La sécurité alimentaire de l’Afrique de l’Ouest en péril
Greenpeace-Afrique n’y comprend plus rien. Dix-sept bateaux ont été arraisonnés au printemps 2017, pris en flagrant délit de pêche illégale, par des inspecteurs des pêches de la Guinée, de la Guinée-Bissau, de la Sierre Leone et du Sénégal. Six mois plus tard, ils continuent d’écumer tranquillement les eaux ouest-africaines, mettant en péril la sécurité alimentaire dans ces pays.
Greenpeace vient de publier ‘’Le coût de la destruction des océans’’. Le rapport fait la part belle à la situation des pécheurs africains et des communautés locales qui subissent de plein fouet les conséquences de la surpêche et de la pêche illégale au large de l’Afrique de l’Ouest. L’organisation non gouvernementale internationale tire sur la sonnette d’alarme. Elle signale que les navires, qui avaient été arraisonnés pour pêche illégale dans les eaux ouest-africaines, ont repris leurs activités, comme si de rien n’était.
Ainsi, à l’occasion de la Journée mondiale de la Pêche, Greenpeace-Afrique souligne que la sécurité alimentaire de l’Afrique de l’Ouest est très menacée. ‘’La situation actuelle de cette partie de l’Afrique résulte de plusieurs années de surpêche et d’inaction, mais aussi d’une non-concrétisation des engagements pris par les gouvernements des Etats composants et ceux qui pêchent dans les eaux de la région, comme la Chine, la Corée du Sud ou encore ceux de l’Union européenne. Un changement d’approche est nécessaire pour ces Etats, et la mise en œuvre des mesures essentielles pour la survie des communautés côtières qui payent le prix fort de cette situation qui n’a que trop duré’’, déclare Pavel Klinckhamers, Responsable de projet à Greenpeace.
Ce rapport présente également des recommandations précises à l’attention des gouvernements, en vue de résoudre ce crime ignoré. Greenpeace demande aussi aux autorités de divulguer les informations sur les mesures prises contre ces navires et équipages pris en flagrant délit de pêche illégale, au cours des patrouilles menées conjointement par les services de surveillance des pêches et lui, au printemps dernier. Au printemps 2017, en vingt jours, l’Ongi et les inspecteurs des pêches de la Guinée, de la Guinée-Bissau, de la Sierre Leone et du Sénégal avaient pris, en flagrant délit, 17 bateaux qui ne respectaient pas les lois en vigueur. Onze parmi les 17 navires avaient été arraisonnés pour transbordement illégal, activités enfreignant les conditions définies par leur licence de pêche, utilisation d’engins de pêche non autorisés et prélèvement d’ailerons de requins, entre autres infractions. Six mois plus tard, ces 17 navires continuent toujours leurs activités dans les eaux ouest-africaines sous autorisation des autorités.
Greenpeace de constater que, généralement, ses demandes portant sur les sanctions juridiques à prendre à l’encontre de ces navires n’ont pas de suite. Le rapport renseigne que les autorités chinoises ont instruit les autorités provinciales, d’où sont originaires certains de ces navires, de sanctionner les capitaines impliqués dans ces activités illégales - pour certains d’entre eux, les subventions dont ils bénéficiaient ont été suspendues. L’absence d’informations, selon l’Ongi, dans certains pays côtiers, sur les navires arraisonnés, est symptomatique du manque de transparence des gouvernements en matière de politique des pêches, alors qu’ils sont tenus de rendre des comptes. Occasion pour M. Klinckhamers de dénoncer la signature d’accords de pêche opaques avec les pays étrangers, sans mettre en place les moyens de surveiller leurs activités. ‘’Ils ne prennent pas suffisamment en considération les intérêts des pécheurs artisans. Ce sont les pécheurs locaux, l’environnement marin et les populations africaines qui en sont les principales victimes de cette injustice’’, dit-il.
Trois milliards d’euros de revenus par an
La Chine, un des principaux acteurs de la pêche, est en train de revoir sa réglementation relative à la gestion de la pêche lointaine, afin d’inclure des sanctions contre les pécheurs non certifiés, poursuit le rapport. Cependant, Greenpeace est d’avis qu’il est essentiel de garantir la transparence, l’application effective et le renforcement des régimes de sanctions des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest. Le mois dernier, la Chine a signé des accords de pêche à long terme avec la Sierra Leone et la Mauritanie, alors que l’Union européenne et la Guinée-Bissau sont en pourparlers pour un nouvel accord devant remplacer celui qui est en cours et qui arrive à échéance ce mois-ci. La même source fait état d’informations non confirmées, que le Sénégal et la Russie ont entamé des discussions pour autoriser, de nouveau, la flotte industrielle russe, qui a été arrêtée en 2012, à se remettre dans les eaux sénégalaises.
‘’Il n’y a pas de solution miracle. Il faut que tous les acteurs de la pêche, dans les eaux ouest-africaines, travaillent de concert. Les États africains, en particulier, doivent gérer ensemble leurs ressources communes et veiller à ce que la pêche artisanale, source de nombreux emplois, soit préservée en priorité. Ce secteur emploie directement un million de personnes et génère trois milliards d’euros de revenus par an. En parallèle, les pays étrangers doivent garantir que leurs flottes ne compromettent pas la durabilité des pêcheries des pays dans lesquelles elles opèrent’’, lance le Dr Ibrahima Cissé, Responsable de la campagne océans pour Greenpeace-Afrique.
Depuis plus d’une quinzaine d’années, l’Ongi Greenpeace et d’autres Ong dénoncent la surexploitation des stocks de poissons dans les eaux ouest-africaines et ses graves impacts sur les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire surtout et l’emploi de millions de personnes dans cette région. Des avancées sont possibles, à condition que les Etats de l’Afrique de l’Ouest travaillent en étroite collaboration et qu’il puisse avoir une harmonisation de la politique et les réglementations des pêches.
GABRIEL DIOUF (STAGIAIRE)