Le désarroi des clients
Les chauffeurs des bus Aftu, 1er réseau de transport en commun du Sénégal, ont débuté hier 72 heures de grève, paralysant totalement le secteur du transport routier. Les travailleurs utilisant les bus Tata comme moyen de transport ont galéré pour se rendre à leur lieu de travail. "EnQuête" a interrogé les usagers et le patronat.
Le Collectif des travailleurs affilié à l’Association de financement des professionnels du transport urbain (Aftu) a entamé une grève de trois jours, à partir de ce lundi 24 juillet, paralysant ainsi le secteur des transports publics à Dakar. Les conducteurs et receveurs des bus ont brandi de nouveau de vieilles revendications. Ils exigent, entre autres, de meilleures conditions de travail avec des contrats en bonne et due forme, une revalorisation salariale et une couverture sociale.
Ainsi, la grève est totalement respectée. Hier, aucun bus n'a roulé dans la banlieue dakaroise. Ce fut le désarroi total. Les arrêts et terminus des bus Aftu visités étaient bondés de monde. "Je viens de la route nationale de Fass Mbao. Je suis parti de chez moi depuis 6 h pour me rendre à Dakar. Malheureusement, je n'ai pas de bus. Donc, je suis obligé de retourner à la maison. Ils doivent informer au moins la population avant de passer à l'acte. Mais tu viens à l'arrêt et à ta grande surprise, tu apprends qu'il y a grève. Ce n'est pas du tout sérieux", fulmine Amadou Diop, un jeune boulanger arborant une chemise noire.
Embouchant la même trompette, un père de famille dans la cinquantaine déclare que la grève affecte énormément les populations vulnérables. "C'est vraiment difficile de vouloir vaquer à ses occupations et de ne pas trouver un moyen de transport. La population est en train de souffrir, surtout les personnes vulnérables qui ne peuvent emprunter aucun autre moyen de transport que les bus. Tous les jours, je prends la ligne 54 pour me rendre au Port autonome de Dakar, mon lieu de travail. J’ai fait ici plus de deux tours d'horloge, mais aucun bus Tata n'est passé. C'est vraiment compliqué", se désole le quinquagénaire trouvé à un arrêt bus à Poste Thiaroye.
"On vient de m'appeler pour une urgence au boulot pour régler quelque chose. Une fois à l'arrêt, j'apprends qu'il y a grève. Je n'étais même pas au courant. J'ai fait environ 45 minutes ici à attendre, mais je ne vois que des bus vides passer", se désole Ibrahima Baldé, un autre père de famille de 60 ans environ. Il ajoute : "Je pense qu’il y a beaucoup de moyens pour régler leur problème, à part faire grève. Il n’y a pas longtemps, il y a eu une grève concernant l'augmentation des tarifs. Imaginez aujourd'hui avec cette situation, si une personne malade veut se rendre à l'hôpital pour des soins, elle ne pourra pas. Et ça peut entraîner une catastrophe. Est-ce que les transporteurs ont pensé à ces circonstances ? Tous les problèmes se règlent autour d'une table."
Ainsi, renchérit-il, tout le monde ne peut pas prendre un taxi pour se déplacer, seules les personnes vulnérables vont souffrir de cette situation.
L’incompréhension du trésorier de Aftu, El Hadj Mohamed Ndoye
Si les uns critiquent les chauffeurs des bus Tata, les autres sont en phase avec eux. C'est le cas du plombier de formation Ibrahima Badji. "Les chauffeurs de Aftu sont en grève pour défendre leurs intérêts. Chaque travailleur veut un avancement. Certes, je voulais me rendre à Rufisque pour le travail et j'avoue que j'ai perdu ma journée, mais il faut aussi penser aux autres, car l'intérêt général prime. Je suis totalement en phase avec eux, car ce qu'ils réclament est légitime. Si nous voulons que la vie soit facile, il faut toujours se mettre à la place de l'autre", soutient-il sans sourciller.
Mieux, martèle-t-il, "ils ont des foyers, des familles à nourrir comme tout le monde. Tout ce qu'ils gagnent, c'est pour leurs familles. Donc, s'ils partent en grève, ils ont leurs raisons. S'ils ont des problèmes, il faut qu'ils le manifestent pour être entendus. Ces trois jours de grève vont certainement pousser les patrons des bus Aftu à réagir pour trouver au plus vite une solution à ce différend. Ils sont aussi en grève, parce que la voie de la négociation n'a pas marché. Donc, ils sont passés à l'acte. C'est aussi simple que ça".
Les chauffeurs revendiquent des contrats de travail. Ils avaient déposé un préavis de grève. "Nous sommes en phase de discussion avec les chauffeurs. La semaine dernière, on a tenu deux réunions en présence des autorités sénégalaises. Mais on ne sait plus ce qui se passe et ce qu'ils veulent exactement. Nous nous sommes dit qu'on va leur faire les contrats, d'ici un mois. Les discussions ne sont pas encore achevées et, aujourd'hui, ils garent les bus", regrette le président du GIE Dimbalanté et trésorier de Aftu, El Hadj Mohamed Ndoye.
Il informe également qu'ils vont tenir aujourd’hui une conférence de presse à 11 h au siège de Aftu sis à la Zone de captage.
FATIMA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)