Publié le 24 Oct 2025 - 16:15
AFFAIRE DETTE CACHÉE  

Les avocats de Macky Sall réclament trois ‘’rapports cachés’’ 

 

Les avocats de Macky Sall contre-attaquent. En conférence de presse, hier, Pierre-Olivier Sur, Aïssata Tall Sall et Cie ont affiché leur volonté de laver l’honneur de Macky Sall au sujet de l’affaire dite ‘’dette cachée’’. Réclamant les rapports, ils soutiennent qu’il y a plutôt de rapports cachés’’ par l’actuel gouvernement. 

 

Le pool d’avocats de l’ancien président de la République a fait face à la presse, hier, dans le cadre de l’affaire dite ‘’dette cachée’’. D’emblée, le coordinateur du collège de défense de Macky Sall, Me Pierre-Olivier Sur, a noté que ce sujet présenté par l’actuel gouvernement ‘’sous un titre qui claque: le titre de la dette cachée’’, est en effet, ‘’celui des rapports cachés’’. 

En effet, Macky Sall a envoyé deux courriers officiels adressés au ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba, et au président de la Cour des comptes, Mamadou Faye. Ce, pour réclamer la transmission du rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), document ayant servi de base à l'audit de la Cour des comptes sur la gestion budgétaire 2019-2024. Jusqu’à présent, aucune réponse à sa demande.

 ‘’Les rapports cachés qui disent que la dette était cachée. Premier rapport caché, le rapport de l'inspection des finances. Vous le savez, Macky Sall a pris une loi de transposition des règles supra-sénégalaises, africaines, selon lesquelles la transparence devait s'imposer dans la gestion et la continuité de la gestion des équipes au pouvoir’’, a ajouté l’avocat, présent au Sénégal depuis mercredi dans le cadre d’une riposte judiciaire et politique dans cette affaire. 

Selon lui, ‘’ce mot ‘transparence’ n'était pas indiqué. Pour la première fois, il l'est. Déjà, dans la Constitution, le même mot ‘transparence’ figure dans une loi très récente, du 24 août 2025, sur l'accès de tous les documents, administratifs, judiciaires,  pour les citoyens qui en feraient la demande.  Le rapport de l'inspection des finances, qui est le premier à allumer le feu en poudre, qui est le premier à faire parler la dette cachée ; ce rapport est caché’’.

Devant un parterre de journalistes, il a martelé que personne ne peut  indiquer avoir eu ces documents entre les mains. ‘’Et pourtant, vous êtes la presse ; vous êtes le garant de la transparence. La garantie de la démocratie, c'est vous. Nous, juristes, on passe après. On l'a demandé, on ne l’a pas eu’’, a poursuivi l’avocat.

Le pré-rapport de la Cour des comptes

Après ce rapport de l'inspection des finances, il y a eu un pré-rapport de la Cour des comptes. Ce pré-rapport, selon lui,  est aussi ‘’caché’’. Pierre-Olivier Sur déclare : ‘’Nul d'entre vous, mesdames et messieurs les journalistes, ne l'avait eu entre les mains. Et pourtant, vous êtes la représentation de la transparence et de la démocratie. Vous êtes la voix de la nation. Et nous non plus, nous n'avons pas eu ce document depuis les lettres que j'ai adressées il y a maintenant 15 jours, tant au président de la Cour des comptes qu'au ministre des finances’’.

Donc, voilà les ‘’deux rapports cachés’’ dont parle l’avocat. Mais ce n'est pas tout. Il y a un troisième rapport. 

Sur ce point, l'avocat note qu’’’on dit avec infiniment de respect et des guillemets partout qu'il est le rapport d'un cabinet indépendant d'audit. Il s'agit du rapport Mazar. ‘’Mais là encore, vous l'avez sur les lèvres, mais vous ne l'avez pas entre vos mains, ce rapport Mazar. C'est le troisième rapport caché. Et c'est d'autant plus grave que c'est le rapport d'un cabinet d'audit international qui se dit indépendant, qui se dit un peu la voix de Dieu pour le contrôle des choses…’’, a fustigé Pierre-Olivier Sur. 

‘’Vice de forme’’

L’avocat note que quand un avocat reçoit un rapport entre les mains, par exemple le rapport de l'inspection des finances, la première chose qu'il regarde c'est la forme. L’avocat dénonce un vice de forme. ‘’La loi de 2012 exigeait qu'il fût déposé dans les trois mois de la prise de pouvoir du nouveau pouvoir. Et là, il a finalement été déposé, enfin. On n'en sait rien puisqu'on ne l'a pas eu. On nous dit qu'il aurait été déposé six mois plus tard, donc, il y a déjà un vice de forme’’, a-t-il relevé, soulignant que le respect de la forme est la garantie du fond et de son intégrité. 

En ce qui concerne le rapport de la Cour des comptes, il renseigne que la première chose qu’il aurait  regardée, c'est aussi la forme. ‘’J’apprends aujourd'hui par des indiscrétions, qu'il n'aurait pas été signé par l'assemblée plénière, mais seulement par une des chambres. En tout cas, la certitude nous l'avons par le rapport finalement définitif dont on a eu connaissance. Là encore, problème de forme. Vous me direz, on s'en fiche des signatures. Je vous répondrai non’’, a poursuivi M. Sur.

Pour lui, si toutes les signatures n’y figurent pas, ce serait  la raison d'imaginer que certains signataires auraient refusé de signer. Et quid du rapport Mazar ? ‘’A-t-il été signé par les associés Mazar au Sénégal ? D'ailleurs, la première chose que je me poserais, si j'avais ce rapport entre les mains, est qu'un appel d'offres a été soumis pour que les principes obligataires qui sont pris sur le marché, un taux qui dépend des agences de notation…’’; a-t-il déclaré.

‘’Quand l’Etat vit à crédit quelques jours, quand les banques lui accordent une facilité de paiement, est-ce que c'est de la dette ou non ? Grande question’’, a déclaré la robe noire. Me Sur note que certains agrégats économiques  le considèrent comme faisant partie de la dette, d'autres non. Aussi définit-il la dette publique, comme d’abord la dette de l'État central, ensuite, celle des collectivités territoriales, et puis des organes non marchands.

‘’La dette est toujours; il n’y a plus de croissance…’’ 

Par ailleurs, il indique qu’il faut aussi assurer une continuité de tout ça. La dette, dit-il, est soit vertueuse, soit calamiteuse. ‘’La dette est vertueuse, y compris quand c'est 100% du PIB, y compris même quand c'est 120% du PIB. Au Japon, c'est 200. Aux Etats-Unis, c'est 500. En France, c'est comme vous, 120. La dette est vertueuse, quand il y a de la croissance. Chez vous, il y a de la croissance. Chez nous, il n'y en a plus’’, a indiqué l'avocat français. 

‘’Chez vous, il y a de la croissance. Sous Macky Sall, le PIB a été multiplié par deux… Le problème, c'est lorsque la dette est toujours là  et qu'il n'y a plus de croissance, ou qu'il y a moins de projections de croissance. Et alors, c'est une catastrophe. La dette n'est plus vertueuse. Elle devient un boulet’’, a-t-il ajouté.

A l’en croire, si l’on se situe dans la droite ligne d'une grande continuité du développement au Sénégal, et que l’on fait confiance aux Sénégalaises et aux Sénégalais, aux ressources (au pétrole, au gaz, à la puissance de l'Afrique pour les années qui viennent), alors ‘’on peut se dire qu'il n'y a aucun problème concernant la dette’’. L’avocat note qu’il est important de respecter les anciens. 

Me Aïssata Tall Sall: ’’On ne lâchera…’’ 

Pour sa part, Me Aissata Tall Sall s’est étonnée de la manière d’agir de l’actuel gouvernement. ‘’Il ne nous dit pas comment cette dette a été cachée. Et il ne nous dit pas en quoi consiste cette tête cachée. Mais quelqu'un qui parle, qui dit qu'il y a une dette cachée, on est même convaincu qu'il a les éléments entre ses mains. Mais on ne déclare pas que la dette est cachée pour aller faire recours à des expertises pour valider sa parole’’, a-t-elle déclaré.

Pour elle, le gouvernement fait des déclarations sans en apporter la moindre preuve. ‘’Quand le FMI est arrivé ici, ils ont voulu que le FMI dise qu’il a une dette cachée. Jusqu’à présent, c’est ce qu’ils veulent. Le FMI n’a jamais fait d'expertise pour dire qu’il y a dette cachée’’, a renchéri l’avocate. 

Ainsi, Mme Tall réclame aussi les informations demandées. ‘’Le gouvernement est tenu de nous informer. Il est obligé’’, dit-elle. Elle promet la poursuite de cette affaire pour qu’elle soit tirée au clair. ‘’On ne lâchera pas, parce qu’il est facile d’accuser les gens, puis d'aller chercher les preuves. On ne lâchera pas parce que nous sommes dans le vrai’’, a indiqué Aissata Tall Sall. 

Un autre avocat de l’ancien président du Sénégal de préciser qu’’'il n'y a absolument aucune possibilité d'engager une poursuite contre le président Macky Sall’’. Selon lui, ce qui le fait réagir, c'est une seule chose :  être informé juste. ‘’En dehors de cela, dit-il, il ne se place dans aucune autre perspective’’. 

BABACAR SY SEYE

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