Publié le 11 Oct 2022 - 22:34
MANDAT DU PRESIDENT ET SAUVEGARDE DE LA SECURITE JURIDIQUE

La doctrine du Conseil constitutionnel

 
Dans sa décision n° 1-C-2016 du 12 février 2016, le Conseil constitutionnel affirmait que les citoyens doivent avoir une parfaite lisibilité de la durée applicable au mandat du président de la République, au moment des élections. Par extension, on pourrait en déduire que les citoyens doivent également savoir le nombre de mandats auquel a droit le président de la République au moment de son élection.
 
 
En 2016, saisi par le président de la République aux fins d’examiner la conformité du projet de révision de la Charte fondamentale à l’esprit général de la Constitution, le Conseil constitutionnel avait été intransigeant par rapport au nécessaire respect de la sécurité juridique et de la stabilité des institutions. Que faudrait-il comprendre à travers cette jurisprudence de la haute juridiction rendue en 2016, à l’occasion du référendum ?
 
D’abord, dans cette fameuse décision n° 1-C-2016 du 12 février 2016, les sept sages affirmaient de manière claire, nette et précise que : ‘’Pour la sauvegarde de la sécurité juridique et la préservation de la stabilité des institutions, le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance.’’ De manière simple, les citoyens doivent avoir une parfaite lisibilité de la durée applicable au mandat du président de la République, au moment même des élections.
 
Dans la même veine, les sages ajoutaient que : ‘’Ni la sécurité juridique ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à l’occasion de changements de majorité, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances notamment, la durée des mandats politiques en cours, régulièrement fixée au moment où ceux-ci ont été conférés pouvait, quel que soit au demeurant l’objectif recherché, être réduite ou prolongée.’’ Autrement dit, le chef de l’Etat, quel que soit le motif invoqué, qu’il soit bon ou mauvais, ne peut modifier la durée de son mandat en cours d’exercice. Il ne peut même pas la réduire, a fortiori la proroger à travers une révision constitutionnelle. Une jurisprudence que les tenants de l’actuel régime s’étaient empressés de brandir partout pour se dédouaner de leur engagement de faire cinq ans au lieu de sept ans.
 
Comment quelqu’un qui ne peut même pas diminuer la durée de son mandat (de 7 à 5 ans) peut-il augmenter le nombre de ses mandats (de 2 à 3 au minimum) ? Par quelle magie, le Conseil qui avait refusé à Macky Sall de réduire son propre mandat pourrait lui offrir la possibilité d’augmenter le nombre de mandats que lui avait conféré le peuple au moment de son élection en 2012 ? Raisonner ainsi, comme le ministre d’Etat Mbaye Ndiaye a eu à le faire, hier sur la RFM, c’est admettre le principe du mandat illimité, comme ce fut le cas aux heures sombres de la démocratie sénégalaise.
 
En effet, à chaque changement de régime, il suffirait de modifier le mandat dans un sens ou dans un autre, pour se donner le droit de postuler à un mandat supplémentaire. Mieux, il suffirait à Macky Sall, s’il se présente et est réélu en 2024, de porter à nouveau la durée du mandat à sept ans, pour avoir droit à deux nouveaux septennats, si l’on suit ce raisonnement de certains acteurs politiques, y compris des juristes.
 
En attendant, la doctrine du Conseil constitutionnel permet de garder l’espoir quant à la préservation de l’Etat de droit et de la stabilité politique du pays. ‘’La sécurité juridique et la stabilité des institutions, selon le Conseil, sont inséparables de l’État de droit dont le respect et la consolidation sont proclamés dans le préambule de la Constitution du 22 janvier 2001.’’
 
Pourquoi la troisième candidature de Wade n’est pas comparable à celle de Macky Sall? 
 
En 2000, Abdoulaye Wade était élu sur la base d’une Constitution qui prévoyait un nombre illimité de mandat. Laquelle disposition a été modifiée à travers le référendum de 2001 qui a apporté la limitation des mandats à deux. Du fait de cette modification, il y avait un conflit entre l’ancienne loi constitutionnelle qui ne prévoyait pas de limite et celle de 2001 qui prévoit une limite. La question juridique qui se posait était alors de savoir laquelle des deux lois devait régir le premier mandat acquis en 2000 ? Le Conseil constitutionnel avait tranché en 2012 en faveur de la non-rétroactivité de la loi de 2001, en se basant plus sur la lettre de l’article 27 que sur son esprit.
 
En ce qui concerne Macky Sall, il est élu en 2012 sur la base d’une Constitution qui prévoyait deux mandats. En 2016, sur ce point précis du nombre de mandats, le référendum de 2016 n’a apporté aucun changement. Au contraire, il a conforté et consolidé la limitation. En conséquence, on peut légitimement se demander quel est ici le conflit de loi qui nécessite toute cette gymnastique intellectuelle. En effet, aussi bien dans sa lettre que dans son esprit, les dispositions constitutionnelles semblaient jusque-là sans équivoque. Sauf, apparemment, pour les tenants de l’actuel régime.
 
Mor AMAR
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