Publié le 3 Sep 2013 - 17:45
CHEIKH BA

Un berger pour CREDHO

 

 

Président du tribunal départemental de Tivaouane depuis mars dernier, le juge Cheikh Bâ est le président du Club de recherches et d’études sur les droits de l’Homme (CREDHO). Un passionné de foot qui, en bon Peul, se réclame berger jusqu’au bout des ongles.

En bon peul, Cheikh Bâ était censé conduire des troupeaux de bœufs. Mais voilà que son père changea le cours de son destin en ‘’l’emmenant de force à l’école’’. ‘’ Je suis un peul berger à qui on a forcé la main pour l’amener à l’école à Guinguinéo, parce que ma vocation, c’était de garder mes vaches’’, se remémore-t-il avec un sourire en coin. Le peul troque alors son bâton contre stylos, craies, crayons, etc., et abandonne les pâturages de Guinguinéo pour se retrouver dans une salle de classe.

Au bout de six ans, l’ex-berger décroche l’entrée en 6ème et ‘’transhume’’ à Diourbel, pour des études secondaires. Le Bac en poche, Cheikh Bâ transhume derechef vers Dakar pour s’inscrire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Pour le nouveau bachelier, le choix est cornélien. ‘’Mes professeurs d’anglais, d’histoire et géographie et de français voulaient chacun que je sois orienté dans son département’’. Finalement, c’est le choix de son père qui s’impose, puisqu’il entre en faculté de Droit, avant d’aller poursuivre ses études en Europe. ’’J’ai choisi le Droit, parce mon père m’a dit très tôt : ''je t’ai mis à l’école pour que tu sois un médecin agrégé, un colonel de l’armée au minimum ou un haut magistrat’’. Pour autant, ce n’était pas pour devenir un magistrat, comme le voulait son père. ‘’Moi j’ai étudié pour ne pas devenir tout ça, mais pour devenir diplomate qui est mon profil académique à 80%, surtout que j’ai très tôt étudié les instances internationales, dans le cadre de mes activités de promotion des droits de l’Homme’’. 

C’est pourquoi, en 2003, le juriste atterrit à la section diplomatie de l’École nationale d’administration (ENA), après avoir réussi à l’examen d’entrée.  Mais, un mois plus tard, comme pris d'un remords, le souvenir des desiderata de son père lui revient. ‘’J’ai démissionné un mois après car, dans la même année, j’ai réussi le concours de la magistrature’’. Et depuis sa sortie en 2005, le natif de Guinguinéo n’a eu à officier qu’au tribunal départemental de Tivaouane. C’est en mars dernier qu’il a été affecté à Tivaouane, comme président du tribunal départemental.

''Je suis né monogame et je le reste’’

Mais avant de rejoindre la capitale de la Tidianiya comme juge au tribunal départemental, Cheikh Bâ, monogame «par conviction et par conception», a vu pas mal de couples se défaire dans son ex-bureau situé dans le «couloir de la mort conjugale» (nom donné au couloir du tribunal départemental de Dakar), après seulement six mois de mariage, par exemple, et pour certains cas ‘’pour des raisons fantaisistes’’., dit-il par expérience.

‘’Je vois que des familles polygames vivent dans le désarroi et je ne veux pas que mes enfants le traversent’’. ‘’Je suis né monogame et je le reste’’, tranche ce peul féru de ‘’ceebu jën’’ (riz au poisson), ancien capitaine de l’équipe de football des magistrats, mais passionné des droits de l’Homme.

Une passion que le magistrat chercheur en droits de l’Homme, en résolution et gestion des conflits en Afrique, avec un focus sur les 15 pays de la Cedeao, ne s’explique pas. ‘’Je n’ai jamais voulu trouver une explication tout simplement parce que mon cursus est basé sur les questions liées au droit international des droits de l’Homme’’, tente-t-il d’expliquer. En attendant, peut-être, de retrouver  un jour prochain ses troupeaux de vaches et de moutons. ‘’Berger je suis. Berger je reste !’’, clame-t-il.

 

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