« Genève, Ville internationale, capitale mondiale de la diplomatie et de la gouvernance multilatérale, se tient aux côtés des pays africains »

En sa qualité de Conseiller administratif en charge de l’égalité et de la diversité, Alfonso Gomez a représenté le Conseil administratif de la Ville de la République et Canton de Genève, à l’occasion du colloque international du « Gingembre Littéraire » de ContinentPremier, organisé par notre compatriote, le journaliste El Hadji Gorgui Wade Ndoye, dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de l’Afrique. L’élu genevois a tenu à ce propos, ces mots.
(GENEVE- Alhambra, le 28 mai 2025) - « Le 25 mai 1963, 32 chefs d’État africains se réunissaient à Addis-Abeba pour fonder l’Organisation de l’unité africaine : un cri commun pour la liberté, l’indépendance et la solidarité entre les peuples. 62 ans plus tard, ce 25 mai est bien plus qu’une commémoration. C’est un appel à poursuivre la lutte pour la justice, pour la dignité, pour un avenir construit par les Africains et pour les Africains. C’est l’occasion aussi de reconnaître les progrès et le potentiel du continent, son dynamisme et la richesse de ses cultures. Tout comme les défis qu’il reste à relever, notamment en matière numérique, culturel et d’industrialisation, mais aussi dans les domaines financiers, politiques et environnementaux.
Plusieurs de ces défis ont été discutés lors des deux tables-rondes qui vous ont réunies aujourd’hui. Ces discussions ont notamment fait écho aux demandes de réparations aux anciens pays colonisateurs pour les dommages immenses et durables du colonialisme, de l'esclavage, de l'apartheid et des génocides perpétrés en Afrique entre le 16e et le 19e siècle. Un sujet crucial, qui a également été retenu comme thème de l’année 2025 par l’Union africaine.
Genève, se tient bien sûr aux côtés des pays africains. Ville internationale, capitale mondiale de la diplomatie et de la gouvernance multilatérale, elle constitue un centre de compétences et de discussions d’envergure, qui réunit – à l’image des deux panels de ce jour – des expertises fortes. Chaque jour, Genève place ainsi l'Afrique au cœur de l'agenda mondial, une Afrique qui se pense par elle-même.
Soutien de Genève à 70 projets en Afrique
En parallèle et de manière plus directe, la Ville de Genève s’engage pour épauler les associations qui œuvrent sur le terrain dans différents pays africains. Par le biais de sa Délégation Genève ville solidaire, elle soutient plus de 70 projets dans 27 pays du continent africain dans le domaine des droits humains, de la santé et de la formation, mais également de manière croissante dans le domaine de l’environnement, qu’il s’agisse de projets en matière de protection de la biodiversité ou de promotion de l’agroécologique.
Genève s’engage dans la lutte contre le Racisme anti Noir
Sur le plan local, la Ville de Genève a initié en 2020 un large processus de réflexion sur la question des hommages rendus dans l’espace public à des personnalités ayant encouragé le racisme anti-Noir-e-s et le colonialisme. S’interroger sur cette question permet en effet de mettre en lumière cette histoire relativement négligée, pour mieux la connaître et comprendre les implications qu’elle a aujourd’hui encore, notamment en termes de représentations racistes. Autrement dit, c’est une manière de s’attaquer au racisme dit systémique, profondément ancré dans nos sociétés, sans que l’on en ait toujours conscience.
La première phase de ce projet s’est achevé avec la publication en 2022 d’une étude recensant les monuments et symboles controversés présents dans l’espace public de la Ville de Genève. La seconde phase, actuellement en cours, vise à déterminer les solutions pouvant être mises en place pour répondre aux enjeux à la fois mémoriels et de lutte contre le racisme que posent les monuments recensés, et à les mettre en œuvre de manière progressive.
Érection d’un Monument en mémoire l’esclavage
C’est dans ce cadre aussi que la Ville de Genève s’est engagée à ériger un monument en mémoire de l’esclavage et du rôle de Genève dans la traite transatlantique, afin d’assumer son travail de mémoire et de transparence sur le sujet. Car comme le disait Malcolm X : « Armés de la connaissance de notre passé, nous pouvons avec confiance embarquer, cap vers notre futur. »
Reconnaissance du travail de M. Gorgui Ndoye avec ContinentPremier
J’aimerais conclure en remerciant toutes celles et tous ceux qui s’engagent pour faire vivre cette Journée mondiale de l’Afrique. J’aimerais en particulier saluer l’Association Continent Premier et son fondateur, Monsieur Gorgui Ndoye, qui a organisé ce colloque et promeut depuis une vingtaine d’années non seulement les cultures et civilisations africaines, mais également la construction de ponts avec les autres civilisations du monde, à partir de Genève. Un travail et un engagement précieux, qui permettent de rappeler que l’Afrique est un continent pluriel, complexe, d’une richesse intellectuelle et culturelles infinies, et dont la voix doit être entendue et respectée ».
Colloque international du « Gingembre Littéraire » organisé par l'association Continentpremier, à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de l'Afrique, à Alhambra Genève, le 28 mai.
« La démographie n’est pas une bombe, mais bien une belle opportunité que l’Afrique devrait transformer en avantage comparatif dans un monde vieillissant ».
Dans la foulée du premier panel consacré aux réparations liées aux crimes contre l’humanité (notamment durant l’esclavage et la colonisation), le deuxième panel a porté sur : « Les opportunités manquées du dividende économique en Afrique subsaharienne :Absence d’une politique holistique de soutien à l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes»
D’emblée le modérateur Dr Mamadou Ndione, économiste, écrivain et Maire de la Commune de Diass (Sénégal) a rappelé l’importance du thème qui selon lui s’attaque à l’échelle africaine à la question basique fondamentale de la science économique à savoir la satisfaction des besoins illimités d’une population qui augmente face à des biens et services limités et souvent épuisables. Selon lui, le dividende économique au-delà de sa perception démographique est d’abord en lien avec les activités de production et de distribution de biens et services d’où l’importance de s’appuyer entre autres sur des solutions de soutien à l'entreprenariat des femmes et des jeunes.
Membre du panel, l’économiste camerounais Jean Binyet, expert dans le domaine de l'entreprenariat, avec une expérience de travail au sein de grandes sociétés multinationales a mis l’accent sur le dynamisme démographique africain qui, selon lui, est un atout comparativement aux bas taux de fécondité notés dans plusieurs pays et continents du monde. Pour lui, la poussée démographique en Afrique s’explique par l’importance que les familles accordent aux enfants pour garantir ultérieurement les activités de production. Sur la base d’une projection à l’horizon 2100, l’Afrique pourrait être la locomotive économique du monde à condition de réussir la transition démographique consistant à mettre l’accent sur les jeunes et les femmes afin de valoriser les avantages comparatifs notamment miniers et agricoles par l’industrialisation de l’Afrique.
Lui emboitant le pas, le conférencier Dr. Ibrahima Socé Fall, médecin, spécialiste en épidémiologie, membre du Collège Royal des médecins du Royaume Uni, Haut fonctionnaire à l'OMS, a insisté sur la corrélation entre la santé et l’économie. Pour Dr. Fall, il n’y a pas de prospérité et de productivité sans la santé qui est déterminant pour le développement économique et social. La recrudescence des maladies chroniques non transmissibles s’explique par le changement du mode de vie. Malgré les progrès notés depuis l’année 2000 sur la santé en Afrique notamment sur le paludisme et le sida, il y a toujours la persistance des maladies dues à la déforestation avec des conséquences sur la biodiversité. Il a mis l’accent sur ce qu’il appelle la décolonisation de la santé par une prise en charge des maladies tropicales négligées et une appropriation par les états africains de leur souveraineté sanitaire par l’éducation des jeunes via notamment le numérique.
Dans sa synthèse, le modérateur Dr. Mamadou Ndione a rappelé que la jeunesse africaine est un atout si l’accent est mis sur la capacitation par les formations qualifiantes, la santé et l’éducation. Pour l’économiste et Maire de Diass, l’Afrique doit aller vers l’efficience dans toutes ses activités économiques et sociales par la résolution des équations logistiques.
Revenant sur le lien entre les thèmes des deux panels de la journée de l’Afrique organisée par l’association ContinentPremier, il a émis l’idée d’inclure dans la réflexion sur les réparations liées aux crimes durant l’esclavage et la colonisation, une utilisation ultérieure de ces ressources pour renforcer les dispositifs de résolution des équations logistiques africaines par des investissements massifs dans les infrastructures afin de tirer profit des opportunités de la Zone de libre-échange africaine (ZLECAF). La démographie n’est pas une bombe, mais bien une belle opportunité que l’Afrique devrait transformer en avantage comparatif dans un monde vieillissant. En conclusion, Dr. Ndione fait sienne cette conviction partagée par beaucoup d’observateurs avertis : « Le prochain siècle sera africain ou ne sera pas ».
Par Alfonso Gomez,
Conseiller administratif en charge de l’égalité et de la diversité en Ville de Genève