Publié le 16 Dec 2017 - 20:34
AEROPORT INTERNATIONAL BLAISE DIAGNE DE DIASS

Le calvaire des voyageurs

 

Cauchemardesque ! C’est le mot qui sied le mieux pour qualifier la situation vécue par les voyageurs à l’aéroport Blaise Diagne de Diass à cause de la grève des aiguilleurs. Les infortunés racontent leur calvaire.

 

Elle s’agrippe sur un chariot rempli de valises, comme si elle ne parvenait plus à supporter le poids de son corps. Malgré sa jeunesse, son élégance, F. D, vêtue d’un pull over gris, ne tient plus sur ses jambes. Cela fait 22 longues heures qu’elle squatte les couloirs de l’aérogare du flambant neuf aéroport Blaise Diagne de Diass. Les yeux rougis, le regard perdu, la jeune dame qui a hâte de retrouver son époux en France, se blottir entre ses bras dans le froid de cette fin de l’automne, devra prendre son mal en patience. D’un ton à peine audible, elle regrette : ‘’Je n’ai que mon congé d’un mois pour aller voir mon mari qui se trouve à Paris. A cause de cette grève, j’ai perdu un jour de mes vacances. Si cela devait se limiter à ce jour, ce serait un moindre mal. Mais on ne sait pas. On ne nous dit rien. C’est vraiment très difficile ce que nous vivons’’.

17 heures, l’aérogare est remplie de voyageurs venus de divers horizons. Ils sont de toutes les couleurs, de tous les âges. Certains, comme F. D. y ont passé la nuit, couchés à même les carreaux. ‘’Je suis là depuis hier (avant-hier) à 19 heures. J’habite à Liberté 6 extension. Je ne pouvais pas rentrer chez moi puisque je ne suis informée de rien. Ensuite, même si je savais à quelle heure la situation va se décanter, je ne pourrais rentrer parce que le transport coûte cher. J’ai été obligée de passer la nuit ici. Ce n’est pas confortable mais qu’est ce qu’on peut y faire ?’’.

Pour rallier Blaise Diagne, la dakaroise a déboursé plus de 14 000 francs CFA. 12 000 F CFA pour la voiture, le reste pour le péage. Prévu à 23h 55mn, son vol était juste sur le point de décoller, les passagers ayant même été embarqués à bord de l’appareil de la Compagnie Corsair. Grande a été leur surprise quand on leur fit savoir qu’ils ne pourront plus partir vers le pays de Marianne. ‘’C’était vers les coups de trois heures du matin’’, renchérit F. D. avec amertume.

Ainsi, selon nos interlocuteurs, durant toute la nuit du jeudi au vendredi, les tractations étaient intenses. Mais au final, elles se sont soldées par un échec, avant de se poursuivre dans la journée du vendredi.

C’est ainsi que la vacancière et Cie ont été invités à débarquer. Elle dit : ‘’Je n’ai vraiment pas eu de chance. Je croyais qu’à cette heure, je serai chez moi en train de faire la grâce matinée. Aussi, on ne peut même pas manger correctement. Depuis hier, je n’ai pris qu’un croissant que j’ai acheté à 1000 francs. Et de quelle qualité. J’avais l’impression qu’il a fait plus de trois jours’’.

Juste à l’entrée de l’aérogare, le vieux Mouhamadou M. Tall, burkinabé de 47 ans n’oubliera pas de si vite son voyage au Sénégal. Venu avec son épouse pour le Gamou de Kaolack, il a décidé de rentrer chez lui au pire moment. Diabétique, il craint pour son état clinique. ‘’J’ai des médicaments à prendre. Aussi ne dois-je pas rester sans manger. Et ici, la bouffe est hors de portée. On me parle d’un sandwich à trois mille francs, une toute petite tasse de café à 1500 francs. C’est excessif. Mais je ne peux pas ne pas manger. Ce qui me fait le plus mal, c’est le manque d’informations. Si j’étais informé au préalable j’aurais pu prendre mes dispositions’’, fustige-t-il, assis sur sa natte de prière, chapelet à la main.

En fait, le Burkinabé, venu à l’AIBD depuis 4 heures du matin, craint surtout à cause de sa rupture de médicaments. ‘’Je pensais être chez moi à cette heure pour prendre ma piqure. Au Burkina, même si on doit couper l’eau ou l’électricité, les populations sont informées une semaine à l’avance. Je pense que c’est le minimum. Depuis ce matin, on n’a aucune information précise. Si l’Etat a investi des milliards ici c’est pour nous les passagers. On nous doit donc du respect’’, peste–t-il plastronnant dans son grand boubou bleu ciel.

La trentaine, Badou Mbaye doit rentrer à Milan à bord de Air Meridiana. Arrivé sur les lieux à 11 heures, un bébé de moins de deux entre ses bras, il regrette une situation nuisible à l’image du Sénégal. ‘’Imaginez un touriste qui vient au Sénégal pour la première fois, cela peut le pousser à ne plus souhaiter mettre les pieds ici. C’est vraiment dommage’’, se lamente t-il. 

Plus chanceux, il a eu des nouvelles de sa compagnie qui l’a informé que son vol ne pourrait prendre les airs que le lendemain. Mais il ne veut rentrer sans s’assurer que les choses sont rentrées dans l’ordre. il se justifie : ‘’Tivaouane est un peu éloigné. Pour venir, j’ai payé 20 000 francs. Je ne peux donc me permettre des vas-et-viens’’. Devant reprendre son travail le lundi, il est encore dans les délais, mais regrette la diminution de son temps de repos. ‘’J’espérais arriver en Italie aujourd’hui, me reposer les samedi et dimanche. Mais ce n’est plus possible’’, informe-t-il.

A l’aéroport international Blaise Diagne, la grogne est presque la même. Les maux partagés par tout le monde. Ils ont pour noms : silence des compagnies, manque de chariots, cherté des repas, absence d’hôtels aux alentours de l’aéroport, mais surtout déficit de la communication.

Fraichement débarquée sur les lieux avec une amie, Anna, espagnole, garde le sourire. N’ayant pas encore été confrontées au calvaire, les deux amies se donnent le temps de comparer le nouveau bijou avec l’aéroport Léopold Sédar Senghor. ‘’C’est plus beau’’, s’enthousiasment-elles. Par rapport aux désagréments, Anna nourrit des appréhensions, mais ne semble pas pour le moment trop s’en faire. ‘’Après un mois de bonnes vacances au Sénégal, on est pressé de rentrer mais bon il faut faire avec’’, témoigne-t-elle.

Allain, français, a quant à lui, passé la nuit dans un fauteuil roulant. Comme F. D. il devait partir à bord du vol Corsair. Malgré les difficultés, il garde son humour : ‘’Je pense que je suis mieux loti que les autres. Au moins j’avais une chaise d’handicapé pour dormir’’, raille-t-il les yeux recroquevillés. Comme la plupart des voyageurs, il regrette le manque d’informations tout en espérant un dédommagement de sa compagnie. ‘’C’est la moindre des choses parce qu’on a subi un préjudice énorme. Avec ce retard, ce sont des rendez-vous qui sont annulés’’, déplore-t-il.

Pendant ce temps, deux jeunes étudiants, en partance pour le Maroc, regrettent le déficit de bancs publics dans l’aéroport. ‘’Nous sommes là depuis 11 heures, nous n’avons même pas de bancs pour asseoir’’, peste A. B, courroucée.

Les aiguilleurs soucieux de leur bien-être

Pendant que la ministre en charge des Transports aériens Maimouna Ndoye Seck nie toute précipitation dans l’ouverture du nouvel aéroport, les agents ruent dans les brancards. Selon eux, les couacs sont multiples. ‘’Certes les bâtiments sont prêts, mais certains services ne sont pas encore fonctionnels. Je pense qu’on aurait pu attendre encore trois mois au minimum avant d’ouvrit ce bijou. Cela nous aurait épargné de ces petits problèmes qui occasionnent des pertes financières énormes’’, informe cet agent qui préfère garder l’anonymat.

Se prononçant sur la grève des aiguilleurs, notre interlocuteur déclare que les ‘’régulateurs de la circulation dans l’air’’ avaient déposé leur préavis de grève depuis fort longtemps. Malheureusement, le gouvernement n’a pas été prévenant. Ils auraient dû requitionner les militaire pour la continuité du service’’, plaide-t-il. Un autre agent de confirmer que le gouvernement était au courant avant l’ouverture. ‘’D’ailleurs on les avait menacé de faire appel à des agents qui se trouvent dans la sous-région’’, révèle notre source. Sur les véritables motifs de la grève, notre personne ressource persiste et signe : ‘’ce n’est pas à cause de manquements dans les installations. Ils sont en grève pour l’amélioration de leurs conditions de travail. C’est tout à fait légitime, mais cela valait-il la peine de perturber l’aéroport pendant tout ce temps’’, s’interroge-t-il tout en déplorant le manque de personnels en quantité et qualité suffisantes.

Finalement, le mot d’ordre de grève a été levé en début de soirée. Même si jusqu’à 23 heures 40, aucun vol n’a décollé de Diass selon certaines sources.   

MOR AMAR

 

Section: