2017 polémiques
Des révélations fracassantes de Mamadou Ndoye ‘’Mendoza’’ à l’arrestation du maire de Dakar Khalifa Sall, en passant par les élections chaotiques du 30 juillet dernier, le landerneau politique sénégalais a connu de multiples soubresauts tout au long de l’année 2017 qui tire à sa fin.
Les révélations fracassantes de l’ancien secrétaire général de la Ligue démocratique pourraient être considérées comme le fait le plus saillant de l’année 2017 dans l’espace politique sénégalais. Alors qu’il était l’invité de l’émission ‘’Objectif’’ diffusée sur la radio Sud Fm, Mamadou Ndoye ‘’Mendoza’’ révéla : ‘’Quand j’ai été élu secrétaire général de la Ld, je suis allé, dans le cadre de l’alliance, me présenter au président de la République. Macky Sall m’a proposé ceci : ‘Mamadou, je te donne un poste de ministre conseiller ou bien, comme je le fais comme pour d’autres, je te donne 4 millions (de francs Cfa) par mois.’’ Ces révélations ont été d’une telle teneur et d’une telle gravité qu’elles ont fait trembler toute la République. Tel un coup de massue, elles ont affolé les tenants du pouvoir et causé un cafouillage et une débandade au plus haut sommet de l’Etat pendant un bon moment. Les réactions des tenants du pouvoir se suivent, mais ne se ressemblent pas. Ils se sont même souvent contredits et ont eu le don d’en rajouter à la polémique. Premier à monter au créneau pour apporter la réplique, le porte-parole du gouvernement.
Selon Seydou Guèye, c’est tout un tissu de mensonges que le leader ‘’jallarbiste’’ a raconté. ‘’On ne peut pas accepter qu’il dise que la République est un gâteau à partager. S’il a des problèmes avec son parti, il doit le régler, car il raconte des contrevérités’’, a déclaré Seydou Guèye. ‘’Mamadou Ndoye exerce un chantage sur le régime. Il voulait un poste de ministre d’Etat et Macky Sall le lui a refusé’’, renchérit Ibrahima Sène du Parti de l’indépendance et du travail (Pit) dans un entretien paru dans les colonnes de ‘’EnQuête’’. Pour sa part, Momar Sambe du Rassemblement des travailleurs africains/Sénégal (Rta/S), dans une déclaration rendue publique, trouve gênantes les allégations du successeur d’Abdoulaye Bathily à la tête de la Ld. Malgré les multiples démentis et autres cris d’orfraie, les révélations de Mendoza ont donné une mauvaise image dont le pouvoir peine jusqu’ici à se départir. Un régime qui utilise l’argent du contribuable pour fidéliser ses alliés afin de se maintenir au pouvoir. Une sorte de corruption qui n’a rien à envier aux vieilles pratiques de l’ancien président de la République Me Abdoulaye Wade, sanctionné en 2012 par les populations sénégalaises à l’issue de l’élection présidentielle de la même année.
Controverses des législatives
Ce scandale est parmi tant d’autres qui ont secoué le régime du président Macky Sall tout au long de l’année. Les élections législatives du 30 juillet 2017 ont été des plus controversées de l’histoire politique du pays. Jamais, de mémoire de Sénégalais, des élections ont été aussi mal organisées. Selon le chargé des élections de la Ligue démocratique, un parti pourtant allié de la mouvance présidentielle, ces élections ont été émaillées par de nombreux dysfonctionnements et des manquements constatés par tous les Sénégalais et par les observateurs : non disponibilité des cartes pour beaucoup d’électeurs (près de 800 000 cartes non tirées), démarrage tardif du vote dans beaucoup de centres, des erreurs et omissions d’électeurs sur le fichier, des bulletins manquants, des bureaux de vote ouverts tardivement, des difficultés à trouver son nom sur les listes, de nombreuses confusions sur les adresses électorales, des documents électoraux non disponibles dans certains centres, etc.
A en croire Ousmane Badiane, cette situation a été aggravée par la forte pluie qui s’était abattue la veille du scrutin, en début de soirée, sur presque l’ensemble du territoire et qui a dévasté plusieurs abris provisoires, entrainant ainsi d’énormes difficultés dans l’acheminement du matériel électoral dans plusieurs localités.
Mais le comble de tout, c’est la situation de chao qui a prévalu à Touba, dans la capitale du mouridisme où le vote ne s’est quasiment pas tenu, du fait de la non disponibilité du matériel électoral dans certains centres de vote.
Khalifa, la descente aux enfers
Année à la fois électorale et préélectorale, 2017 a été aussi et surtout marquée par le combat de gladiateurs qui a certes mis en lambeau le Parti socialiste, mais qui l’a également propulsé au-devant de la scène médiatique. Ce duel fratricide a d’ailleurs fait beaucoup de dégâts. Il a laissé sur le carreau pas mal de responsables socialistes pourtant promis à un bel avenir politique comme le maire de Dalifort Idrissa Diallo, défait jusque chez lui lors des dernières élections législatives, tout comme ses camarades de parti, Barthélemy Dias, Palla Samb et Bamba Fall, entre autres. Tous ces lieutenants du maire de Dakar y ont tous laissé des plumes dans ce jeu de dupes entre un Ousmane Tanor Dieng plus que jamais déterminé à s’accrocher à la tête du Ps et un Khalifa Sall qui se positionne de plus en plus comme le candidat naturel du parti en 2019.
Mais celui qui a le plus perdu dans cette bataille d’abord politique, ensuite judiciaire, reste jusqu’ici le maire de la ville de Dakar. Jusque-là, Khalifa Sall s’est forgé une véritable réputation dans le landerneau politique sénégalais. Du ministre en charge des Relations avec l’Assemblée nationale peu connu à l’époque, il passe maire de Dakar à partir de 2009. De plus en plus, il s’est positionné comme une alternative crédible à Ousmane Tanor Dieng à la tête du Ps et, à partir de 2012, comme un sérieux adversaire du président Macky Sall, en perspective de l’élection présidentielle de 2019. Entre 2009 et 2017, il s’est signalé à l’opinion publique sénégalaise par ses réalisations opérées à la tête de la ville de Dakar, avec ses différents projets dont le pavage et le lait à l’école.
Cependant, si 2009 a été une année de consécration pour le maire de Dakar après une longue traversée du désert, 2017 aura été une imprécation pour Khalifa Sall. C’est au cours de cette même année que démarre sa descente aux enfers.
En effet, arrêté et placé sous mandat de dépôt, le 7 mars 2017, pour détournement de deniers publics portant sur la somme de 1,8 milliard de francs Cfa, blanchiment de capitaux, d’escroquerie portant sur des deniers publics, faux et usage de faux en écriture administrative et de commerce, et d’association de malfaiteurs avec six autres de ses proches collaborateurs, Khalifa Sall est, depuis lors, dans de beaux draps. Son avenir politique, pourtant très prometteur, s’assombrit au fur et à mesure qu’on avance dans son dossier politico-judiciaire. Après les multiples revers essuyés dans la bataille juridique engagée par ses conseils depuis son incarcération, Khalifa Sall n’aura pas pu éviter d’être conduit à l’échafaud. Le renvoi de son procès initialement prévu le jeudi 14 décembre 2017 au mercredi 3 janvier 2018, n’augure rien de bon pour lui pour la nouvelle année qui s’annonce.
Dans les liens de la prévention depuis bientôt un an, Khalifa Sall risque de voir toutes ses chances d’être éligible aux prochaines échéances électorales s’envoler, si jamais il écope d’une condamnation à l’issue de son procès.
D’ores et déjà, tout semble jouer en sa défaveur, depuis le début de cette affaire. Ses multiples pourvois en cassation n’ont rien pu donner. Et sa récente tentative de cautionnement pour s’extirper des griffes de la justice n’a pas du tout abouti. Le doyen des juges, qui a tout bonnement rejeté tout cautionnement, a aussitôt arrêté la date de tenue du procès avant qu’elle ne soit renvoyée au 3 janvier prochain.
Dialogue de sourds…
Outre le dossier Khalifa Sall, le landerneau politique sénégalais a été également marqué, en 2017, par le débat sur le dialogue politique. Celui-ci a tenu en haleine l’opinion publique sénégalaise, tout au long de l’année. D’ailleurs, il a suscité moult débats et fait couler beaucoup d’encre pendant une bonne période de l’année. Le président Macky Sall, après les élections législatives du 30 juillet 2017 considérées par nombre d’observateurs comme les plus catastrophiques de l’histoire politique du Sénégal, a appelé l’ensemble des acteurs du jeu politique à réfléchir ensemble sur le processus électoral, afin d’y apporter des correctifs. Cet appel, même s’il a suscité le débat, n’a pas eu les effets escomptés. Les partis politiques de l’opposition se sont montrés peu disposés à dialoguer avec le régime et ont posé un certain nombre de préalables pour prendre part aux concertations.
Ils ont ainsi posé, entre autres conditions, le départ d’Abdoulaye Daouda Diallo du ministère de l’Intérieur et la nomination d’une personne neutre à la tête de ce département, l’audit indépendant du fichier électoral, sous la supervision de l’Union africaine, des Etats-Unis et de l’Union européenne, de sorte que tous les Sénégalais qui le désirent soient inscrits sur les listes électorales et entrent en possession de leur carte d’électeur contenant des énonciations exactes, la mise en place d’un organe indépendant de supervision et de contrôle du processus électoral en lieu et place de la Cena qui a perdu toute crédibilité. Ils ont également posé comme condition la désignation de magistrats neutres, indépendants et d’une moralité irréprochable et qui ne sont pas le bras armé de l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique de Macky Sall.
Devant la réticence du régime à ne pas accéder à ces revendications, le Pds et ses alliés de la Coalition gagnante/Wattu Sénégal ont tout bonnement boycotté les concertations, tout comme la coalition Mankoo Taxawu Senegaal qui a posé comme préalable l’élargissement de prison du maire de Dakar Khalifa Ababacar Sall.
Seuls quelques partis d’opposition dont Les démocrates réformateurs de Modou Diagne Fada, Oser l’avenir de Me Aïssata Tall Sall et l’Union centriste du Sénégal d’Abdoulaye Baldé, entre autres, ont répondu favorablement à cet appel, réitéré en ces termes par le président de la République le 2 septembre 2017, après la prière de Tabaski : ‘’Je reste ouvert au dialogue et je tends la main à la classe politique.’’
Jusque-là, la polémique qui entoure tout le processus de dialogue ne s’est pas encore dissipée. Les positions divergentes qui se sont dégagées tout au long des travaux ont conduit récemment le président du Cadre de concertation sur le processus électoral (Ccpe), l’ambassadeur Seydou Nourou Ba, à suspendre les travaux pour éviter tout clash entre les différentes parties prenantes. Celles-ci n’arrivant toujours pas à s’entendre sur des questions telles que le bulletin unique et le parrainage des candidatures indépendantes. Ce qui met, depuis lors, le dialogue au point mort.
ASSANE MBAYE