire, le traitement d’une question aussi importante  et exceptionnelle que celle de la Réduction volontariste d’un Mandat Présidentiel en cours,  avec toutes les conséquences politiques, sociales et économiques qui peuvent en découler par la suite.

En vérité dès lors que dans leur argumentaire, ils reconnaissent au Président la latitude de choix entre deux voies à travers les articles 103 et 51, de même pour le conseil avec ces deux compétences, pendant qu’un autre constitutionnaliste en trouve une troisième avec la compétence normative,  au nom de quel Droit les pétitionnaires veulent enfermer ces deux institutions  dans une seule éventualité ? Ils insistent tous pour dire que le Président n’est pas lié par l’avis –décision du conseil or l’article 51 au quel il s’est référé, lui fait obligation de requérir l’avis du Conseil. A quelle fin alors  Messieurs les Juristes ? Pour  une mise en scène démocratique ? Non, Rédigez nous des textes pertinents. 

Au-delà la spéculation sémantique autour du concept avis ce qui peut lier une personne n’est-elle pas plus morale et personnelle  à l’être humain ? En outre peut-on  reprocher à une institution qui a la compétence de donner à la fois des décisions ou des avis , de prendre le mesure de l’importance d’une question, de la gravité de la situation et des risques inhérents dont l’éventualité d’un retour à la case de départ qui signifierait négation de la République, de donner une certaine forme à son opinion et de la motiver en mettant le doigt sur certains périls ? Dans cette veine  comment peut –on  reprocher au juge constitutionnel de vouloir donner « à la stabilité et à la sécurité » des objectifs de valeur constitutionnelle ? Alors faut-il rappeler à nos éminents juristes que l’objectif d’une constitution est d’organiser les institutions, le pouvoir dans une société à fin d’asseoir la sécurité et la stabilité et toute constitution, tout constituant qui ne se soucierait  pas de ces questions  n’en est pas un ? D’ailleurs c’est la négligence de ces questions  qui ont plus de sens que le texte constitutionnel en soi, par les constituants dans l’élaboration des textes fondamentaux, qui a perdu beaucoup de pays en Afrique. Les 5 sages ont fait montre de leur responsabilité sociétale dans leur motivation éclairée.

Le reproche fait au conseil d’avoir fait une mue de compétence au regard des lois constitutionnelles  par rapport à un passé, n’est pas un argument scientifique car les hommes qui animent le conseil ne sont pas toujours les mêmes et la question de fond était de savoir si le Conseil est compétent   oui ou non et non pourquoi il l’est aujourd’hui et pas hier,  oui la rupture peut  aussi  s’assimiler par les temps qui courent  à du Waxwaxet. L’échappatoire d’un imaginaire supplice du WAXWAXET ne peut et ne doit en aucun moment passer par le deuil de la loi

Sur la démarche, il faut reconnaître à des Enseignants de la science juridique le Droit de  se mobiliser pour défendre leur art même s’ils  se défendent de verser dans un « corporatisme primaire »  et aux Universités, à travers leurs Facultés de Droit, une  certaine responsabilité dans l’aplomb du Droit dans notre pays, mais faudrait-il alors  une structure accréditée et attitrée pour cela avec toute l’autorité académique requise et reconnue. Dans ce cadre, aussi bien le format, l’outil  de communication utilisé,  l’opportunité choisie, l’onction scientifique,  posent problème et entachent la crédibilité scientifique de  cet avis. IL me semble enfin  qu’affaiblir le conseil constitutionnel  avec des tirs groupés ou chercher à  construire son aura en descendant les institutions revient à scier la branche sur laquelle on est assis non seulement pour les juristes mais pour tout Républicain.  Les Etats fonctionnent sur la base du Droit et non sur la base d’Etat d’âmes ou de sentiments. Sénégalais, Attention ! En république, danser le deuil de la loi revient à danser sa dernière danse.

 W coura Ndiaye  Doctorant UCAD  Wandiaye @gmail.com    

 

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