Abdou Mbow dénonce une mesure partisane et une récompense politique
Le député Abdou Mbow s'est exprimé sur la décision du gouvernement d'indemniser les familles des victimes des manifestations survenues entre 2021 et 2024. Selon lui, cette mesure, présentée comme une assistance aux familles des victimes et aux ex-détenus, est une décision partisane qui vise à récompenser certains militants au détriment d’autres citoyens affectés.
Pour rappel, vendredi dernier, le ministère de la Famille et des Solidarités a annoncé la décision du gouvernement concernant l'assistance aux victimes des manifestations politiques antérieures. Ainsi, une aide financière de 10 millions de francs sera octroyée à chaque famille ayant perdu un proche lors des manifestations préélectorales. Une mesure qui semble être, d’après le député Mbow, une assistance en guise de remerciement.
‘’Le gouvernement a décaissé cinq milliards F CFA pour indemniser les victimes des violences politiques entre 2021 et 2024, semblant décidé à appliquer dans une suspecte urgence le projet de panser les blessures de ses militants’’, dit-il en rappelant que, lors du vote de la loi de finances rectificative, le ministre des Finances et du Budget avait annoncé que plus de 100 millions F CFA avaient été octroyés aux victimes des événements politiques de 2021-2024.
En effet, le député Abdou Mbow accuse le gouvernement de mener une politique d'indemnisation biaisée, sous couvert d'assistance aux familles des victimes des manifestations. Pour lui, c’est une situation grave. ‘’C’est grave ça ! C’est un précédent dangereux… Depuis quand c’est à un gouvernement d’indemniser des victimes de manifestations et pas à la justice de le faire, si elle l’a jugé nécessaire, à la suite de la tenue d’un procès ?’’, s’interroge-t-il.
Il poursuit en se demandant pourquoi n’indemniser que ceux qui ont été victimes dans leur soutien à Sonko, ce qui est une façon de les récompenser avec l’argent de tous les Sénégalais ? ‘’Et ceux dont on a désigné les maisons aux pillards incendiaires qui les ont perdues, que leur destine l’État dans sa générosité distinctive ? C’est quoi ce partage partisan ? Qui va réparer les dégâts causés par les manifestations, comme le saccage de l’université Cheikh Anta Diop ?’’, insiste-t-il dans ses interrogations.
Il va plus loin en affirmant que le Premier ministre Ousmane Sonko cherche à ‘’acheter’’ ses partisans en leur offrant une compensation financière, plutôt que de leur assurer un avenir décent dans leur propre pays. Il dénonce une approche qui, selon lui, ne résout en rien les véritables problèmes socioéconomiques et ne fait que masquer la réalité d'une jeunesse désabusée, prête à tout pour fuir son pays. ‘’En fait, Sonko est juste en train d’acheter ses militants en leur donnant leur part du gâteau, alors qu’il n’arrive pas à tenir ses promesses de leur donner un avenir décent dans leur pays’’, déclare-t-il.
Soulignons que les dix millions de francs CFA octroyés à chaque famille de personne décédée sont assortis de l’admission des orphelins mineurs au statut de pupilles de la Nation, de l’enrôlement des familles dans les programmes sociaux du gouvernement (bourses de sécurité familiale, couverture santé universelle, carte d’égalité des chances, etc.), suivant des modalités à définir et d'une facilitation à l’accès aux financements à travers les mécanismes de la Délégation générale à l'entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (Der/FJ), du Fonds national de crédit pour les femmes et du Fonds national de promotion de l’entrepreneuriat féminin.
La question des ex-détenus
Quant aux ex-détenus, il a été annoncé, par le ministère de la Famille, ‘’une prise en charge médicale et psychosociale pour tout ex-détenu ou autre victime, blessé ou malade, en lien direct avec les événements indiqués’’.
D’après la ministre Maimouna Guèye, ‘’cette prise en charge se fait sur la base d’un dossier médical établi par les structures sanitaires’’. Mais les membres de leurs familles peuvent aussi en bénéficier, est-il indiqué.
Sur cette question, le député Abdou Mbow s'interroge sur la portée des décisions de justice qui ont sanctionné certains faits avérés. Selon lui, l'indemnisation des ex-détenus revient à remettre en cause les verdicts rendus par les tribunaux. ‘’Les ex-détenus sont ceux qui ont attaqué la gendarmerie, y ont mis le feu pour prendre les armes ou exploser les munitions. Les ex-détenus sont ceux qui ont confectionné des cocktails Molotov, incendié des bus, l’Ucad, saccagé des édifices publics, dévalisé des boutiques et voulaient marcher vers le palais de la République. Les ex-détenus ont brûlé Auchan, Total et ont toujours averti d’une deuxième et troisième vague de ‘gatsa-gatsa’ beaucoup plus incendiaire’’, rappelle-t-il.
Pour lui, ces actes sont des infractions graves aux yeux de la loi. Il les a d’ailleurs qualifiés de ‘’bandits de grand chemin’’ et d’’’ennemis de la République’’, estimant qu'ils ne méritent pas d'être indemnisés.
Il critique également l'absence d'une évaluation rigoureuse par une ‘’commission vérité et réconciliation’’, pourtant suggérée par la loi d'amnistie. Il craint que sans un tel processus, l'indemnisation soit perçue comme une validation des actes de saccage, d'incendie, de destruction de biens et de pillages. Autrement dit, ‘’cela devient un droit’’, avertit-il.
Ibrahima Hamidou Dème, Président du parti ETIC, parle ‘’patrimonialisation de l’Etat et le clientélisme tant décriés ces dernières années, (qui) persistent de plus belle avec la gouvernance Pastef’’. Il ajoute : ‘’L’Etat de droit, c’est avant tout, la soumission de l’Etat à la loi. Or, aucune loi, aucune jurisprudence et même aucune logique, ne peut justifier que des personnes poursuivies par la justice, bénéficient de la qualité de victimes et soient indemnisées sans décision judiciaire’’.
THECIA P. NYOMBA EKOMIE