Le film de la tragédie !
Alors que la police et le procureur évoquent l’existence d’une vidéo filmée par une caméra de surveillance du commissariat central, les avocats et la famille rejettent et chargent les forces de l’ordre.
C’est un nouvel épisode dans le long feuilleton dit des Forces spéciales, arrêtées suite aux manifestations du 17 juin dernier, pour plusieurs chefs d’inculpation, dont : ‘’Complot contre l’autorité de l’État, actes de nature à occasionner des troubles politiques graves et à compromettre la sécurité publique, détention et transport de substances et produis incendiaires, détention d’armes en rapport avec une entreprise terroriste, financement du terrorisme et complicité…’’ Les nouveaux développements sont simplement tragiques et en rajoutent à la polémique déjà abyssale.
Pendant que la famille, les avocats et Amnesty tonnent fort contre la police et les autorités judiciaires, ces dernières brandissent une vidéo qui aurait été prise dans les locaux du commissariat central où le défunt a été en garde à vue avec d’autres présumés complices.
Dans sa déclaration, hier, face à la presse, le procureur de la République a affirmé avec force : ‘’Selon les renseignements reçus que l’enquête aura en charge d’élucider, le susnommé, contrairement aux autres inculpés qui avaient gardé le calme, a violemment cogné le mur et les grilles de la cellule sans que l’on ne sache réellement ses motivations profondes. Je dois dire à ce propos que les enquêteurs disposent d’images vidéo de 13 minutes qui seront versées dans la procédure…’’
Cette information lâchée, Amady Diouf a soutenu avoir confié l’enquête à la Division des investigations criminelles et ordonné une autopsie.
La vidéo sera montrée à la famille et aux organisations des Droits de l’homme
‘’EnQuête’’ a essayé d’en savoir un peu plus. Il résulte de confidences faites par des sources policières proches de l’enquête qu’en fait, c’est bien une vidéo de surveillance du commissariat central qui aurait filmé le geste ‘’surprenant’’ de François. ‘’Il a soudainement couru et a heurté violemment le mur. Aussitôt, le sang a commencé à gicler. Les agents l’ont pris et l’ont emmené à l’hôpital Principal. C’était le 25 juin et la vidéo est bien disponible. Les autorités ont d’ailleurs pris la décision de la montrer à la famille du défunt et aux organisations de défense des Droits de l’homme. Mieux, les autres qui étaient en garde à vue dans la même affaire ont assisté à la scène. Ceci figure d’ailleurs dans les procès-verbaux de leur audition. Et ils ont témoigné de ce qu’ils ont vu sur place. C’était pour se prémunir contre cette éventualité, puisque les forces de l’ordre ont bon dos. Mais surtout, il y a la vidéo qui sera montrée à la famille ; s’ils sont honnêtes, ils vont dire ce qui s’est passé’’.
Sur ce, nous avons joint l’un des avocats de la victime, Maitre Ousseynou Gaye qui, lui, a tout balayé d’un revers de main. Selon lui, ce sont des allégations tirées par les cheveux. ‘’Ce sont des histoires. La vérité est qu’ils l’ont torturé. François Mancabou a eu la chance de souffler aux membres de sa famille, à son épouse en particulier, ce qui s’est passé. Il a clairement dit qu’il a refusé d’apposer sa signature sur une déposition qui n’était pas la sienne et qui attesterait d’un complot dans lequel il a été trempé. Il a refusé de signer. Et pour ça, on a cogné sa tête un peu partout pour lui occasionner des blessures. Voilà la vérité’’, fulmine la robe noire qui dit avoir été le voir à l’hôpital vendredi dernier, mais n’a pu lui parler en raison de son état.
‘’Je ne pouvais pas échanger avec lui. Sa femme a pu lui parler, mais une seule fois. Maintenant, nous n’allons pas nous laisser faire. Qu’ils aient fait leur montage, cela n’étonne personne. Comment, dans la police, on peut laisser des gens filmer un détenu qui est en train de se faire cette violence… ?’’.
À la question de savoir et si c’était une vidéo? Maitre Gaye tempête : ‘’Quelle caméra de surveillance ? Tu crois qu’à la police, il peut y avoir des caméras de surveillance ? Allez à la police, essayez de chercher une caméra de surveillance, tu n’en trouveras pas ! Tu n’en trouveras pas (il se répète) ; peut-être à la porte, oui... Et même là, j’en doute. Ils n’ont pas besoin de caméra de surveillance à la police.’’
SEYDI GASSAMA SUR LA VIDÉO ‘’Nous n’accepterons pas de cautionner une vidéo qui n’ait été authentifiée par des experts’’ Embouchant la même trompette, Seydi Gassama d’Amnesty International rejette en bloc les charges du procureur de la République. Selon lui, c’est du réchauffé et une volonté manifeste de cacher la vérité. Il déclare : ‘’Voilà une personne qui a été interpellée chez lui en très bonne santé, qui a été détenue à la Sûreté urbaine pendant des jours, avant d’être transférée à l’hôpital Principal en très mauvaise santé. Lorsque sa famille lui a rendu visite à l’hôpital, M. Mancabou lui a clairement dit : ‘Voyez ce qu’ils m’ont fait’ et il le lui a dit plusieurs fois. Lorsque son cousin est parti le voir le lendemain, il lui a tenu le même propos. On ne peut pas, après ces déclarations, venir nous dire que Mancabou s’est fait mal tout seul, qu’on détient des vidéos de 13 minutes…’’ Selon lui, le décès de Mancabou est entièrement sous la responsabilité de la police, puisqu’il était en garde à vue et sous leur surveillance. ‘’En garde à vue, la personne est sous l’entière responsabilité de la police. Et dans ces conditions, on ne peut pas nous dire que, pendant 13 minutes, elle s’est fait mal sans que la police soit en mesure de l’en empêcher. Je dis que la responsabilité de la police est entièrement engagée, parce que, quand on entre au violon, on est censé y entrer sans aucun objet qu’on puisse utiliser pour se faire du mal. Nous croyons en la version de la famille et de son épouse.’’ Pour lui, le procureur s’est surtout évertué à laver la police et cela n’était pas de son rôle. Il expose ses griefs : ‘’Ce que nous retenons de sa déclaration, c’est qu’il n’est pas dans la logique de faire la lumière dans cette affaire. Sa déclaration a juste consisté à chercher à blanchir la police. Nous sommes d’autant plus pessimistes qu’il a confié le dossier à la Dic. On sait très bien l’esprit de corps qui prévaut à la police. Ce sont deux actes qui nous laissent croire qu’il ne se préoccupe pas de la vérité.’’ À la question de savoir et si on leur montrait la fameuse vidéo en question ? Voici sa réponse : ‘’La police ne nous a jamais contacté à cet effet. Nous avons appris par l’intermédiaire du procureur qu’il y a une vidéo qui existe. En tout état de cause, ce que nous disons à la famille, c’est que si on sort une vidéo, il faut qu’elle soit soumise à une expertise pour établir son authenticité. Aucune vidéo ne sera versée au dossier sans qu’elle ne soit authentifiée par des experts. Nous n’allons pas prendre pour argent comptant des vidéos sorties par la police.’’ |