Publié le 20 Dec 2017 - 15:47
EXPULSIONS, ARRESTATIONS, BRIMADES…

Les relations entre le Sénégal et la Mauritanie ne sont pas encore au beau fixe

 

Le séjour des migrants sénégalais est loin d’être un long fleuve tranquille en terre mauritanienne. Entre la traque des forces de l’ordre, les séjours en prison et les expulsions sans autre forme de procès, ils en bavent dans ce pays. Ce que révèle le rapport de la Mission d’observation à la frontière Sénégal-Mauritanie. Le Sénégal n’est pas en reste dans les expulsions de Mauritaniens.

 

Selon les chiffres de la police sénégalaise, ‘’du 1er au 25 juillet 2016, 78 Sénégalais ont été expulsés par la Mauritanie à Rosso-Sénégal, dont 67 pour défaut de titre de voyage ou de carte de séjour et 11 pour pêche illégale (défaut de licence)’’, lit-on dans le rapport de la Mission d’observation à la frontière Sénégal-Mauritanie transmis hier à ‘’EnQuête’’. Le document précise qu’environ 10 à 15 % des personnes expulsées sont des femmes. ‘’Ces chiffres sont élevés, si on les compare au nombre de ressortissants maliens expulsés : seuls 7 Maliens ont été expulsés par les autorités mauritaniennes à Rosso-Sénégal, depuis décembre 2015’’, indique la même source.

Toutefois, le rapport de la Mission d’observation à la frontière entre les deux pays souligne que, de son côté, le Sénégal a également, pendant cette même période, ‘’refoulé 77 Mauritaniens qui ne détenaient qu’une photocopie de l’extrait de naissance ou de la carte d’identité’’. ‘’Au final, ce sont les personnes qui sont les victimes de ces relations diplomatiques compliquées’’, déplorent les auteurs du document. Il faut noter qu’aux Sénégalais expulsés pour défaut de carte de séjour, s’ajoutent d’autres personnes expulsées par la Mauritanie. Selon le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation de ce pays cité par notre source, les agents de l’immigration ont ainsi renvoyé 4 600 migrants dans leurs pays d’origine, entre le 1er janvier et le 4 septembre 2015.

Préoccupée par cette situation que vivent les populations des deux pays dans cette zone, la mission recommande l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des personnes étrangères de la part des gardes-côtes et des forces de sécurité mauritaniens. Mais également la facilitation de l’obtention de la carte de séjour pour les étrangers établis en Mauritanie et l’allégement de la procédure d’obtention des documents tels que les pièces d’état civil pour les enfants de migrants.

Le document fait aussi cas du durcissement de la législation mauritanienne, au travers d’une circulaire du ministère des Affaires étrangères en date du 13 mai 2012, qui fixe les modalités d’obtention de la carte de séjour, les conditions d’entrée, l’exercice d’activités pour les étrangers ainsi que les modalités de sortie du territoire. Depuis, selon le rapport, les migrants sont traqués dans leurs lieux d’habitation et de travail, et vivent dans la peur. ‘’Les étrangers en situation irrégulière vivent tous les jours dans l’angoisse d’être arrêtés, violentés et refoulés vers Rosso-Sénégal ou Gogui (Mali). Les rafles et les arrestations sont fréquentes et teintées d’une brutalité inouïe, contraire à la dignité humaine. De surcroit, une fois interpellés, les migrants n’ont pas la possibilité d’aller récupérer leurs bagages ou de prévenir leurs voisins ou parents’’, souligne le rapport.

Les migrant qui ont le malheur de tomber entre les mains des forces de l’ordre, peuvent même s’estimer heureux d’être refoulés, vu leurs ‘’conditions de détention épouvantables’’. ‘’Dans certains centres de détention tels que le commissariat de Bagdad (Nouakchott), les migrants sont incarcérés dans des petites cellules dans l’aile désaffectée du commissariat. Le bâtiment est dans un état de délabrement total. Privés de toilettes dignes de ce nom, les migrants qui croupissent là font leurs besoins naturels dans des bouteilles. Dans l’insalubrité et le manque d’hygiène, moustiques et cafards colonisent les lieux’’, rapporte le document.

Selon le rapport, la situation des pêcheurs sénégalais est plus préoccupante. ‘’La frontière terrestre entre le Sénégal et la Mauritanie se trouve au point 16,02, alors qu’il y a des maisons de pêcheurs sénégalais à cet endroit. Cette démarcation est source d’affrontements quotidiens avec les gardes-côtes mauritaniens qui utilisent la force pour appréhender leurs embarcations, saisir leurs produits de la pêche et arraisonner leurs pirogues’’. Ceux qui sont interpellés par les gardes-côtes mauritaniens pour défaut d’autorisation sont menottés et conduits au poste de Ndiago avant d’être transférés à Rosso-Mauritanie où leur sort est décidé, rapporte toujours le document dont les rédacteurs fustigent l’attitude des autorités sénégalaises.

‘’Les autorités administratives locales de Saint-Louis interviennent uniquement en cas de problèmes graves, en cas de décès, par exemple. Ce manque de protection expose les pêcheurs à des dangers imminents’’, dénoncent-ils.

MARIAMA DIEME

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