Au lendemain de son coup de force à la tête de la Guinée, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya a tenu, hier, son Conseil présidentiel spécial. Une transition devrait mener vers la constitution d’un gouvernement. Pour l’instant, il a le soutien du principal opposant d’Alpha Condé.  

Finalement, personne n’a osé défier l’autorité du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) mis en place par le Groupement des forces spéciales guinéennes qui s’est emparé du pouvoir dimanche dernier.  Pour ces putschistes, la présence des plus hautes autorités civiles de la capitale guinéenne signe la prise en compte du coup de force et leur adhésion. Il faut dire que ‘’tout refus de se présenter sera[it] considéré comme une rébellion’’, avaient-ils prévenu.

Ce conseil ‘’présidentiel’’ d’un genre nouveau a ainsi vu la participation du Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana. Le ministre de la Défense Mohamed Diané, le ministre de la Sécurité, le porte-parole du gouvernement, le président de l'Assemblée nationale Amadou Damaro Camara et celui de la Cour constitutionnelle étaient présents dans le chapiteau au palais du peuple. Plusieurs autres ministres ont également participé à cette réunion, comme le président de la Haute autorité de la communication Boubacar Yassine Diallo ou encore le président de la Ceni.

D’un pouvoir à un autre, les choses peuvent basculer très vite. Le président Alpha Condé, renversé par une unité d’élite qu’il a armée, le vit à ses dépens. A l’arrivée du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya à la rencontre, retransmise sur écran géant dans la rue, le leader des insurgés a été acclamé. Le drapeau des couleurs nationales sur les épaules, il a annoncé plusieurs mesures qui ambitionnent de maintenir la marche normale du pays. 

Les voitures de fonction et titres de voyage retirés aux officiels

De ces notes ‘’positives’’, le principal est l’annonce de la formation d’un gouvernement d’union nationale. Par sa déclaration du jour, le chef des forces spéciales, le commandant Doumbouya, a assuré qu’une ‘’concertation sera ouverte pour décrire les grandes lignes de la transition. Ensuite, un gouvernement d’union nationale sera mis en place pour conduire la transition’’.

En attendant de connaître la durée et la composition de cette transition, le Comité national du rassemblement et du développement avait fait savoir, la veille, que les secrétaires généraux des ministères assureront la continuité des services jusqu'à la mise en place du prochain gouvernement. Jusqu’à nouvel ordre, les hôtes des forces spéciales devront tout de même rendre les titres de voyage et les voitures de fonction qu’ils détiennent.  

Pour matérialiser leurs promesses de maintien des activités économiques et sociales, les insurgés ont procédé à la réouverture des frontières terrestres et aériennes pour les échanges commerciaux et humanitaires. De même, ‘’les frontières maritimes restent ouvertes pour les activités d’exportations des produits miniers’’. Le comité assure aux partenaires de la Guinée qu’il respectera toutes ses obligations et rappelle son engagement à favoriser les investissements étrangers dans le pays.

Des questions politiques ont aussi été abordées par les militaires qui ont promis la libération d’opposants emprisonnés suite aux heurts occasionnés lors de la Présidentielle de 2020. Un appel à leur réserver un accueil chaleureux a même été lancé. Pamis eux, l’activiste et journaliste guinéen Foniké Mengué, le leader du parti 'Nos valeurs communes' Étienne Soropgui ou encore le membre de la Direction nationale de l'UFDG (l'Union des forces démocratiques de Guinée), la principale formation de l'opposition, Abdoulaye Bah.

Cellou Dalein Diallo, opposant : ‘’Le CNRD peut compter sur notre soutien dans l’effort qui vise à construire une démocratie apaisée dans notre pays.’’

Un qui n’en fait pas partie est le leader de l’UFDG dont de fausses nouvelles faisaient état de son arrestation. Cellou Dalein Diallo s’est prononcé hier sur les évènements de ce dimanche. Et c’est pour saluer les motifs annoncés de la prise du pouvoir par les éléments des forces spéciales : ‘’Notre armée, représentée par le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), dans un sursaut patriotique, a posé un acte historique qui parachève le combat mené par l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique (Anad) et les autres forces vives du pays éprises de justice et de démocratie.’’ Cette coalition autour de la candidature du président de l’UFDG a pris acte de la déclaration de prise du pouvoir du CNRD tout en se disant prête à soutenir les militaires dans l’effort qui vise à construire une démocratie apaisée dans leur pays.

Toutefois, le candidat auto-déclaré vainqueur de la dernière Présidentielle ‘’exhorte le CNRD à inscrire dans ses responsabilités prioritaires la mise en place d’institutions légitimes capables de mettre en œuvre les réformes pouvant conduire rapidement le pays à la réconciliation nationale et à l’instauration de l’État de droit’’.

Selon lui, ‘’le 5 septembre 2021 est un jour qui consacre la victoire de notre peuple et l’échec du régime dictatorial d’Alpha Condé. Il porte l’espérance d’un nouveau départ pour notre nation’’.

Lamine Diouf