Témoignages sur une grosse perte civile
Le chantre de la lutte pour la bonne gouvernance, la transparence et contre la corruption, a passé l’arme à gauche. Mouhamadou Mbodj, Coordonnateur du Forum civil, a été enterré ce samedi au cimetière musulman de Yoff.
OUSMANE LAYE DIOP
Treize mois après qu’Aboubacry Mbodj, Secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des Droits de l’homme (Raddho) a rendu l’âme, la société civile sénégalaise a perdu, ce weekend, un autre de ses plus éminents porte-drapeaux, dans la nuit du vendredi 9 au samedi 10 mars plus exactement. Mouhamadou Mbodj, Coordonnateur du Forum civil, n’est plus. Une disparition qui met société civile et politiques dans l’émoi. Le Conseil des organisations non gouvernementales d'appui au développement (Congad), par la voie de son président Amacodou Diouf, estime qu’un ‘‘homme courtois et patriotique, monsieur Mouhamadou Mbodj laisse une empreinte indélébile sur les actions des organisations de la société civile pour la transparence et l’efficience dans la mise en œuvre des politiques publiques au Sénégal’’, lit-on dans son message de condoléances.
L’autre Ong qu’il dirige, Action humaine pour le développement intégré (Ahdis), témoigne ‘‘des acquis inestimables qu’il a apportés aux organisations de la société civile, avec un engagement sans faille au bénéfice unique du peuple sénégalais. Puisse Dieu lui réserver le meilleur de ses accueils au paradis’’, déclare Amacodou Diouf.
Le secrétaire d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Alioune Tine, dans un texte-épitaphe intitulé ‘‘Mouhamadou Mbodj ou l’obsession de l’éthique, de la transparence et de la redevabilité’’, révèle le rôle primordial de pionnier abattu par le défunt, en compagnie de Me Mame Adama Guèye et du professeur Babacar Guèye : ‘‘Mbodj a joué un rôle fondamental dans l'institutionnalisation, la crédibilité et la légitimité de l'organisation qui a fortement influencé la création, les orientations de la plupart des organes de contrôle et de régulation des finances publiques dans ce pays. Si, aujourd'hui, on parle beaucoup de redevabilité, de transparence, de moralisation de la vie publique, de ‘’Selal’, de Accountability, les maître-mots de Mouhamadou Mbodj, on le doit au Forum [civil]’’, avance-t-il.
Le secrétaire général d’Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama, s’est dit ‘‘peiné par la disparition de Mouhamadou Mbodj (...) Une perte immense pour la société civile et la nation sénégalaise. Repose en paix, combattant’’, s’est-il laissé aller sur sa page.
Les politiques ne sont pas en reste, non plus. L’ancienne chef du gouvernement, Aminata Touré dite ‘’Mimi’’, constate avec ‘‘consternation’’ et ‘‘grande tristesse’’ que ‘‘la communauté des militants des droits humains perd un combattant valeureux qui savait allier engagement sans faille et courtoisie exquise’’. Quant à l’opposant Ousmane Sonko, il a fait savoir, sur sa page facebook, que le coordonnateur du Forum civil ‘‘a certainement contribué à [sa] décision d'engagement politique’’. Après la publication d’un article (Loi n°2007-25 : Une loi inconstitutionnelle, source d'illégalité et illustrative d'une politique fiscale anarchique), le coordonnateur du Forum civil l’a encouragé et l’a, plus tard, invité à prendre part aux Assises nationales dont le Forum civil assurait la coordination. Ce qui a été le déclic dans l’évolution de sa position sur la politique.