Publié le 26 Mar 2021 - 20:31
ARRESTATIONS, LUTTE, CONDITIONS CARCERALES…

Guy Marius Sagna vide son sac

 

Guy Marius Sagna a fait face à la presse hier après sa sortie de prison mercredi. Le coordonnateur du Front anti-impérialiste révolutionnaire panafricain et populaire en a profité pour détailler les conditions de son séjour carcéral. Il estime que les débats de l’heure sont tus par le régime.

 

Cet énième séjour carcéral n’aura pas eu raison de la détermination de l’activiste Guy Marius Sagna, bien au contraire. Le coordonnateur du Frapp persiste et signe : la lutte continue. La première cause de cette détermination s’explique par le fait que de jeunes manifestants arrêtés les 8 et 9 février dernier croupissent encore dans les prisons de Dakar, Diourbel et Ziguinchor. Une politique de deux poids deux mesures qu’il dénonce et, selon lui, n’est autre qu’une tentative de division. ‘’Pourquoi Guy Marius Sagna fait partie des premiers à sortir de prison, pendant que d’autres y sont entrés avant nous et y sont toujours ? Cela fait partie des injustices que nous combattons, nous le dénonçons fortement, tous les citoyens doivent être mis sur le même pieds. Ce n’est pas parce que le Président Macky Sall nous a libérés qu’on va se taire sur cette injustice. On ne se taira pas. Si je le pouvais, je ne serais pas sorti de prison. Notre liberté n’aura aucun sens, tant que nos camarades sont encore détenus’’.

Le Frapp exige donc la libération de tous les ‘’détenus politiques’’.  Pour l’activiste, l’affaire Ousmane Sonko vs Adji Sarr est loin d’être une affaire privée, car, elle revêt principalement un enjeu géostratégique. En effet, le Sénégal compte pour la première fois un candidat qui s’oppose au franc CFA, au Fonds monétaire international, aux Accords de partenariat économique, à la Banque mondiale... autant d’institutions à la solde de ‘’l’impérialisme’’. Or, Ousmane Sonko a récolté lors de la présidentielle de 2019 près de 16% des voix. De quoi faire trembler le régime et la France.

‘’C’est cela le débat, tout le reste n’est que diversion.  Nous sommes anti-impérialistes et nous l’assumons. On ne cessera de dire Auchan Dégage ! Ou bateaux européens hors d’Afrique ! Parce que nous nous battons pour les commerçants sénégalais.  Ce n’est pas de la xénophobie, nous ne sommes pas antifrançais. Nous sommes pour la souveraineté monétaire et que la France s’occupe plutôt de ses affaires en réglant la problématique des 600 suicides d’agriculteurs chaque année’’, clame le défenseur du panafricanisme.

Il en est convaincu, le leader de Pastef est victime d’un complot international qui englobe ‘’la décapitation’’ de son parti et de tous les mouvements citoyens luttant contre les intérêts français au Sénégal. Les moyens utilisés pour sécuriser Auchan et les autres enseignes françaises devraient servir à sécuriser les marchés sénégalais qui brûlent fréquemment, ajoute-t-il.

Les débats de l’heure sont, précise-t-il, la pauvreté, le sous-développement, une croissance extravertie qui ne profite qu’à la France. ‘’On veut détourner l’attention des Sénégalais des vrais débats. Les vrais terroristes sont Aliou Demborou Sow, Malick Sall et ceux qui utilisent les moyens de l’Etat pour terroriser la population. Toute personne qui parle se retrouve en prison, c’est cela la terreur. Nous ne nous laisserons pas faire. Si le peuple continue à se mobiliser et à se battre, l’enjeu c’est que nous passions du bon élève du FMI et de la BM à un Sénégal bon élève du panafricanisme et de l’anti-impérialisme’’, déclare Guy Marius Sagna.

Suite à la sortie du Front de résistance nationale, il invite l’opposition à lutter contre la spoliation foncière, l’accaparement des forages ruraux, aux côtés des bacheliers non orientés, des pêcheurs en détresse au lieu de principalement s’intéresser au calendrier électoral. A ces Sénégalais qui étaient convaincus que le peuple n’allait pas opter pour un soulèvement. Il déclare : ‘’les peuples sont comme la terre, ils vous rendent ce que vous y avez semé. Quel peuple acceptera de prendre en pleine figure des gaz lacrymogènes pour une classe politique vendue et adepte du partage du gâteau Sénégal ?’’.

Récit d’une incarcération

Sorti de chez lui aux environs de 20h pour s’acheter à manger, le coordonnateur du Frapp s’est fait arrêter par quatre hommes, le 22 février dernier. Selon son récit, ils l’ont par la suite conduit manu militari à la Division des investigations criminelles. Une façon de faire qu’il assimile à du ‘’banditisme d’Etat’’, se demandant pourquoi il n’a reçu aucune convocation.

A l’en croire, les faits qu’on lui a reproché à la Dic (trouble à l’ordre public) n’avaient rien à voir avec l’interrogatoire du doyen des juges. Il a été interrogé quant à des posts sur sa page Facebook accusant la police sénégalaise d’actes de torture. Ces publications rappelaient également les conditions de mort de Abdoulaye Timéra, Seck Ndiaye, Pape Sarr, Elimane Touré... victimes de violences policières. Le Frapp n’a cessé, durant trois ans, de réclamer la vérité et des sanctions pour les disparus. Un combat que le mouvement entend continuer en dénonçant les affectations arbitraires des Forces de défense et de sécurité directement indexées. Il estime qu’il faut traiter le mal par la racine. Guy Marius Sagna a également été soupçonné d’organiser ‘’un plan contre le président Macky Sall’’.

Listant les multiples détournements de deniers publics, sans oublier le fait que le Sénégal fait partie des 30 pays les plus pauvres au monde, Guy Marius Sagna se demande si la justice sénégalaise n’a pas mieux à faire. ‘’Que chacun de nous se prépare, on sera à nouveau emprisonné’’, lance-t-il à ses camarades non sans poursuivre : ‘’J’ai effectivement écrit sur ma page que Macky Sall partira. Nous le clamons haut et fort, parce qu’il est à son deuxième et dernier mandat’’. L’enregistrement audio de Clédor Sène a aussi refait surface.

En moins de trois ans, G.M Sagna a été placé trois fois sous mandat de dépôt et a bénéficié de trois libertés provisoires.  ‘’Il n’y a aucune fierté à cela, se désole-t-il. Nous avons honte des institutions de ce pays qui sont manipulées et au service de la bourgeoisie bureaucratique parasitaire. Comment faire confiance à une telle justice ? Une justice qui me doit trois libertés définitives ? A n’importe quel moment, ils peuvent venir me chercher. Peut-on faire confiance à une justice qui décerne des mandats de dépôt pour des peccadilles ?’’

Vu sous cet angle, ‘’l’anti-impérialiste’’ invite le peuple sénégalais à soutenir l’Union des magistrats du Sénégal qui se bat pour l’indépendance de la justice. Il est d’avis que pour le respect de leurs droits, les Sénégalais doivent être prêts à perdre des choses, au cas contraire, le peuple n’aura absolument rien.

 L’activiste, au sortir de son face-à-face avec le doyen des juges se dit convaincu que, comme lui, plusieurs citoyens sont mis sur écoute, épiés. Une mesure qui doit toutefois, ajoute-t-il, se faire selon les règles à savoir la réquisition, et au nom de l’intérêt du peuple, dans le cadre de la sécurité. Ainsi, Guy Marius Sagna demande au chef de l’Etat ‘’d’arrêter de mettre le peule sur écoute, mais de plutôt écouter ses profondes aspirations’’.

Les raisons de la grève de faim

L’occasion était également d’expliquer les raisons de sa grève de faim. Tout est parti d’un constat sur les tarifs d’appel téléphonique et les prix des marchandises de la prison du Cap manuel. Ils sont, selon l’activiste, surfacturés. La minute d’appel coûte 100 F et les denrées sont trois fois plus chers, sachant que les prisonniers ne reçoivent la nourriture de leurs proches que les weekends. ‘’ La plupart sont issus des classes populaires, ils subissent cela dans un contexte morose de Covid-19’’, détaillent-il. A cette cherté de prix s’ajoutent des traitements inhumains.

‘’Quand tu arrives, on te met nu et on le fait même à des personnes âgées de 71 ans. On arrache et vole nos affaires. La chambre 1 dans laquelle j’étais compte 150 personnes au lieu de 50. Quand je sortais, il y en avait 200. C’est la chambre la plus peuplée du Cap Manuel. On se croirait dans une maison d’esclaves, on dormait sous forme de paquetage, les uns collés aux autres’’, raconte-t-il. Pour toutes ces raisons qu’il va dénoncer auprès de la directrice de l’établissement, Guy Marius Sagna sera isolé dans une autre cellule ‘’sale, infecte et obscure d’un mètre de large et trois mètres de longueur’’, pendant 57 heures.

Il a alors décidé d’entamer une grève de la faim. Une initiative qui a permis le passage des coûts d’appels téléphoniques de 100 F CFA à 60 F la minute. Il prévoyait une deuxième grève de la faim pour la libération des manifestants arrêtés lors des émeutes, lorsque le Khalife général des mourides est intervenu pour l’en dissuader. Ce ‘’militantisme carcéral’’ a également inclus les ‘’salaires misérables’’ des agents pénitentiaires.

EMMANUELLA MARAME FAYE

 

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