Les mises en garde des avocats de Khalifa Sall et Cie
La décision rendue par la Cour de justice de la Cedeao, le 29 juin dernier, continue d’alimenter la polémique. Mais, pour la défense de Khalifa Sall et Cie, elle a répondu favorablement à leurs 8 demandes. Mieux, il a été jugé que le maire de Dakar a subi une détention arbitraire, de sorte que la conséquence induite doit être sa libération immédiate et sans délai. Pour Me Ciré Clédor Ly et Cie, l’Etat doit s’exécuter ‘’volontairement’’ dans la mesure où l’arrêt a force obligatoire à compter du jour de son prononcé, sous peine de voir les responsables encourir 10 ans ferme.
Les avocats du maire de Dakar et Cie sont sûrs d’une chose : ‘’Jamais la Cour de justice de la Cedeao n’a rendu un verdict aussi limpide.’’ En conférence de presse hier, dans un hôtel de la place, Mes Doudou Ndoye, Ciré Clédor Ly, Demba Ciré Bathily, Seydou Diagne et El Mamadou Ndiaye ont asséné leurs vérités à l’Etat et particulièrement aux acteurs de la justice. D’emblée, les robes noires ont exigé la libération dans les meilleurs délais de Khalifa Ababacar Sall. Selon Me Ly, la cour a dit en clair que le droit à l’assistance d’un conseil a été violé. Il soutient que cela signifie que, dès l’entame de la procédure, le maire de Dakar a été privé d’un droit fondamental qui affecte toute la procédure subséquente. Que le droit à la présomption d’innocence a été violé. ‘’’La culpabilité du maire et compagnons avait été décidée par le procureur de la République, le maître des décrets ainsi que ses employés, avant même leur arrestation. La suite ne fut qu’une comédie judiciaire’’, a-t-il déclaré. Ce, de même que la violation du ‘’droit à un procès équitable du maire et de ses compagnons’’.
Pour lui, ‘’cela disqualifie l’institution judiciaire bien au-delà de nos frontières et signifie que toute condamnation intervenue avec ce manquement grave, est arbitraire et sans valeur’’. Le conseil de faire savoir que la Cour de justice communautaire a ajouté que la détention du maire de Dakar dans la période allant de la proclamation des résultats législatifs par le Conseil constitutionnel, à la date de la levée de son immunité parlementaire est arbitraire. ‘’C’est d’une limpidité déconcertante. Comment un Etat responsable peut-il en venir à des détentions arbitraires contre des opposants politiques ? Il est manifeste et aujourd’hui avéré que la détention arbitraire contre les opposants politiques est érigée en politique d’Etat’’, a déploré Me Ciré Clédor Ly. L’avocat renseigne qu’il n’est nullement besoin d’être agrégé en droit, pour savoir qu’une détention arbitraire ne se régularise pas. Et si l’Etat ne s’exécute pas volontairement, il peut être poursuivi. Et ceux qui sont responsables encourent des condamnations et la dégradation civique.
Me Ciré Clédor Ly : ‘’Le procureur de la République, les juges de la Cour d’appel et autres encourent 10 ans de prison’’
‘’La responsabilité même pénale du procureur de la République est engagée dans cette affaire’’, indique-t-il. ‘’On met fin à la détention arbitraire sous peine d’engager la responsabilité pénale de tous ceux qui sont responsables de cette détention ou qui n’ont pas mis fin à cette dernière, alors qu’ils en avaient le pouvoir. La peine prévue contre les responsables de cette infraction est de 10 années d’emprisonnement et c’est la dégradation civique qui est encourue’’, prévient ce membre du collectif des avocats de Khalifa Sall.
Le procédurier de faire remarquer que dans la période de détention arbitraire du maire de Dakar, la responsabilité des autorités politiques, judiciaires, parlementaires et administratives de ce pays est engagée sur le plan pénal et la prescription est de 10 ans. Mieux, dit-il, l’Etat du Sénégal a été achevé par la cour en ces termes : ‘’Dit que la responsabilité de l’Etat du Sénégal, par le truchement de ses autorités policières et judiciaires, est engagée.’’
De plus, l’avocat a noté que si le gouvernement ne paye pas les 35 millions de francs Cfa auxquels il est condamné à verser à la défense, il y a des mécanismes mis en œuvre pour que la Cedeao intervienne pour l’y contraindre. ‘’J’ai la ferme conviction que l’Etat exécutera. Sinon, nous allons activer ces leviers et si l’Etat se ridiculise encore, c’est son problème’’, plaide Me Ciré Clédor Ly.
Me Demba Ciré Bathily : ‘’Le procès devant la Cour d’appel de Dakar est comme un match qu’on annule’’
Par ailleurs, la défense souligne que le Sénégal, Etat partie à la Cedeao, a ratifié très hâtivement, comme à ses habitudes, tous les textes sur la cour en s’engageant à respecter les décisions communautaires. De ce fait, il n’ignore donc pas les textes sur la cour, notamment l’article 15 du traité révisé, l’article 60, son règlement ainsi que l’article 19 alinéa 2 de son protocole additionnel, lesquels disposent que les décisions de la cour sont sans appel et sont exécutoires, les Etats signataires ayant l’obligation de respecter leurs engagements et de les exécuter. Dès lors, argue-t-elle, les citoyens, la communauté Cedeao et la communauté internationale attendent du Sénégal ‘’que la Cour d’appel de Dakar, sur demande du parquet général, enrôle sans délai le dossier sur la liberté provisoire et ordonne la libération immédiate de Mbaye Touré, Yaya Bodia et du maire de Dakar’’. ‘’Qu’à l’audience du 9 juillet prochain, la Cour d’appel de Dakar tire les conséquences de la décision du 29 juin dernier et annule d’office le jugement de condamnation rendu contre le maire de Dakar et ses co-inculpés, avant de renvoyer le ministère public à sa copie’’, affirme-t-elle.
Prenant la parole, Me Seydou Diagne annonce : ‘’Dès la semaine prochaine, nous demanderons comment est-ce que l’Etat compte nous payer cet argent.’’ Rappelant ainsi qu’il n’y a pas de débat sur la force exécutoire de l’arrêt. ‘’Les déclarations de l’Etat du Sénégal sont mal fondées et erronées. Il n’a pas le choix. Nous, on a obtenu plus que ce qu’on espérait. Le procès du 9 juillet n’a eu aucune valeur, parce que c’est un procès qui est organisé en dehors des standards internationaux’’, lance-t-il. Son confrère, Me Demba Ciré Bathily, d’argumenter que tout ce que l’Etat a fait avec ‘’ses autorités judiciaires’’ ne vaut rien.
‘’Vous avez tout violé. Même le droit à un procès équitable a été violé. Cette décision est nulle. C’est comme un match qu’on annule. Nous ne sommes pas dans la propagande politique. Nous sommes sur le respect des droits des citoyens. Ce sont des combats de principe qui sont très sérieux. Ceux qui veulent chanter des louanges ou faire du théâtre, c’est leur problème. Nous, nous sommes sérieux dans ce que nous faisons’’, prévient l’avocat.
AWA FAYE