PROCES DU MASSACRE DE BOFFA BAYOTTES
Les terribles révélations de René C. Bassène sur son arrestation
Entre bandage solide sur les yeux, menottes, WC aux puanteurs inimaginables, moustiques, souris et vers assoiffés de sang, le journaliste René Capain Bassène, cité comme le ‘’cerveau’’ présumé de la tragédie de Boffa Bayottes, déballe, quatre ans après, sur les premières heures de son arrestation, non sans rejeter, en bloc, tous les chefs d’inculpation portés contre lui.
Ce jour-là, il dormait d’un sommeil profond, aux côtés de sa femme, ses trois filles, mais surtout le dernier, le seul garçon qui venait de naitre quelques mois auparavant. Son papa, alité, occupait une chambre de sa maison sise au quartier Kandialang, dans la périphérie de Ziguinchor. C’était un samedi. Il était 3 h du matin passées de quelques minutes, dans la nuit du 13 au 14 janvier 2018 lorsque, soudain, quelqu’un toqua à sa porte. L’insécurité qui régnait à Ziguinchor et les tirs à l’arme lourde à partir du camp militaire de Ziguinchor le convaincront de ne pas répondre. Mais face à l’insistance des coups d’appels à la porte, puis sur sa sonnerie de façon ‘’assourdissante’’, il se ravisa.
Il se leva du lit, se rendit dans les toilettes pour se laver la figure. De là, il aperçut des hommes en tenues militaires qui enjambaient sa clôture. Le temps d’ouvrir la porte, il reçut une balle, avant de se retrouver par terre. Il portait un survêtement. A la question de savoir s’il est René Bassène, il a répondu positivement. Mais, ils ne le croyaient pas, dit-il. ‘’Nous cherchons René, pas toi. J’ai répondu que c’est bien moi. Ils m’ont demandé si je détiens des armes ; j’ai dit non. La perquisition qui s’en est suivie, après avoir violentés mes enfants et mon papa, n’apporta rien de compromettant. Ils étaient une soixantaine d’hommes armés. Ils me menottèrent, bandèrent fortement mes yeux, puis me conduisirent vers une destination inconnue. Je ne me retrouvais plus’’, a expliqué René Bassène.
A l’en croire, il a passé trois jours nu, le samedi, le dimanche et le lundi, dans des toilettes (WC) sans boire, ni manger. ‘’Ce lieu dégageait une odeur insupportable. Il y avait plein de vers, de fourmis. Ces toilettes étaient faites de plancher et d’un trou. C’est seulement dans l’après-midi du lundi que ma femme m’a rendu visite, après que les gendarmes m’ont demandé de me rhabiller. Mes vêtements étaient jetés dehors. Ils étaient poussiéreux. ‘’Prenez soin de mes enfants et veillez sur mon papa alité’’, dit-il à sa femme avant de prendre congé d’elle. Il ajoute que c’est ce jour qu’il a bu, à sa demande, deux sachets d’eau. ‘’Un gendarme m’a proposé le reste de son repas ; j’ai refusé’’ a-t-il poursuivi.
Il fut amené dans une cage, les mains toujours menottées. ‘’J’étais fatigué, extenué. Malgré tout, le colonel Issa Diack de la Section de recherches de la gendarmerie lança ces mots : ‘Il est encore lucide ?’’’, révéla René Capain Bassène à la barre de la Chambre criminelle du tribunal de grande instance de Ziguinchor.
Le journaliste-chercheur-écrivain a rejeté d’un revers de main tous les faits qui lui sont reprochés. Il a déclaré avoir été, en 2013, envoyé à Ziguinchor par l’Agence nationale pour la relance des activités socio-économiques en Casamance (Anrac) pour servir d’agent de liaison entre l’agence et le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance. René Capain a dit disposer, à l’époque, d’un vaste réseau de sources parmi lesquelles de hauts responsables du MFCD, de l’armée, de la police, de la gendarmerie et des pays voisins. Et que ses rapports avec les responsables du MFDC se limitaient dans le cadre de son travail de journaliste d’investigation.
Il a réfuté ‘’l’authenticité’’ des mails ou courriels qu’on lui prête et souligne avoir demandé une ‘’expertise’’ devant le juge d’instruction. Mails dans lesquels, relève l’enquête, il a demandé à César Atoute Badiate, le commandant en chef du Front Sud du mouvement rebelle, ‘’d’agir’’ et de ‘’prendre des otages’’ parmi les coupeurs de bois, pour la protection de la forêt. René Capain a aussi révélé qu’il a été forcé, les mains menottées, de signer le document de l’enquête préliminaire. ‘’Le gendarme Mbengue m’a frappé pour que je signe. L’adjudant Niang m’a giflé. Le sang a coulé de mon oreille qui s’est perforée. J’ai été matraqué. Jamais j’ai ressenti une douleur pareille, dans ma vie’’, a expliqué René Capain Bassène. Ce document, précise-t-il, n’a pas été lu devant lui, parce que ses interlocuteurs ont indiqué qu’il était volumineux et qu’ils ne pouvaient pas le lire.
Aujourd’hui, dans la matinée, il se présentera encore à la barre de la Chambre criminelle du TGI de Ziguinchor, avant les plaidoiries des nombreux avocats et le réquisitoire des maitres des poursuites.
HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)
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