‘’Il faut éviter les mariages consanguins’’
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Comment prévenir des Fentes labio palatines ?
La prévention est très compliquée. Le premier degré, c’est la consanguinité. Donc, c’est de demander à la société, aux parents d’éviter les mariages consanguins. Quand il y a une anomalie dans une famille et que deux personnes de cette famille se marient, le risque que cette malformation s’exprime et apparaisse est multiplié par 10 ou par 20 en fonction des types de malformation. Toujours dans la prévention, il y a le suivi des grossesses.
Nous demandons chaque fois que les femmes enceintes se fassent suivre. Parce que ce sont des anomalies qui peuvent être prévenues par l’administration d’acide folique pendant les trois premiers mois de la grossesse. Donc, dès qu’une femme ne voit pas ses règles, on lui demande d’aller se faire consulter, de pouvoir se faire prendre en charge, de prendre cet acide folique et de faire aussi les échographies que nous leur demandons. S’il y a d’autres malformations, ça permettra de les détecter et de préparer les parents à la prise en charge de cet enfant. Malheureusement, beaucoup ne font pas le suivi de leur grossesse et quand elles arrivent, c’est le choc. Non seulement pour l’équipe d’accoucheuses, mais surtout pour les parents.
Est-ce que la prise en charge de ces malformations faciales est coûteuse ?
Oui. La prise en charge est très chère, parce que c’est une pathologie qui implique plusieurs spécialités. Il n’y a pas que la pédiatrie. Il faut que la spécialité ORL soit impliquée, de même que la chirurgie cervico-faciale, parce que ce sont eux qui vont faire l’intervention. Mais il faut aussi détecter d’autres malformations comme celles cardiaques. Cela implique aussi la présence d’un cardiologue, dans la prise en charge. Ce qui fait que ça coûte cher. Ne serait-ce que pour la prévention, qui coûte à peu près 5 000 francs dans le public. Avec trois spécialités, ça fait 15 000. Si on y ajoute les échographies et le bilan sanguin, on peut arriver à 120 000 voire 150 000 F CFA. On n’a pas encore parlé de l’intervention chirurgicale qui s’ensuit. Donc, au bas mot, il faut à peu près 500 000 F Cfa pour prendre en charge correctement un enfant. C’est quelque chose de très cher que beaucoup de parents n’arrivent pas à couvrir.
Quelles sont les conséquences de ces affections ?
Les conséquences par rapport aux enfants, c’est sur le plan de l’alimentation. Comme ce sont des enfants qui ont une Fente, au cours de l’allaitement, il y a le lait qui passe au travers de la Fente. Donc, ce sont des enfants qui vont faire beaucoup de rejets et qui ne prennent pas de poids régulièrement. En tant que pédiatre, nous intervenons par rapport au suivi nutritionnel pour leur donner des conseils, parfois même mettre des sondes à travers le nez, qui passent dans la gorge pour pouvoir alimenter correctement ces enfants. La deuxième conséquence, c’est le risque de malnutrition qui peut s’ensuivre. L’autre chose, c’est la stigmatisation par rapport à la famille et à la société, parce que c’est une malformation visible. Ce sont des enfants qui sont très en retrait de la société et ce sont les parents qui les mettent en retrait, parce qu’ils ne veulent pas que les gens se moquent d’eux. Il y a cet aspect psychologique qui devrait être normalement pris en charge.
C’est pourquoi le service social est impliqué. Il y a la détection d’autres malformations cardiaques, abdominales, rénales. Il faut que ce soit un travail d’une équipe pluridisciplinaire pour pouvoir prendre en charge ces enfants. Il faut un orthophoniste, parce qu’il faut leur apprendre à parler. Il y a de l’air qui passe, donc s’ils ne sont pas vus très tôt, leur langage devient très difficile. Malheureusement, il n’y a pas beaucoup d’orthophonistes à Dakar et même au Sénégal. Ensuite, quand il grandit, il va y avoir la poussée dentaire. Donc, il faut qu’il y ait un orthodontiste pour pouvoir aligner les dents correctement au fur et à mesure de la croissance. C’est une pathologie complexe qui nécessite que cet enfant soit suivi au moins 4 ans jusqu’à ce qu’on soit sûr qu’il n’y ait plus de problème particulier et qu’on peut le lâcher au sein de sa famille.
VIVIANE DIATTA