Publié le 17 Jun 2025 - 19:05
PUFF, TABAC CHAUFFÉ, CIGARETTES ÉLECTRONIQUES

Progrès ou poison

 

Nature cancérigène de la nicotine, degré de nocivité des nouveaux produits de tabac par rapport à la cigarette classique, exposition des jeunes au tabagisme, ‘’EnQuête’’ a discuté avec plusieurs experts pour démêler le vrai du faux. 

 

Environ 660 000 fumeurs. Ce sont les derniers chiffres disponibles sur le marché du tabac au Sénégal. Il y a quelques années, rappelle Clément Diarga Basse (médecin de profession et point de contact de Philip Morris International avec la communauté scientifique pour l'Afrique de l'Ouest), on parlait de 500 000 fumeurs, ce qui montre que le nombre de fumeurs augmente d'année en année en valeur absolue. Monsieur Basse, qui regrette l'absence d'alternatives pour les fumeurs, invite l'État et la communauté scientifique à faire preuve de plus d'ouverture, au lieu de condamner les fumeurs à consommer la cigarette classique. 

Pour lui, certes, le tabac comporte des dangers sous toutes ses formes, mais les nouveaux produits sont moins nocifs. Ils permettent, par exemple, d'éliminer les produits cancérigènes du tabac. “Lorsque vous prenez la cigarette classique, qu'on allume avec un briquet ou une allumette, il y a un phénomène de combustion qui se passe. Lorsqu'on tire, on inhale de la fumée, cette fumée contient plus de 6000 produits différents. Et sur les plus de 6 000 produits, il y en a une centaine qui sont reconnus comme cancérigènes. La nicotine n'en fait pas partie”, affirme M. Basse. 

Grâce aux innovations que l'industrie a mises en place, il est possible de lutter contre ces produits cancérigènes. “Au lieu donc de condamner les fumeurs à prendre la cigarette classique avec toute sa nocivité, je pense que nous devons nous approprier ces avancées technologiques pour limiter les dégâts chez nos populations”, argue l'expert de Philip Morris, qui s'empresse d'ajouter : “Entendons-nous bien. Nous ne demandons pas aux gens de fumer. Ceux qui ne fument pas, nous leur demandons de ne pas fumer. Ceux qui fument, nous leur demandons d'arrêter. Ceux qui fument et qui ne peuvent pas arrêter, c'est pour eux que nous avons mis en place ces produits moins dangereux et nous leur demandons de les adopter, pour le bien de leur santé. Tout en leur donnant la nicotine qu'ils cherchent, ces produits éliminent beaucoup de substances nocives.”

Selon les experts de PMI, les produits cancérigènes viennent de la fumée de cigarette et ce sont des produits reconnus sur le plan international qu'on peut trouver sur le site de l'Organisation mondiale de la santé.

 Contrairement à une idée répandue, poursuit Clément Diarga Basse, la nicotine ne figure pas sur cette liste ni sur aucune autre de produits cancérigènes. “C'est pourquoi on a trouvé le moyen de contourner la combustion qui génère ces produits cancérigènes. On n'a pas besoin, en effet, d'allumer le tabac pour avoir la nicotine. Et sans cette combustion, on arrive à éviter les produits les plus dangereux”, justifie-t-il. 

Alors, la nicotine est-elle cancérigène ? Les nouveaux produits de tabac dits ‘’produits émergents’’ sont-ils moins dangereux que la cigarette classique ? ‘’EnQuête’’ a joint Djibril Wellé, secrétaire exécutif de la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab), pour avoir sa position. D'emblée, il précise : “C'est une stratégie de l'industrie du tabac qui vise à tromper. Comme on sait que les gens ont peur du cancer, le fait de dire que ces produits ne sont pas cancérigènes, c'est comme pour pousser les gens, notamment les jeunes, à recourir à ces produits. L'industrie veut aller vers cette mutation, c'est pourquoi ils sont dans cette publicité mensongère.”

L'essentiel, selon lui, ce n'est pas fondamentalement de savoir si la nicotine est cancérigène ou pas. L'essentiel est de comprendre que la nicotine est mauvaise, parce que c'est une drogue. “Nous n'allons pas entrer dans ce faux débat qui consiste à voir si la nicotine est cancérigène ou non. Le cancer est juste une maladie parmi tant d'autres. Elles sont nombreuses, les maladies et autres pathologies causées par le tabac, qui causent chaque année plus de 4 500 décès dans notre pays. Outre le cancer, il y a les maladies cardiovasculaires, les emphysèmes, mais aussi toutes ces maladies transmissibles occasionnées notamment par les produits électroniques. Il ne s'agit  donc pas de tout limiter au cancer. C'est un mal parmi d'autres”, soutient le patron de la Listab. 

Joint par téléphone, ce cancérologue, qui refuse d'alimenter la polémique, estime, lui aussi, que c'est un débat nauséeux. Tout en confirmant que les nouveaux produits ne donnent pas le cancer, parce qu'il n'y a pas de combustion, il estime qu'ils restent aussi dangereux. “Ce qu'il faut savoir, c'est que ces gens vendent de l'addiction avec la nicotine. C'est-à-dire le produit le plus addictif, qui rend le plus accro. Effectivement, la nicotine n'est pas cancérigène, mais elle entraine l'addiction. Au lieu de vendre que de la cigarette, ils vont vendre maintenant de l'addiction. S'ils le vendaient à des fumeurs, ce ne serait pas grave. Mais quand tu le donnes à des enfants, vous recrutez de nouvelles personnes qui vont devenir accros. Dans les pays du Nord, ils ont une usine qui permet de créer des poches de nicotine à mettre sur la langue. Oui, ils ont ainsi réussi à diminuer le nombre de fumeurs, mais ils créent d'autres utilisateurs à côté”, fulmine-t-il.

Sur la nature cancérigène des nouveaux produits, il estime qu'il faudra attendre 25 ans. “En ce qui concerne l'Iqos par exemple, c'est du tabac, mais au lieu de le bruler à 850 degrés, ils le chauffent à 350 degrés. Quand on chauffe à 350 degrés, il y a moins de goudron. Et quand il n'y a pas de goudron, le cancérologue peut s'estimer heureux. Mais il y a plus de 6 000 substances qui comportent des effets secondaires. Avant de dire que le produit n'est pas cancérigène, il faut 25 ans. Il est aujourd'hui très tôt de le dire avec certitude”, renchérit le cancérologue. 

Coordonnateur régional de l'ONG Campaign for tobacco free kids, Mamadou Bamba Sagna ne dit pas le contraire. Pour lui, il faut éviter ce débat, car tous les tabacs sont dangereux. “Certes, avec les nouveaux produits, notamment les tabacs dits chauffés, il n'y a plus de combustion, donc plus de goudron, plus de monoxyde de carbone. Mais il y a d'autres substances toxiques reconnues par l'OMS et qui présentent des dangers. Ce n'est donc pas vrai de dire que ces nouveaux produits sont moins dangereux”, se défend-il, tout en reconnaissant, à l'instar des autres intervenants que la nicotine n'est pas cancérigène. “Mais c'est une drogue et elle est éminemment addictive”, insiste-t-il. 

Par rapport à ces dangers, M. Basse, médecin et agent de PMI, les reconnait. C'est pourquoi, selon lui, il déconseille à tout le monde de fumer. “Encore une fois, ces produits, c'est pour les fumeurs qui ne peuvent pas arrêter de fumer. Je pense qu'on peut valablement réfléchir à des alternatives pour eux. Ce débat ne devrait pas être émotionnel, il est avant tout scientifique. Je le dis et je le répète : ces produits ne sont ni pour les enfants ni pour les non-fumeurs. C'est des alternatives pour les fumeurs qui ne peuvent pas arrêter.” 

Scientifiquement, selon lui, il a été démontré que leurs nouveaux produits sont moins dangereux. Il explique le process : “Avec la cigarette classique, il faut bruler la cigarette. Avec la combustion, la température monte à 650 degrés. Lorsqu'on tire et qu'on voie que l'extrémité est rouge, ça montre qu'on est à 850 degrés. On s'est rendu compte, avec la recherche, que juste en chauffant le tabac à 350 degrés, on peut avoir la nicotine. Ce qui fait qu'il y a une réduction de 90 % sur les plus de 6 000 produits que contient la cigarette classique. Il y a donc une très grande différence et nous invitons les acteurs à l'échange au lieu de se braquer, sans études préalables.”

Selon lui, les pays qui ont adopté ces nouveaux appareils ont diminué significativement le nombre de fumeurs ; ce qui a des conséquences positives sur la santé publique. 

À ceux qui attirent l'attention sur les pathologies autres que le cancer, il rétorque que ces produits sont aussi moins dangereux. “En mettant ces alternatives en place, on protège la personne contre ces milliers de produits chimiques que la fumée apporte avec la cigarette classique. Nous avons mené beaucoup de recherches, aussi bien en laboratoire que chez certaines personnes portées volontaires. Ces recherches ont montré de fortes présomptions qu'il y a une valeur ajoutée sur la santé. Maintenant, pour avoir des données plus probantes, il faudra des études plus poussées sur une période plus longue”, reconnait-il. 

Cela dit, M. Basse convient avec les militants que ces produits ne sont pas sans risques. “Parce que c'est un produit qui entraine l'addiction. On sait aussi que cela augmente le pouls, c'est-à-dire que le rythme cardiaque peut aller plus vite. La pression artérielle peut aussi augmenter avec la nicotine. Ce n'est donc pas sans risque. On ne le recommande ni aux enfants, ni aux femmes enceintes, ni aux femmes allaitantes, ni à ceux qui ont des problèmes cardiaques. Mais ce qui n'est pas exact, c'est de dire que la nicotine est cancérigène ou que ces produits ne sont pas plus avantageux que la cigarette classique”, se justifie l'agent de PMI.

À son avis, au lieu de continuer à prêcher dans le désert en demandant aux gens d'arrêter, il faut leur proposer autre chose moins dangereux pour la santé. 

Les organisations antitabac alertent sur les dangers pour les enfants 

Pour les organisations antitabac, le plus grand danger, avec ces nouveaux produits, c'est la tentation pour les plus jeunes. “Aujourd'hui, des études ont montré que 67 % des jeunes achètent ces cigarettes sur les réseaux sociaux. C'est pratiquement plusieurs millions d'enfants qui prennent cette cigarette dans le monde. Il y a urgence à les prendre en charge”, avertit le SE de la Listab. Avant d’ajouter : “Nous avons vu, dans certaines écoles, que des jeunes se cotisent pour acheter la cigarette électronique, parce que ça coute entre 2 500, 3 000 et 4 000 F CFA. Les autres coutent entre 15 000, 20 000 jusqu'à 90 000 F CFA. Les jeunes qui ne peuvent pas se les payer cotisent et se les passent à tour de rôle. Chaque fois qu'ils se retrouvent à l'école, ils ne font que vapoter. Et ils peuvent ainsi se transmettre des maladies comme la tuberculose, l'hépatite...”

À en croire les chiffres de ces organisations, ils sont de plus en plus nombreux, les enfants, à recourir à ces types de tabac. L'âge d'initiation étant passé à 7 ans selon les stats de la Listab. Pire, de plus en plus, certains utilisent ces appareils, injectent de drogues en liquide comme le e-yamba et d'autres drogues dures.

De l'avis de Mamadou Bamba Sagna, il urge d'adopter le projet de loi dans le circuit pour prendre en charge les nouveaux produits. Par rapport aux innovations, il cite : la prise en compte des nouveaux produits, l'instauration d'un conditionnement neutre, l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics...

Sur l'interdiction de certains produits comme les puff, il explique : “C'est difficile de contrôler, parce qu'il y a toutes sortes de variétés. Le laboratoire du ministère du Commerce n'est pas en mesure de faire toutes les analyses. Il y a aussi des risques de détournements d'objectif. C'est pourquoi le législateur a opté pour l'interdiction pour protéger les enfants.”

 

Par Mor Amar

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