Le cultivateur passeur écope d’un an de prison ferme pour escroquerie
Oumar Kandé, âgé d’une trentaine d’années, marié et père de 2 enfants, vient d’écoper d’un an de prison. Il a été reconnu coupable, par le tribunal de grande instance de Kolda, ce mercredi 26 septembre, du délit d’escroquerie. Le cultivateur passeur a échoué à faire voyager des candidats à l’émigration.
‘’Barça ou barsac’’ a encore de beaux jours devant lui. Oumar Kandé, agriculteur, fait partie de ceux qui perpétuent cette funeste tradition. Chaque année, il cultivait du maïs, de l’arachide et des pastèques. Il tirait de sa production annuelle entre 300 et 400 mille francs Cfa. Avec cet argent, il s’est mis à faire un petit commerce, en achetant du pain de singe qu’il revendait au marché hebdomadaire de Diaobé. Mais le pauvre cultivateur n’arrivait pas à satisfaire les besoins de sa famille. Il a décidé de devenir passeur, plus précisément rabatteur de candidats à l’émigration.
Ainsi, Oumar Kandé sillonne les villages de la commune de Niagha, département de Goudomp, dans la région de Sédhiou. Partout, il explique aux habitants qu’il fait partie d’une organisation qui peut les faire voyager à l’étranger, à travers des pirogues basées en Gambie. Ainsi, il a pu convaincre 14 candidats à l’émigration qui lui ont remis, chacun, la somme de 500 mille francs Cfa. Ce qui fait un total de 7 millions de francs Cfa. Mais, malheureusement pour lui, aucun de ceux-ci n’a pu rallier l’Europe. A chaque fois, les embarcations ont connu des avaries.
C’est le cas du voyage de Yaya Diamanka, l’une des victimes, qui a raconté aux enquêteurs que leur pirogue est tombée en panne aux larges des côtes gambiennes. Un autre candidat à l’émigration, Aliou Mballo, rapporte que leur voyage a aussi tourné court, puisque leur pirogue était tombée en panne aux larges des côtés de la Guinée.
De retour à la case départ, les 14 candidats ont passé plusieurs semaines à courir derrière Oumar Kandé pour qu’il respecte sa part du marché et qu’il rembourse l’argent. ‘’Il avait promis à certains d’entre nous de donner des bœufs équivalents à la somme qu’il a perçue. Aux autres, il avait promis de rembourser intégralement la somme versée’’, ont soutenu les victimes devant les enquêteurs, après avoir porté plainte.
Arrêté le 3 août dernier par la gendarmerie de Samine, il a été déféré au parquet, puis placé sous mandat de dépôt. Devant les enquêteurs, Oumar Kandé avait reconnu les faits. Il avait précisé, d’ailleurs, qu’il avait remis les 7 millions de francs Cfa au propriétaire des deux pirogues stationnées en territoire gambien. Mais devant la barre du tribunal de flagrants délits, ce mercredi 26 septembre, le prévenu a balayé d’un revers de main toutes les accusations, en l’absence des victimes. Il a soutenu que ces dernières veulent tout simplement ternir son image. Qu’il n’est ni de près ni loin mêlé à cette affaire. ‘’Ils se sont rendus dans mon domicile pour m’obliger à donner le nom du piroguier basé en Gambie. Car, disent-ils, mon petit frère, qui est tailleur en Gambie, le connait’’, s’est-il défendu.
‘’Mon client doit être relaxé au bénéfice du doute’’
Prenant la parole, le ministère public a soutenu qu’Oumar Kandé est de mauvaise foi. ‘’Sentant qu’il risque une lourde peine, il a rejeté en bloc les délits pour lesquels il est poursuivi, pour se défendre. Or, en réalité, il les avait reconnus devant les enquêteurs et le procureur de la République. Oumar Kandé a bel et bien précisé qu’il avait remis au piroguier la somme de 7 millions de francs Cfa, afin de pouvoir faire voyager les 14 candidats à l’émigration clandestine vers l’Espagne. Mais que le projet n’a pu se réaliser du fait que les deux pirogues sont tombées en panne aux larges des côtes de la Gambie et de la Guinée’’.
Fort de ce constat, le maitre des poursuites a demandé au tribunal de le retenir dans les liens de la détention pour une durée de 2 ans. Une peine jugée trop lourde par l’avocat du prévenu.
‘’Toutes les déclarations tenues par les 14 victimes sont comme une bulle de savon. Il suffit d’un coup de vent pour la dissiper’’, a martelé Me Bodian, avocat du prévenu. ‘’Si c’est vrai que mon client avait escroqué ces victimes, pourquoi ces dernières ne sont pas venues à la barre de votre juridiction pour démentir mon client, malgré le fait que le procès a été renvoyé à trois reprises pour leur comparution ? Elles devraient être là devant vous, Monsieur le Président, pour apporter des preuves pouvant aujourd’hui retenir mon client dans les liens de la détention’’. Le conseil a aussi relevé l’absence de reçus qui peuvent être des preuves que son client a bel et bien reçu de l’argent des victimes. Pour toutes ces raisons, Me Bodian a demandé au tribunal de relaxer son client au bénéfice du doute.
L’avocat du prévenu n’a pas été suivi dans sa plaidoirie. Car le tribunal a condamné Oumar Kandé à un an d’emprisonnement ferme pour le délit d’escroquerie, avant de le relaxer du délit d’usage de fausse qualité.
EMMANUEL BOUBA YANGA (KOLDA)