Publié le 15 Dec 2017 - 19:59
AFFAIRE DE LA CAISSE D’AVANCE DE LA MAIRIE DE DAKAR

Khalifa Sall et Cie renvoyés en audience spéciale au 3 janvier prochain 

 

Comme annoncé par ‘’EnQuête’’ dans son édition de mardi dernier, le procès de Khalifa Sall n’a pas eu lieu, hier. Il a été renvoyé d’office en audience spéciale par le tribunal pour que les conditions matérielles de la tenue du procès soient réunies. La salle n°3 s’est révélée trop petite pour que l’audience s’y déroule.

 

Ce n’est pas une surprise que le procès de Khalifa Sall, prévu hier, n’ait pas démarré. A l’évocation du dossier inscrit sur la fiche d’audience sous le n°100, le maire de Dakar et ses co-prévenus, tous vêtus de blanc, à l’exception des anciens percepteurs municipaux qui comparaissent libres, se sont présentés à la barre précédés par leurs avocats et l’agent judiciaire de l’Etat, ainsi que les conseils de l’Etat. Mais bien que toutes les parties se soient présentées à la barre, l’affaire n’a pas été retenue. Le juge Magatte Diop, Président de la 2e Chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar, a ordonné le renvoi d’office au 3 janvier 2018. C’est pour que le procès se tienne dans de bonnes conditions, puisqu’il y avait 52 autres affaires inscrites au rôle. Il s’y ajoute que la salle 3 est trop exiguë pour contenir l’assistance. D’ailleurs, même les avocats et les prévenus étaient très à l’étroit à la barre, au point que le public ne voyait presque que des robes noires. Ainsi, l’audience devra se tenir à la salle 4 dotée de 1 500 places.

Cependant, même si elle était décidée à solliciter un renvoi, la défense a estimé que celui-ci ne peut se faire sans que le dossier soit d’abord en état. Dans la foulée, les conseils des prévenus ont dénoncé une violation de l’article 174 du Code de procédure pénale. Celui-ci dispose : ‘’Dans les cas de renvoi devant le tribunal régional, le procureur de la République doit, dans un délai maximum de deux mois, avertir ou faire citer les parties pour l’une des plus prochaines audiences, en observant les délais prévus au présent code et avise également son conseil de la date de l’audience. Faute de quoi, le tribunal doit renvoyer l’affaire jusqu’à l’accomplissement de ces formalités.’’

Selon Me Demba Ciré Bathily, cette disposition a été violée, car ils n’ont pas été avisés. Mais c’est par les médias qu’ils ont appris que le procès était enrôlé à l’audience du 14 décembre. ‘’C’est une obligation d’aviser les conseils. C’est vendredi après-midi que notre client a reçu un avis. Nous l’avons appris par voie de presse. Il a fallu que nous nous rendions en prison le lundi pour en avoir la confirmation’’, a conforté Me François Sarr. Par conséquent, il a invité le tribunal à renvoyer pour régularisation du dossier, surtout qu’ils ont également des témoins à faire citer.

Dans ses observations, le substitut Aly Ciré Ndiaye a battu en brèche les arguments des conseils des prévenus. Le maitre des poursuites a répliqué que si tant est qu’il y a une violation et que la conséquence de cette violation est le renvoi, ledit renvoi est déjà ordonné. Mieux, il a avancé que l’argument de la non communication de l’avis ne saurait prospérer, étant donné que tous les prévenus et avocats sont présents. ‘’Je ne vois pas la nécessité d’agiter ce débat, d’autant que vous avez commencé à dire : il faut que l’affaire soit renvoyée en audience spéciale. Donc, convenons d’une date’’, a fulminé le parquetier. Celui-ci a également invité les avocats à citer, dès à présent, les témoins, plutôt que d’attendre le 3 janvier pour le faire.

Après ces observations, le président a redonné la parole à la défense. C’est le moment choisi par l’Aje, Antoine Félix Diome, accompagné de ses collaborateurs Mafall Fall et Moussa Thiam, pour inviter le tribunal à régler la question de la constitution de Me El Hadj Diouf pour le compte du maire de Dakar.

Me El Hadj Diouf indésirable pour l’Aje et les conseils de l’Etat

En fait, de l’avis de l’Aje et des avocats de l’Etat, Me Diouf n’a pas sa place dans ce procès. Sans entrer dans les détails, Antoine Félix Diome a fait savoir au juge qu’il ne pouvait pas lui donner la parole et qu’à la date du renvoi, ils ont des arguments pour contester sa constitution. Ces arguments sont liés à l’ancien statut de parlementaire que la robe noire avait durant la dernière législature. L’article 11 de la loi portant Ordre des avocats dispose : ‘’Les avocats, anciens fonctionnaires ou agents quelconques de l’Etat ou d’une collectivité́ publique ou territoriale décentralisée, ne peuvent accomplir contre ou pour l’Etat, les administrations relevant de l’Etat et les collectivités publiques ou territoriales décentralisées aucun acte de la profession pendant un délai de trois ans, à dater de la cessation légale et effective de leurs fonctions.’’

Mais l’avocat ‘’indésirable’’ n’a pas du tout apprécié qu’on l’ait empêché d’intervenir. Il s’est emporté en prenant la parole, malgré l’opposition de l’Etat et de ses conseils et les remarques du président qui l’a invité d’abord à régler son cas. Ce qui a créé un tohu-bohu. Ne se laissant pas démonter, Me El Hadj Diouf a lancé que personne ne peut l’empêcher de parler. ‘’Aucun juge ne peut différer la constitution d’un avocat. C’est inédit. Si vous me le refusez, ‘Bilahi’, je vais porter plainte contre le tribunal. Ma constitution est préalable à la retenue de cette affaire’’, a martelé la robe noire très agité.

‘’J’en appelle à la sérénité et à la responsabilité de chacun’’, a alors lancé le juge Magatte Diop, afin de faire revenir le calme. Mais c’était sans compter avec la détermination de l’ex-député, provoquant la réaction du représentant du parquet qui a asséné à Me Diouf : ‘’Vous n’avez pas le monopole de la parole. En plus, vous n’avez même pas droit à la parole.’’ Ces propos du magistrat ont accentué la colère de l’avocat. ‘’Taisez-vous, procureur !’’, s’est-il écrié, trois fois, avant de le tutoyer : ‘’Tais-toi, procureur ! Tais-toi. Tu n’as pas la police de l’audience.’’

Le président est revenu à la charge pour essayer de faire baisser la tension. ‘’Nous sommes sereins et nous le serons durant tout le procès. Soit vous plaidez votre cas ici ou à l’audience de renvoi. Vous êtes le seul à vous comporter ainsi. Pourquoi vous criez ?’’, a demandé le juge. Et Me Diouf de répliquer : ‘’C’est parce que le procureur veut nous imposer son diktat.’’

La disponibilité du dossier réclamée par la défense

Ainsi, après ce moment d’échanges houleux, le calme est revenu. La défense a exprimé une autre préoccupation. Me Abdou Dialy Kane s’est plaint de la non-disponibilité du dossier pour la défense. ‘’Nous ne pouvons pas défendre une personne sans voir le dossier. Aucun d’entre nous ne dispose du dossier. Nous ne pouvons pas, à chaque fois, aller dans le bureau du juge pour regarder rapidement le dossier pendant 30 minutes et repartir. Il faut que cette pratique cesse’’, a-t-il déploré.

En réponse à l’interpellation de l’avocat, le président Diop a fait savoir que ‘’l’accès au dossier est un droit fondamental’’. Aussi, a-t-il promis que le tribunal fera tout pour mettre le dossier à la disposition de toutes les parties, d’ici le 3 janvier.

Sur ce, l’audience a été suspendue. Ainsi, les prévenus, allègres, ont emprunté la porte devant les conduire aux couloirs menant à la cave. Tout sourire, le bras droit levé en signe de victoire et également pour saluer ses partisans, Khalifa Sall est parti sous les encouragements de ses fidèles qui scandaient : ‘’Khalifa Président ! Yaye Gor ! Yaye Diambar (Vous êtes loyal. Vous êtes valeureux).‘’ 

FATOU SY

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