Le Forum civil entame sa croisade
Le Forum civil a procédé hier au lancement de la Campagne nationale de mobilisation citoyenne contre l'impunité et pour la redevabilité. À cette occasion, le coordonnateur général du Forum civil a invité populations et acteurs étatiques à changer la manière d'appréhender la corruption au Sénégal, ''présentée sous l'angle d'une maison que quelqu'un aurait eue aux Almadies, de l'argent planqué dans les banques ou transféré dans des banques étrangères''. Car précise-t-il, ''Il s'agit de gains que l'individu a tiré de la perversion du système public''.
Le danger d'une telle conception réductrice, selon lui, est de voiler ''une autre tragédie publique''. Dans la mesure où, signale-t-il, ''chaque gain est une soustraction d'une partie des possibilités que notre nation a données pour répondre à des besoins de groupes significatifs''. Il en est ainsi des hôpitaux inachevés depuis 1998 de Ziguinchor et de Fatick, du lycée technique à Tambacounda qui tarde à se matérialiser, ainsi de suite. Aujourd'hui, déclare Mouhamadou Mbodji, ''les externalités négatives, créées par la corruption, empêchent les réponses pour le développement de ce pays''.
384 milliards perdus en 4 ans
Et c'est là le chantier auquel veulent s'attaquer le Forum civil et ses partenaires dont l'Usaid. Le coordonnateur convoque le professeur Abdoulaye Seck qui note que chaque point perdu par le Sénégal, dans le classement sur l'indice de perception de la corruption, correspond à une dégradation du taux de croissance du même niveau.
A cet effet, ''le professeur établit, entre 2007 à 2011, une dégradation annuelle permanente sur quatre années successives de 1% , qui en valeur absolue, correspond à 384 milliards'', souligne Mouhamadou Mbodji qui a également fait état des travaux du professeur Cabral. Celui-ci décrit la corruption en terme d'impact négatif sur l'indice de bien-être, l'indice de pauvreté. ''En valeur absolue, il dit que 10% de l'investissement public correspondant détourné dans les procédures de corruption, correspond à 62 000 nouveaux pauvres annuellement. C'est l'équivalent du stade LSS rempli''. Selon le coordonnateur du Forum civil, ''il faut inverser la lecture et le regard sur l'économie. Car, poursuit-il, ce n'est pas ce que gagne le corrompu et le corrupteur, mais c'est ce que cela coûte à la communauté nationale''.
Ainsi, la campagne qui a démarré hier aura pour objectif, entre autres, de documenter les effets pervers de la corruption. Le défi sera d'apporter des réponses à des questions précises : Combien d'enfants ont perdu la possibilité d'aller à l'école ? Combien de Sénégalais sont morts parce qu'ils n''ont pas pu se soigner, alors qu'un site est identifié depuis 10 ans pour l’érection d'un hôpital ? Elle va mettre en branle les 70 sections du Forum Civil réparties dans les 45 départements du Sénégal. Une campagne médiatique contre l'impunité va la sous-tendre. C'est ainsi qu'un film documentaire intitulé : ''Anoci, les dessous d'un sommet'', a été produit. Il se veut un éclairage sur la nébuleuse Anoci et comporte des passages édifiants. Dans la même veine, le site www.transparence.sn servira de forums d'échanges et permettra de dénoncer des pratiques de corruption.
La cérémonie a été présidée par Abdoulatif Coulibaly, ministre conseiller chargé de la Bonne gouvernance et a vu la présence de Bara Tall, patron de Jean Lefebvre Sénégal, de Mansour Kama du CNES, entre autres personnalités.
GASTON COLY