Amy Collé Dieng envoyée en prison, malgré ses dénégations
La chanteuse Amy Collé Dieng a passé, hier, sa première nuit en prison. Elle a été placée sous mandat de dépôt, après son inculpation par le doyen des juges d’instruction pour offense au chef de l’Etat.
Amy Collé Dieng allonge la liste des artistes qui ont goûté à la prison. Depuis hier, la chanteuse est placée sous mandat de dépôt et a rejoint la Maison d’arrêt pour femmes de Liberté VI. N’eût été l’opposition du doyen des juges Samba Sall à la demande de renvoi de la défense, Amy Collé Dieng serait encore dans l’expectative et subirait un second retour de parquet. La chanteuse, arrêtée depuis jeudi dernier à cause d’une audio dans laquelle elle insulte le président Macky Sall, a toutefois échappé à l’article 80 visé dans le réquisitoire introductif du procureur. Le doyen des juges a plutôt retenu les articles 254 et 248. En d’autres termes, Amy Collé Dieng et son coinculpé le manager de Baka Niang et Amadou Seck sont accusés d’offense au chef de l’Etat et de diffusion de fausses nouvelles.
Des accusations que les inculpés ont niées, hier, lors de leur inculpation. D’après nos sources, la chanteuse a fait savoir au magistrat instructeur qu’elle parlait dans un cadre privé et pendant la campagne électorale. Après avoir expliqué le fond de sa pensée, elle aurait soutenu qu’elle n’avait aucune intention malveillante et c’était pour rigoler entre amis et elle a parlé en tant que citoyenne.
Quant à Amadou Seck, nos interlocuteurs renseignent qu’il se dit étranger aux faits qu’on lui reproche, surtout qu’il ne maitrise ni le téléphone portable ni l’ordinateur.
Mais malgré leurs dénégations et les observations par leurs avocats Mes Aboubacry Barro, Ciré Clédor Ly et Djibry Diallo qui ont évoqué les dispositions de l’article 187 du Code de procédure pénale, ils ont été écroués. Ledit article stipule : ‘’Lorsque la peine n’excède pas 3 ans, le juge peut toutefois accorder la liberté provisoire et placer sous contrôle judiciaire l’inculpé.’’
Etant donné que le magistrat instructeur n’a pas tenu compte de cette disposition, la défense est dans tous ses états, même si, d’après nos sources, Amy Collé a laissé entendre qu’elle s’en remettait à Dieu. ‘’Le mandat de dépôt n’est pas obligatoire. Le juge avait la latitude de la placer sous contrôle judiciaire, mais il ne l’a pas fait, car il a estimé que l’inculpée ne satisfait pas les conditions. Or, elle est régulièrement domiciliée’’, se désole Me Barro. Aussi, rappelle-t-il qu’à la police, Amy Collé Dieng a donné son adresse exacte, en précisant qu’elle habite aux Hlm VI et elle s’est même livrée, de son propre gré, à la Dic. Démontant les arguments de Samba Sall, la robe noire ajoute que la chanteuse ne peut, en aucun cas, se soustraire à l’action de la justice, puisqu’elle est connue du grand public.
Etant donné que leurs arguments n’ont pas pu convaincre le juge qui a rejeté leur demande de liberté provisoire, Me Barr renseigne que la bataille va se poursuivre. ‘’Nous allons nous concerter entre avocats pour voir la stratégie à adopter, afin qu’elle soit libérée. Cependant, nous pouvons nous estimer heureux que les dispositions de l’article 80 ne soient pas retenues. Il y a espoir, car nous irons devant la chambre d’accusation’’, conclut avec optimiste le conseil.
Me DJIBY DIALLO ‘’Comment peut-on mettre en prison une artiste enceinte de six mois ?’’ Maître Djiby Diallo est furieux de la mise sous mandat de dépôt d’Amy Collé Dieng. A son avis, il n’y a pas de quoi fouetter un chat, dès lors que des politiciens ont dit pire du président en le traitant parfois de voleur. Mieux, d’après son argumentaire, l’inculpée est une artiste qui parlait dans un cadre privé et bénéficie d’une licence pour s’exprimer. Interpellant le chef de l’Etat, le conseil de marteler : ‘’Le président avait dit qu’il était un lion qui dort, alors où est le problème, s’il est traité de salamandre ? Le Sénégal n’a pas besoin de ce genre d’affaire qui ternit son image. Macky Sall est en train de se tirer une balle.’’ Convaincu que le chef de l’Etat n’est pas au courant, le conseil se demande comment ‘’peut-on mettre en prison une artiste qui bénéficie de la licence d’expression et de surcroit une femme enceinte de six mois ?’’. Très critique vis-à-vis de la justice, Me Diallo martèle qu’il faut que les magistrats arrêtent de faire preuve d’excès de zèle. ‘’S’ils pensent qu’ils rendent service au pouvoir, avec ces petites affaires, ils se trompent. Ils ne doivent pas oublier que la justice est rendue au nom du peuple et non du pouvoir’’. Pour lui, les artistes ne doivent pas laisser cette affaire passer. ‘’Aujourd’hui, c’est Amy Collé. Demain, ce sera le tour de qui ?’’, se demande Me Diallo. A ses yeux, la place d’Amy Collé n’est pas en prison et que le président, qui n’est certainement pas au courant, ne peut pas laisser passer une telle bourde judiciaire. |
FATOU SY