MTL décroche un gré à gré à 105 milliards
Le contrôle sur les appels internationaux entrants a été confié, par le pouvoir sortant, à MTL S.A. par l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP), sans appels d’offres. Montant de ce contrat de 5 ans : 105 milliards de francs Cfa pour un minimum d’investissement.
Le décret n°2012-301 ‘’portant approbation de la convention de concession passée entre l’État du Sénégal et la société MTL infrastructure et services S.A pour l’exploitation d’infrastructures de télécommunications’’ n’est en fait que l’arbre qui cache la forêt des méfaits du pouvoir sortant. En effet, la même société a signé depuis le 15 décembre 2011, un contrat avec l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) portant sur le contrôle et la supervision des appels internationaux entrants au Sénégal. Un contrat signé en gré à gré qui n’a pas été autorisé par la Direction centrale des marchés publics (DCMP) au moment où les marchés de conseil, d’assistance et de représentation faisaient partie du champs d’application du Code des marchés ; ces marchés n’étant enlevés du Code qu’avec le décret 2012-01 du 2 janvier 2012.
1,75 milliard de gain par mois
Selon les termes de contrat parcouru par EnQuête, MTL infrastructure et services S.A s’est engagé à solder le différend qui oppose l’ARTP à Global Voice, la première société à qui le contrôle et la supervision des appels internationaux entrants avaient été confiés. Ce, avant que l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) ne casse le marché en septembre 2010 au motif que la procédure utilisée n’était pas conforme au Code des marchés. D’ailleurs l’ARTP avait même attaqué devant la Cour suprême cette décision du régulateur de la commande publique ; procédure qui n’est toujours pas vidée par cette juridiction. C’est à la suite de cela que Global Voice avait assigné en justice l’ARTP et lui réclamait 14 milliards de francs Cfa de dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat.
Aujourd’hui, MTL infrastructure et services S.A s’est engagée, d’après nos informations, à payer à Global Voice ces 14 milliards de francs Cfa. Ce qui est largement faisable au vu des clauses financières liées à son contrat avec l’ARTP. En effet, dans le nouveau contrat, MTL infrastructure et services S.A percevra 35% des recettes générés par la surtaxe sur les appels internationaux entrants. Ce qui représentera, suivant les estimations de collectes, 1,75 milliards de francs Cfa sur les 5 milliards à collecter par mois. Autrement dit, MTL infrastructure et services S.A va empocher 21 milliards de francs Cfa par an et 105 milliards de francs Cfa sur les 5 années de durée du contrat. Et le pire, c’est que des spécialistes des télécommunications soutiennent que la mise en place de ce système de contrôle ne nécessite pas de gros investissements. Il faut juste un logiciel que même les développeurs sénégalais peuvent installer avec des écrans basics de télévision et des switches. Cet investissement, selon la lettre de dénonciation qu’avait adressée Cheikh Tidiane Mbaye, Directeur général de la SONATEL à l’ARMP en septembre 2010, ne peut guère excéder 2 millions d’euros, soit 1,3 milliards de francs Cfa. En d’autres termes, MTL infrastructure et services S.A, dès le premier mois de ses prestations, fera un retour sur investissement. En Guinée par exemple, le centre de contrôle de trafic utilise des… écrans de télévision normal pour lire les données de trafic (voir photos).
MTL va payer à Global Voice 14 milliards
D’ailleurs, la société MTL infrastructure et services S.A a commencé à déployer son matériel de contrôle même si elle n’est pas encore partie chez les opérateurs téléphoniques pour l’y installer. Ce matériel, d’après nos investigations, est en train d’être installé à l’immeuble AMSA du centre-ville qui appartient à l’ARTP depuis que Ndongo Diaw a utilisé l’argent du Fonds de développement du service universel des télécommunications (FDSUT) pour l’acheter à plus de 5 milliards de francs Cfa alors que des Libyens avaient refusé de l’acquérir à 2 milliards de francs Cfa.
Par ailleurs, il faut signaler que ce contrat a été directement signé entre Ndongo Diaw et Moustapha Yacine Guèye, patron de MTL Infrastructures et services S.A, en dehors des services compétents de l’ARTP qui en ont été écartés. Raison pour laquelle nombre de responsables de services avec qui nous nous sommes entretenus ont fait savoir qu’ils ignoraient l’existence de ce contrat.
BACHIR FOFANA