Publié le 3 Oct 2018 - 01:24
5 ANS DU CONCEPT ‘’UBI TEY, JANG TEY’’

Encore du chemin à faire !

 

Après 5 années de mise en œuvre, le concept ‘’Ubi tey, jang tey’’ s’inscrit petit à petit dans les habitudes. Cependant, les goulots d’étranglement restent encore nombreux. Les acteurs appellent à la mobilisation de tous et invitent l’Etat à faire mieux.  

 

Lancé à la rentrée de l’année scolaire 2014-2015 par la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’école publique (Cosydep), le concept ‘’Ubi tey, jang tey’’ a fini de s’imposer dans le vocabulaire des acteurs de l’école. Depuis, les autorités du ministère de l’Education nationale l’ont adopté, les établissements essaient de se l’approprier afin que les cours démarrent le jour de la rentrée. Reste à savoir si les conditions sont réunies pour l’effectivité du concept. Autrement dit, est-ce que tous les établissements sont prêts, le nombre d’enseignants nécessaires dans chaque académie et les élèves présents avec le matériel indispensable pour suivre un cours ?

Inspecteur d’académie de Dakar, Gana Sène, joint par ‘’EnQuête’’, déclare qu’un dispositif et un ensemble d’actions ont été menés pour une bonne rentrée des classes. A cet effet, rappelle-t-il, un processus a été lancé à Diamniadio récemment pour évaluer l’année passée et les ambitions pour la rentrée 2018-2019. Un comité régional de développement (Crd) a également été tenu à Dakar. A cette occasion, ajoute-t-il, les écoles envahies par les eaux ont été identifiées et les services techniques concernés informés. En plus, à l’issue de ce Crd, chaque Ief, en rapport avec le préfet, le sous-préfet de la circonscription administrative, a tenu un comité local de développement, sans compter les réunions de coordination. Il y a aussi le lancement de la Semaine nationale de la propreté à l’école, laquelle a démarré le 18 septembre. Vendredi dernier 28 septembre, il était prévu une rencontre avec les Ief, proviseurs et autres chefs d’établissement pour faire le point. Une autre sera organisée ce 2 octobre au matin pour un démarrage effectif des cours le premier jour.

‘’A l’académie de Dakar, tout est fin prêt pour accueillir les élèves. C’est aux Almadies que nous avions quelques cas d’écoles qui ont été envahies par les eaux et ç’a été pris en compte par les autorités compétentes’’, rassure-t-il. Le secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen-secondaire du Sénégal (Saemss) Saourou Sène n’en dit pas moins. Il estime que le concept est déjà un slogan mobilisateur. Cependant, précise-t-il, ‘’l’effectivité des cours ne dépend pas des enseignants ou même parfois de l’administration scolaire ; elle intègre aussi la participation des collectivités locales, en ce qui concerne le désherbage et la désinfection des établissements’’.

Saourou Sène préconise également un travail préalable bien avant la rentrée, notamment pour voir les tables-bancs qui sont utilisables et ceux qui nécessitent des réparations. Mais, à la place d’une anticipation, relève-t-il, force est  de reconnaitre qu’il y a des acteurs qui réagissent à la dernière minute. ‘’Certaines écoles sont nettoyées le jour de la rentrée. De ce fait, les lieux sont très délabrés, avec beaucoup d’herbes. Dans cette situation, il n’y a pas possibilité de démarrer les enseignements-apprentissages’’, soutient-il. De son point de vue, il serait mieux d’identifier les facteurs bloquants et s’en charger bien avant la rentrée.

Comme Gana Sène, l’inspecteur d’académie de Dakar, Saourou Sène reconnait qu’il y a eu un effet d’entraînement. Le défi est maintenant de parvenir, un jour, à le réaliser dans toutes les écoles du Sénégal. ‘’En tout cas, c’est un concept bien ancré dans le système éducatif, qui a permis de montrer qu’il est possible de démarrer les cours le jour de la rentrée’’, ajoute-t-il.

‘’Il faut que les parents nous aident à libérer les élèves’’

Jeudi dernier, lors de la tenue d’un comité de développement local relativement aux préparatifs de la rentrée scolaire 2018-2019, le sous-préfet de l’arrondissement de Pikine-Dagoudane, Oumar S. Ndiaye, avait affirmé qu’il n’y a que 6 écoles touchées par les inondations. Et elles sont en train d’être prises en charge. ‘’Nous allons voir, avec tous les services de l’Etat, comment entamer des actions pour que les eaux puissent être enlevées dans toutes les écoles et permettre aux élèves de démarrer correctement les cours. C’est pour cela que j’ai convoqué tous les services concernés. Nous allons faire une tournée dans des écoles où des petits problèmes ont été signalés. Ainsi, nous allons les prendre en charge avant la rentrée’’, promettait-il. Concernant la réfection des tables-bancs, il assure que des instructions ont été données à l’Ie de  faire l’état des lieux pour y apporter des solutions avec les partenaires.

Toutefois, l’inspecteur d’académie de Dakar, Gana Sène, estime que le plus difficile est de mobiliser les élèves. ‘’Il faut que les parents nous aident à libérer les élèves. L’inscription n’est pas un obstacle, car il y a un moratoire accordé aux parents. Donc, il lui est possible de faire le versement deux mois après l’ouverture’’, rappelle-t-il. A noter  qu’à l’élémentaire, il n’y a pas de frais d’inscription, et au moyen-secondaire c’est fixé entre 3 000 et 10 000 F Cfa maximum. S’appuyant sur le fait que l’école est l’affaire de la communauté, Saourou Sène invite à une mobilisation précoce. L’Ia de Dakar insiste sur la responsabilité des parents et constate que dans le privé, il n’y a pas ce problème. ‘’Nous avons bon espoir que les cours vont démarrer normalement’’, a-t-il laissé entendre.

En outre, l’Ia de Dakar trouve que le concept ‘’Ubi tey, jang tey’’ a eu le mérite de faire croire qu’au Sénégal, il est possible que les cours démarrent le jour de la rentrée. ‘’Il y avait de vieilles habitudes. Ce concept, même s’il n’a pas vocation de faire démarrer les cours le jour de la rentrée, a permis de se rendre compte, de montrer que c’est possible, si certaines dispositions sont prises pour le rendre effectif’’, indique le Sg du Saemss. La preuve, certains établissements qui n’étaient pas dans l’échantillon de départ ont essayé de suivre le mouvement.

Et pour qu’il y ait plus de réussite, Saourou Sène invite la Cosydep à indexer les fossoyeurs de l’effectivité. ‘’On ne peut pas accepter que ça réussisse ailleurs et considéré comme idéal ou irréaliste quelque part’’, souligne M. Sène.

Le problème des extraits de naissance

Lors de la tenue du comité de développement local, le sous-préfet de Pikine Dagoudane, Oumar S. Ndiaye, a évoqué les difficultés liées à l’octroi des extraits de naissance. Même si les papiers administratifs ne sont  pas une condition pour que l’élève soit admis en classe le jour de la rentrée, il n’en demeure pas moins que l’apprenant est tôt ou tard rattrapé par les questions d’actes d’état civil.  C’est pour cela que le sous-préfet décide de prendre en charge cette question. ‘’Je verrai, avec le tribunal d’instance de Pikine-Guédiawaye et les collectivités locales, comment s’organiser autour d’une table et prendre en charge cette question’’, s’engage-t-il.

-------------------------------------------------------------------------------------------

TROIS QUESTIONS A… CHEIKH MBOW

‘’Il faut faire face à plusieurs goulots d’étranglement’’

Depuis le lancement de la campagne en 2014, les établissements sont-ils mieux préparés à recevoir les élèves à la rentrée ?

La campagne ‘’Ubi tey, jang tey’’ est partie d’un constat très simple qu’il faut retrouver les normes, c’est-à-dire que les enseignements-apprentissages  puissent démarrer en début d’année scolaire. Que l’on puisse réduire le temps perdu avant l’effectivité des cours. Pour y arriver, il faut faire face à plusieurs goulots d’étranglement, lever toutes les barrières qui peuvent empêcher la réussite. Et c’est dans ce cadre que nous sommes allés à la campagne ‘’Ubi tey, jang tey’’. Il faut comprendre que le concept s’inscrit dans le cadre d’un processus qui ne peut pas avoir un résultat à 100 % sur une année ou deux.

Il faut faire en sorte que, chaque année, il y ait encore plus d’écoles qui le réussissent. Il faut faire en sorte que l’Etat du Sénégal puisse aider à lever les barrières d’ordre structurel. Quand on parle d’abris provisoires ou d’écoles occupées par les eaux, ça peut dépasser la communauté. Notre message, c’est qu’il faut faire  du ‘’Ubi tey, jang tey’’ dans toute école où il est possible de le réussir. Nous savons qu’il y a des écoles privées qui le réussissent à Dakar et dès le mois de septembre. Là où il y a les difficultés majeures, la communauté devrait pouvoir discuter, lever les difficultés qui sont à leur portée. Nettoyer une école ne dépend pas de l’Etat, la communauté peut le faire.

Chacun a une part de responsabilité. Nous devons avoir un bon pourcentage d’écoles qui réussissent le concept, car il n’y a pas de contraintes majeures. Il y aura un autre pourcentage d’écoles qui ne réussit pas toute de suite, mais qui pourra réduire le temps qu’il restait avant le démarrage. Il  y aura d’autres écoles où il y aura des difficultés parce que ça dépasse le niveau communautaire. C’est ça le sens de la campagne qui est un processus lancé, qui est en train d’être construit. Les enseignants ont toujours été présents le premier jour et prêts à enseigner.  

Maintenant, il faut travailler à ce que les parents, les communautés, l’Etat puissent aider à faire face aux questions les plus complexes. Ce que nous ne voulons pas, c’est que l’on puisse se concentrer sur les exceptions pour parler de ‘’Ubi tey, jang tey’’. Quand vous avez une ou deux écoles sur vingt qui ne fonctionnent pas, ça dépend de votre angle ; si vous voulez, vous pouvez mettre le focus sur les dix-huit ou bien sur les deux.

Est-ce que les parents et les élèves sont dans les dispositions pour que les cours démarrent dès le premier jour ?

Pour ce qui est des parents, nous avons senti que ça dépend du niveau de l’association des parents d’élèves. Il y a des associations de parents d’élèves très dynamiques, très engagées et qui travaillent pour réduire le nombre d’abris provisoires. Il y a les travaux champêtres, mais ils se débrouillent, grâce au concept, pour le faire bien avant. D’autres organisent des actions de nettoiement pour rendre salubres leurs écoles en lien avec les associations de femmes et de jeunes. D’autres en font moins. Les parents, individuellement, de même que les élèves, nous avons senti qu’à chaque fois que l’on parle du concept, ils sont présents. Certains parlent de problème de fournitures, d’autres de moyens, ce sont des difficultés qui peuvent être levées. C’est pourquoi nous leur avons offert la foire des innovations en éducation et formation avant l’ouverture des classes où ils ont la possibilité de faire des dons, des échanges. Ce sont des contributions que nous faisons en faveur du concept. Le message fort, c‘est que la grande responsabilité, c’est l’Etat. Les parents d’élèves, les enseignants, les communautés et la société civile, chacun doit faire le maximum  pour faire face à ses responsabilités.

Quels sont les éléments qui vous indiquent qu’il y a des avancées 5  ans  après ?

Nous avons vu que le ministère de l’Education nationale fait de petits efforts en termes d’orientation des élèves. Il faudrait accélérer ça et rendre les élèves disponibles.

En plus, ça s’impose comme réflexion à la veille de chaque rentrée. Donc, cela veut dire que, premièrement, au moins, en termes d’appropriation, c’est devenu une affaire de tous, ce n’est plus une affaire de Cosydep, bien vrai que c’est nous qui avons conceptualisé cela. Deuxième avancée, ça a permis à chaque communauté autour de l’école de discuter des difficultés, des goulots d’étranglement et de maitriser ce qui les empêche de le réaliser. Troisième élément, nous avons vu qu’il y a eu des efforts avec les collectivités territoriales qui commencent à mettre le budget à la disposition de l’école, le matériel avant l’ouverture, alors qu’auparavant, c’était au mois de mars-avril qu’ils libéraient les fonds. En plus, chaque année, nous constatons qu’il y a des écoles qui en font un challenge. Si nous sommes positifs dans le discours, dans la campagne et que chacun donne le maximum, nous pouvons, à moyen terme, être dans les dispositions de réussir ‘’Ubi tey, jang tey’’ dans la plupart des écoles.

AIDA DIENE

 

Section: