Comment la bande à Madické Dièye a mis fin aux jours de l’étudiant Mactar Diallo
La Chambre criminelle de Dakar a ouvert avant-hier le dossier relatif à la mort de Mactar Guèye Diallo. Les inculpés risquent des peines allant de 2 ans ferme aux travaux forcés à perpétuité pour meurtre, association de malfaiteurs, vol commis en réunion la nuit avec port d’armes et usage de violences. Ils seront édifiés sur leur sort, le 2 janvier 2018.
L’émotion était palpable dans la salle 4 du Tribunal hors classe de Dakar où s’est tenue l’audience de la Chambre criminelle de Dakar. Le dossier sur la mort de l’étudiant, Mactar Guèye Diallo, à l’Institut privé de gestion (IPG) sis à Sacré Cœur est passé par là. Certains ont eu la gorge serrée ou le cœur meurtri, d’autres plus émotifs n’ont pas pu s’empêcher de verser des larmes. Ce, au fur et à mesure que les accusés déroulaient le film de ‘’l’atrocité’’.
Auparavant, c’est le père de la victime qui a ému plus d’un. L’homme ne pouvait même plus se retenir lorsque le greffier procédait à la lecture de l’ordonnance de disjonction, de mise en accusation et de renvoi devant ladite juridiction. Il a pleuré comme un enfant. Il n’arrive toujours pas à accepter le décès brutal de son fils. ‘’Mactar Diallo avait de l’ambition. Il voulait devenir entrepreneur. Il n’avait que 18 ans’’, a-t-il fait savoir au juge. Malheureusement, la vie de son garçon a été abrégé, dans la nuit du 22 au 23 juin 2012, par ‘’une bande d’agresseurs’’. ‘’Depuis, mon épouse est toujours sous le choc’’, a-t-il indiqué, en réclamant 50 millions en guise de dommages et intérêts.
Les présumés coupables ? L’élève Madické Dièye a été inculpé de meurtre. Il l’a également été pour les crimes d’association de malfaiteurs, de vol commis en réunion la nuit avec port d’armes et usage de violences, au même titre qu’Assane Danso, Baba Ba, Ousmane Diakhaté, Laurent Gomis et Waly Sy. Toutefois, les trois derniers nommés ont été renvoyés devant le tribunal des mineurs. Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure et notamment des actes d’état civil produits au dossier que les concernés étaient âgés de moins de 18 ans, au moment des faits. Ce, avant qu’ils n’obtiennent la relaxe.
Le tueur Madické, les scènes choquantes des vidéos et le comportement du chauffeur de taxi
Lorsque, les éléments de la Section de recherches de la brigade territoriale de la gendarmerie, informés de ce qu’un adolescent a été poignardé à mort près du Collège Sacré-Cœur, se sont rendus sur les lieux, ils ont été reçus par leur collègue Robert Diop. Ce dernier a mis à leur disposition Madické Dièye, Ousmane Diakhaté et un certain Moussa Lamine Dieng qui auraient participé aux faits ayant entraîné la mort de la victime. Entendu par les gendarmes, le sieur Dieng a soutenu qu’il a été agressé par Dièye. Ces propos ont été confirmés par le nommé Assane Diagne qui est allé jusqu’à affirmer que Madické détenait un couteau ensanglanté. Un autre témoin, Abdoulaye Sy, s’est présenté aux enquêteurs pour leur signaler avoir été victime des agissements de cette bande et a désigné l’accusé principal comme celui qui lui aurait arraché son téléphone portable.
Interrogé, Madické Dièye a déclaré qu’en compagnie de ses amis, ils avaient quitté leurs domiciles situés aux Parcelles Assainies pour se rendre au Collège Sacré-Cœur où il y avait une soirée dansante. A leur arrivée, ils ont trouvé Baba Ba et Assane Danso, assis en face de la porte de l’école. Il a reconnu qu’ils ont commis plusieurs vols. Toujours, selon lui, au cours de leur périple, ils ont provoqué un groupe de jeunes et une bagarre s’en est suivie. Leurs antagonistes, disait-il, s’en étaient pris à Baba Ba pour le corriger ; ils se sont attaqués à Mactar Diallo pour venger leur ami. Ce dernier et Danso ont été à leur tour appréhendés. En outre, ils ont nié les accusations portées à leur encontre.
Témoin clé dans ce dossier, Katim Touré a renseigné qu’il était avec son défunt copain à la soirée dansante. ‘’En quittant les lieux pour rentrer, il a été attaqué par le sieur Ba qui lui a pris son téléphone portable et son sac sous la menace d’un couteau pour briser la résistance. Lorsque nous avons constaté que le reste du groupe venait à la rescousse, nous avons pris la fuite. Ils nous ont pourchassés à travers les ruelles. C’est par la suite que j’ai été informé que mon ami avait été rattrapé et poignardé à mort par ses poursuivants’’, a-t-il raconté, s’abstenant de réclamer des dommages et intérêts. ‘’Je veux que justice soit faite’’, a-t-il lancé.
Par ailleurs, les enquêteurs ont pu mettre la main sur des images vidéos prises par d’autres témoins sur lesquelles on voit un groupe de jeunes s’attaquant à la victime jetée dans un taxi.
Comparaissant libre, le chauffeur de taxi Aliou Diop a répondu du délit de non-assistance à une personne en danger. Toutefois, il a expliqué avoir agi de la sorte par peur de représailles de la part des agresseurs de Mactar Guèye Diallo. Ainsi, ce dernier a rendu l’âme sur la chaussée.
Des peines allant de 2 ans aux travaux forcés à perpétuité requises
Prenant la parole, le parquetier Saliou Ngom a regretté que la peine de mort soit abolie. Arguant que les faits sont ‘’d’une cruauté légendaire et d’une barbarie monumentale, il a rappelé que les mineurs ont soutenu unanimement que c’est Madické qui a eu à administrer des coups de couteau à la victime. En ce qui concerne le taximan Aliou Diop, il a soutenu que ses déclarations ne tiennent pas la route, d’autant plus que sa vie n’était pas en danger. Mais il s’est abstenu d’aider Mactar Diallo qui agonisait. ‘’Car il s’est arrêté pour sortir de son véhicule pour venir expulser la victime qui demandait du secours. En plus, il y avait une foule. Aliou Diop devait l’emmener à l’hôpital, mais il ne l’a pas fait. C’est un comportement irresponsable’’, a fulminé le substitut du procureur. Qui a requis 2 ans de prison contre lui et un mandat de dépôt.
En sus, il a demandé à la Chambre de requalifier les faits retenus à l’encontre de Baba Ba en complicité de meurtre, ‘’puisque c’est lui qui était porteur de 2 armes blanches’’. Pour Madické Dièye, le ministère public a requis les travaux forcés à perpétuité. Non sans déplorer ‘’l’attitude inhumaine’’ du tueur Madické. Là où l’étudiant en 2ème année au département d’Anglais, Assane Danso, encourt 20 ans de travaux forcés.
‘’Ce dossier est difficile’’
Soutenant que ‘’ce dossier est difficile’’, Me Bassirou Ngom a sollicité une application bienveillante de la loi pour l’homicide involontaire. Avocats de Danso, Mes Ndèye Fatou Ndiaye et Iba Mar Diop ont demandé l’acquittement parce que, selon eux, leur client était dans la salle de soirée au moment des faits. La même requête a été formulée par Me Domingo Dieng intervenu pour assurer la défense de Baba Ba. Dernier à plaider, Me Malick Mbengue a soutenu que le chauffeur de taxi n’était pas armé pour faire face aux agresseurs. Sur ce, il veut l’acquittement pour Aliou Diop.
Face à cette situation ‘’délicate’’, le président a mis l’affaire en délibéré jusqu’au 2 janvier 2018. ‘’Pour mieux sceller le sort de ces 4 accusés’’, s’est-il justifié.
AWA FAYE