Moubarack Lô dénonce un gaspillage de 2,5 milliards au profit d'un cabinet étranger
«Le temps étant précieux», l'ex-Dircab adjoint du président de la République s'en est allé cultiver d'autres champs. Fustigeant au passage le gaspillage d'une somme de 2,5 milliards de francs Cfa tombée dans les caisses d'un cabinet international recruté pour le Projet Sénégal Émergent, Moubarack Lô a aussi dénoncé la mainmise d'un groupe appelé Disso établi à l'extérieur sur le Projet, au détriment des experts et fonctionnaires de l'Etat mis sur la touche.
Trois jours après la réplique du président de la République face aux démissions réelles ou envisagées de certains de ses collaborateurs, l'un des mis en cause sort du bois pour, à son tour, apporter des clarifications liées aux circonstances de son départ du poste de directeur de Cabinet adjoint du chef de l'Etat. Pour Moubarack Lô, «l'obligation de réserve ne peut plus prévaloir» lorsque son «honneur est en jeu», comme c'est le cas avec les propos de Macky Sall.
Dans un communiqué intitulé «La vérité sur le projet Sénégal émergent et sur les causes de ma démission», et parvenu hier à notre rédaction, il exerce donc «un droit de réponse» qui recense trois causes à l'origine de sa démission. Dans un premier temps, Moubarack Lô confirme ainsi que «la cause immédiate» à l'origine de son départ du Palais de la République, «c'est la décision de M. Macky Sall de (lui) retirer la Présidence du Comité de projet Sénégal émergent».
En lien avec cette cause dite immédiate, l'économiste en pointe une autre, «sous-jacente» qu'il explique en ces termes : «C'est le choix présidentiel d'accepter qu'un groupe de Sénégalais établis à l'extérieur, et regroupés dans une structure dénommée «Disso» dont l'ancien ministre de l'Economie et des Finances, M. Amadou Kane, était membre, avant mars 2012, joue un rôle prépondérant dans le projet Sénégal émergent, au détriment des hauts cadres de l'Etat.»
«Groupe Disso»
Le dernier grief de M. Lô à l'égard de Macky Sall, «la cause profonde», dénonce «le style de management présidentiel, qui n'est pas très motivant pour un intellectuel, et la lenteur dans la mise en œuvre des réformes promises aux Sénégalais».
Parlant de «la cause immédiate», Moubarack Lô détaille le processus de création du Comité de Projet Sénégal émergent, issu du décret n°2013-313 du 6 mars 2013. L'article 4 dudit décret «indique que le Comité de Projet peut s'attacher les services de consultants et de personnels de haut niveau. Ensemble, ces derniers constituent l'équipe projet», écrit-il dans sa réponse au Chef de l'Etat.
Cependant, «nulle part il n'est fait mention du groupe Disso dans le fonctionnement du Comité de Projet, et l'implication de ses membres basés à l'étranger au niveau opérationnel ne peut donc être comprise que dans le cadre de l'équipe de projet supervisée par le Comité de projet que je présidais», ajoute-t-il, en prenant à témoin Mor Ngom, ex-directeur de Cabinet du président de la République. Pour M. Lô, «c'est impossible de vouloir piloter un dossier aussi lourd et complexe de l'extérieur du pays, tout en continuant à exercer d'autres activités».
L'implication du «groupe Disso» est alors mise en parallèle avec la mise à l'écart des «structures et experts de l'Etat» dont «la parfaite connaissance des problèmes économiques et sociaux du Sénégal» est sans commune mesure avec celle d'un «quelconque membre de Disso».
«Sur le chemin de l'échec»
Au demeurant, Moubarack Lô dénonce le gaspillage d'une somme d'environ 2,5 milliards de francs Cfa dans ce projet, alors qu'elle aurait pu «permettre à 100 000 femmes d'accoucher, en toute sécurité et de manière gratuite, dans les postes de santé ruraux ou péri-urbains», «de construire 25 forages ruraux, d'électrifier 100 villages, de bâtir 500 classes ou 2 500 km de pistes rurales».
«En définitive, poursuit-il, la décision prise, en début octobre, par le chef de l'Etat, de me retirer du Projet Sénégal émergent n'a été, en vérité, que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase d'une longue série de désaccords, très souvent implicites, sur des choix stratégiques ou tactiques.» Selon l'économiste, «l'analyse (lui a) montré que la voie suivie actuellement par (le président Macky Sall) nous mènera difficilement au but désiré».
MOMAR DIENG