Climat de méfiance et de défiance autour de la Cena
Le choix d’une nouvelle équipe de la Cena ne semble pas convaincre la société civile et l’opposition qui dénoncent une violation de la loi électorale, à plus de trois mois de la Présidentielle de 2024. La Cena, en quête de crédibilité, doit surmonter de nombreux obstacles liés à la méfiance d’une grande partie des acteurs politiques.
La réprobation semble sans équivoque. La nouvelle équipe de la Commission électorale nationale autonome (Cena) qui a prêté serment hier à son siège est loin de faire l’unanimité auprès de la société civile et d’une grande partie de l’opposition. De partout, les condamnations sont unanimes sur la Cena dirigée par l’ancien inspecteur général d’État à la retraite Abdoulaye Sylla. Les organisations membres du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosce), composé de l’ONG 3D, du Réseau Siggil Jigéen, la Raddho, Osidea, l’Urac et l’AJE, ne comptent baisser la pression sur le gouvernement afin de faire annuler le décret pris par le chef de l’État le 4 novembre dernier confirmant le limogeage de Doudou Ndir et de tous ses collaborateurs.
Dans une note publiée dans la presse, le Cosce déplore l’absence de personnalités indépendantes, neutres et impartiales au sein de la Cena. Au regard de ces nombreux manquements, le Cosce exhorte le président de la République à retirer ce décret et de le remplacer par un nouveau, conformément aux lois et règlements. L’un des adversaires, les plus irréductibles semblent être l’expert des questions électorales qui a décidé d’attaquer en justice le décret n°2023- 2152 du 3 novembre 2023 qui a mis en place la nouvelle équipe de la Cena, au motif que cette loi viole la loi électorale. D’après Ndiaga Sylla, ‘’ce décret viole le principe de la permanence de l’organe de contrôle et de supervision des élections et son corollaire, la clause de la fin et du renouvellement des mandats (art. L4 et L7 du Code électoral)’’.
Après la cérémonie de prestation de serment qui a eu lieu à la Cour suprême, le nouveau patron de la Cena semble vouloir jouer la carte de la prudence, surtout face à un dossier explosif comme celle de la réintégration d’Ousmane Sonko. Une affaire qui a coûté la tête à son prédécesseur Doudou Ndir, dont la faute fut de faire une injonction à la Direction générale des élections (DGE) afin qu’elle se conforme à la décision du tribunal de Ziguinchor concernant la réinsertion d’Ousmane Sonko sur les listes électorales.
‘’Nous venons de prêter serment. Nous n’avons pas encore procédé à la passation de service. Dès après la passation de service, nous allons examiner en assemblée générale le dossier. Après, nous pourrons vous dire quelle sera l’attitude de la Cena’’, a fait savoir Abdoulaye Sylla. Cette question de la Cena semble aussi devenir le nouveau cheval de bataille de la nouvelle coalition Front pour l’inclusivité et la transparence des élections (Fite) constituée de 35 membres de l’opposition et qui a vu le jour le samedi 11 novembre. Parmi les signataires du Fite, Aminata Touré, ancienne Première ministre, parle de ‘’provocation du président Macky Sall’’. Cette défiance envers cette nouvelle équipe de la Cena risque de jeter des soupçons sur la crédibilité du scrutin, d’autant plus l’un de ses membres, Cheikh Awa Balla Fall, est accusé d’être membre de l’Alliance pour la République (APR).
Selon Moundiaye Cissé, directeur de l’ONG 3D, cela “pose un sérieux problème de confiance vis-à-vis des organes de gestion des élections”. Sa présence pourrait nourrir un certain narratif de l’opposition qui a demandé depuis 2019 la refonte du fichier électoral, la nomination d’une personnalité indépendante pour organiser les élections. Des entorses qui entravent grandement la sincérité du scrutin. Les opposants qui sont dans le processus de collecte des parrainages comptent s’attaquer à cette question à travers des organisations de la société civile (Cosce, Fite) afin de maintenir la pression sur le gouvernement. Le verdict de la Cour suprême prévue le 17 novembre sur l’affaire opposant l’agent judiciaire de l’État à Ousmane Sonko pourrait entrainer de nouvelles violences politiques avec le risque de violences postélectorales. La liste officielle des candidats ne sera connue qu’au mois de janvier prochain, après validation du Conseil constitutionnel.
Mamadou Makhfouse NGOM