Publié le 4 Dec 2014 - 14:49
CAMPAGNE AGRICOLE 2014-2015

La famine guette le monde rural

 

Loin du débat politique qui accapare l’espace médiatique du Sénégal, le monde rural vit dans l’inquiétude de lendemains incertains. La campagne agricole de cette année a été très médiocre. Les moissons ne sont pas bonnes, à cause d’une pluviométrie faible. Les conséquences sont déjà visibles : exode rural, vol et insécurité.

 

Contrairement à ce que prétendent certaines autorités gouvernementales qui se glorifient d’une campagne agricole très rentable, avec une moisson abondante, une partie du monde rural vit dans l’inquiétude. Dans le département de Mbour, la plupart des récoltes ont été catastrophiques. Seuls quelques villages ont échappé à la règle, à l’image du village de Diohar. A cette période des moissons, il est rare de voir un paysan moissonner ses champs pendant une durée d’une semaine. «Cela fait longtemps que nous n’avons pas assisté à un hivernage aussi catastrophique. Cette année dans notre village, je n’ai vraiment pas vu 5 à 6 personnes qui peuvent assurer leur nourriture pendant plus de 6 mois », déclare Diègane Diouf, un habitant du village de Guedj, situé dans la communauté rurale de Nguéniène.

En ralliant le village de Ndianda, on aperçoit des champs dont les tiges de mil sont tombées par terre. Au  niveau de la végétation, le vert a cédé au jaune ocre. Au loin, des bergers sont en train de faire paître leurs troupeaux aux alentours des espaces non cultivés. Pas de rivière pour abreuver les animaux. Pourtant, chaque année, renseigne Diégane, le bétail buvait l’eau des rivières, jusqu’au mois de février. ‘’Mais cette année en pleine saison des pluies, il n’y a pas eu une seule rivière remplie d’eau capable d’abreuver les bêtes. Pendant toute la saison, les animaux buvaient au niveau des puits. Ceci renseigne déjà d’une pluviométrie déficitaire voir catastrophique’’.

Dans le village de Ballabougou, c’est le même constat. Ici les récoltes ont été plus catastrophiques et le tapis herbacé se raréfie. Dans les lieux de rencontre et sous les arbres à palabre, les récoltes catastrophiques restent le seul sujet de discussion. A en croire Masse Dièye, un natif du village, « ces moments sont critiques, car toute la production agricole a été médiocre ». Dans son champ situé à quelques encablures du village, la surface cultivée s’étend sur presque un hectare et les rendements ne sont pas bons. Le foin d’arachide n’est pas mûr et avec une telle qualité, son cheval va avoir un problème de nourriture. «C’est triste ce qui nous est arrivé cette année. Pour une surface aussi large, je vendais du foin et de l’arachide et chaque année, j’empochais au minimum une somme de 200 mille francs. Mais, vous l’avez constaté de vos propres yeux, mon cheval n’aura pas de quoi se nourrir si je ne me contente que de ma récolte », fulmine le vieux paysan, la cinquantaine révolue, vêtu d’un tiaya (pantalon bouffant).

Aucune variété n’a été en reste, même les cultures hâtives. Dans certains coins où la pluviométrie a été très faible, même la culture du haricot a été catastrophique. Dans le village de Sassamba, le lieu initial où on emmagasinait la récolte avant de la mettre dans le grenier est quasi vide. Avant que les paysans ne débutent la moisson, les femmes partaient déjà aux champs pour couper le mil afin de préparer le couscous, parce que les greniers étaient déjà vides au mois d’août.

Si dans le département de Mbour les autorités restent inertes à la situation catastrophique qui guette le monde rural, dans la région de Fatick, des acteurs non étatiques ont pris les devants, en proposant des solutions alternatives. L’ONG belge SOS FAIM est venue secourir le monde rural. Elle contribue à l’amélioration des conditions de vie économique et sociale des populations rurales et urbaines, à travers l’octroi de financements et le renforcement des capacités techniques des organisations paysannes pour la revalorisation des potentialités locales. Cette année, selon Fréderic Desley, secrétaire général de SOS FAIM, le groupement va doubler les moyens à cause de la saison catastrophique. L’ONG apporte un appui conséquent aux exploitations familiales, en leur octroyant des services agricoles pour contribuer à la lutte contre l’insécurité alimentaire, tout en leur permettant d’améliorer leurs revenus monétaires.

Des conséquences néfastes.

Cette pluviométrie déficitaire va forcément entraîner des effets négatifs dans les zones rurales. Certes, la lutte féroce et sans répit des agents de sécurité a occasionné le recul de l’insécurité liée au vol, à la circulation des marchandises frauduleuses et à la vente du chanvre indien. Mais, il faut y ajouter le recul de la pauvreté dans ce domaine. Depuis une dizaine d’années, le retour de la pluviométrie abondante a été une opportunité pour des jeunes de rester dans leur localité et de pratiquer l’agriculture maraîchère favorisée par une nappe phréatique peu profonde.

Dans certains villages où la nappe est profonde, le régime libéral d’Abdoulaye Wade avait fait un échantillon, en installant un forage dans le village d’Aga. À partir de ce forage, toutes les zones environnantes, comme Agga Biram, Gorou, Ndioudiouf, ont bénéficié de bornes-fontaines dans les champs. L’année dernière, la culture de l’oignon a été fructueuse dans ces localités. Cela a contribué à la lutte contre la pauvreté.  Ce projet devait être élargi. Il n’a pas connu de suite.

A cause d’un défaut de curage, les bassins de retention de Foua, un village situé près de Nguéniène et de pointe Saréne, ne sont pas en mesure d’alimenter en eau les paysans jusqu’au mois d’avril. A cause de ce problème hydraulique, les paysans ont commencé à se rendre en ville, avec leurs charrettes, à la recherche de travail. Certains villages sont exposés au vol, tandis que d’autres agressent continuellement la forêt classée de Nianing.

En passant par la route bitumée qui borde cette forêt, la végétation luxuriante et les arbres touffus ne sont qu’un trompe-l’œil. Il suffit de parcourir quelques centaines de mètres à l’intérieur pour se rendre compte qu’elle est agressée de toute part par les riverains qui coupent les arbres pour fabriquer du charbon de bois destiné à la vente. «C’est une question de subsistance. Nous n’allons pas mourir de faim alors que nous pouvons vendre du bois. On va nous emprisonner ou nous infliger des amendes, mais nous reviendrons pour couper du bois, personne n’y peut rien», déclare un coupeur de bois que nous avons rencontré dans la forêt, armée d’une hache et d’un coupe-coupe. 

André BAKHOUM (Mbour)

 

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