Publié le 19 Dec 2017 - 15:48
CONCERTATION NATIONALE DES ACTEURS

La  boulangerie à la recherche du pain béni

 

La filière boulangère nourrit les Sénégalais, en grande partie. Mais, apparemment, elle n’en fait pas autant pour les acteurs du secteur. Boulangers et meuniers sont en conclave de 48 heures depuis hier, pour faire le diagnostic et dégager les perspectives.

 

Pendant que certains Sénégalais dégustaient hier leur pain au petit déjeuner, les meuniers et les boulangers se penchaient sur les difficultés du secteur. La concertation nationale sur la filière boulangère prévue sur deux jours s’est ouverte. Les acteurs vont discuter de la situation actuelle et des perspectives pour mieux appréhender le futur de cette activité. Du fait de la place du pain dans les habitudes alimentaires des Sénégalais, les boulangers produisent 8 millions de baguettes par jour, pour un chiffre d’affaires de 500 milliards, soit 3 % du Pib, selon le président  de la Fédération des boulangers du Sénégal, Amadou Gaye.

Mais ces chiffres cachent une réalité plus difficile pour les investisseurs de cette filière. Que ce soit les meuniers ou les patrons de la boulangerie, ils ont tous du mal à s’en sortir, nonobstant la forte demande. ‘’Malgré les apparences, les difficultés sont tel que  plus de soixante boulangeries ont fermé ces deux derniers mois. Cette situation nous interpelle sur la précarité des emplois de ce secteur et de la rentabilité de notre filière’’, souligne M. Gaye. Les problèmes, à ce niveau, sont essentiellement de deux ordres. Les coûts de production et la distribution. Les boulangers estiment que le prix de la farine est élevé, mais aussi il y a d’autres aspects à prendre en compte et qui sont oubliés. ‘’La structure des prix établie depuis 20 ans fait l’objet de mises à jour régulières. Mais, manifestement, certains postes de dépenses, aujourd’hui importants, ne sont pas inclus, tels que les charges liées à l’emballage, les invendus…’’, se plaint-il.

Il y a également la commercialisation. Le ministre du Commerce, à travers le secrétaire général de son département, Makhtar Lakh, estime même que  c’est ce point qui constitue le goulot d’étranglement. ‘’L’absence de réels investissements dans ce segment justifie la déstructuration de la distribution du pain qui, présentement, semble échapper de plus en plus aux boulangers, avec la prépondérance fulgurante de nouveaux intermédiaires dont certains se permettent, à certains endroits où la concurrence est rude, de fixer les règles du jeu’’, note Alioune Sarr.

Concurrence destructrice chez les meuniers

Cette situation est le résultat de la non-application de la règlementation. La loi veut que le pain se vende dans des kiosques et non dans les boutiques, comme ça se fait actuellement. Amadou Gaye propose que le boulanger puisse vendre lui-même son produit, quitte à recruter un personnel, si nécessaire. La fédération s’engage aussi à créer 10 000 emplois, si l’Etat garantit à ses membres les conditions idoines. M. Gaye demande à l’autorité des mesures qui traduisent une volonté politique affirmée, avec un arbitrage tenant compte, entre autres, de la rentabilité, des contraintes législatives, du service public, des emplois…

De même que les boulangers, les meuniers aussi espèrent des solutions concrètes à leurs problèmes, à l’issue de la  rencontre. D’après le ministre du Commerce, le marché de la farine était déjà assez concurrentiel avant l’arrivée des tout derniers acteurs. Aujourd’hui, le Sénégal compte 7 minoteries dans un marché local déjà saturé. Anta Babacar Ngom, la présidente de l’Association des meuniers industriels du Sénégal (Amis) s’est plainte d’une ‘’instabilité des prix, parfois en deçà des coûts de production’’. A cela s’ajoute, selon elle, une perte d’exploitation considérable.

Cette supériorité de l’offre par rapport à la demande a fait que l’Etat a dû arbitrer pour éviter une concurrence destructrice. Ainsi, par deux arrêtés ministériels, l’un en 2014 et l’autre en 2015, il a été décidé d’homologuer les prix en plus d’un système de quotas pour les meuniers. Chacun d’entre eux a la même quantité à produire par jour, sachant que le prix est le même partout. Même si les usines se retrouvent limitées par rapport à leur capacité de production, il n’en reste pas moins que les concernés demandent le maintien de ces deux mesures.    

BABACAR WILLANE

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