Le bitcoin se moque des déboires de la finance américaine
C'est un beau pied de nez à la finance traditionnelle. Alors que le système bancaire américain tremble à la suite de la faillite de la Silicon Valley Bank et de plusieurs établissements régionaux, faisant craindre une contagion planétaire, les cryptomonnaies se portent au mieux. Le bitcoin a vu sa valeur progresser de près de 25% ces dernières 36 heures.
Le bitcoin serait-il devenu une valeur refuge au même titre que l'or qui, lui aussi, a progressé fortement ces derniers jours ? On peut le penser, au vu de la spectaculaire remontée du cours du bitcoin et des cryptomonnaies en général ces derniers jours. Ironiquement, cette brusque résurrection est un petit rappel de ce qu'est fondamentalement le bitcoin.
Né après la crise financière de 2008, en réaction aux excès de la finance traditionnelle, il se veut le manifeste de ceux qui ne croient pas à la finance régulée des banques centrales. La crise de 2008 a, en effet, mis en lumière l’incapacité de la FED, la Réserve fédérale américaine, à prévenir la crise des subprimes et les excès de Wall Street. Il a fallu l’intervention du président Obama pour que des mesures de contrôle plus strictes soient adoptées. Mais par la suite, dans certains États comme en Californie, des banquiers ont mené un intense lobbying pour obtenir de l’administration Trump un allègement de ces contraintes financières. Parmi ces banquiers, il y avait Greg Becker, le patron de la SVB, à l’origine de la crise actuelle. Il fait désormais figure d’arroseur arrosé sur les réseaux sociaux américains.
Aujourd’hui, alors que Wall Street tremble sur ses bases, le bitcoin attire à nouveau l'attention des ceux qui prônent la finance décentralisée, c'est-à-dire une finance libérée du poids des banques centrales au profit d'un contrôle par les détenteurs de cryptomonnaies.
La hausse des taux d’intérêt s’éloigne
Mais la résurrection du bitcoin ne s’explique pas seulement par la défiance d’une partie de l’Amérique envers les banques. Plusieurs facteurs conjoncturels participent à la hausse. Tout d'abord, le fait que les autorités américaines aient rapidement garanti les dépôts de certaines banques en difficulté a soulagé les marchés. Cette garantie a, par exemple, sauvé les clients de la Signature Bank dont beaucoup étaient des acteurs de l’écosystème des cryptomonnaies.
Mais surtout, le facteur principal qui explique la remontée du bitcoin est la conviction que face à la crise, la Réserve fédérale américaine n’a d’autre choix que de mettre en pause sa politique de hausse des taux d’intérêt. En effet, depuis près d’un an, afin de juguler l’inflation, la FED a progressivement relevé ses taux – aujourd’hui situés dans une fourchette entre 4,25% à 4,5% –, ce qui rend moins attractif les cryptomonnaies au regard des rendements offerts par les bons du Trésor, par exemple.
Cette politique prudente est d’ailleurs en grande partie à l’origine des difficultés actuelles des banques régionales comme la SVB qui épargnaient en obligations d’État. Une poursuite brutale de cette politique de taux forts étant désormais écartée, les investisseurs s’intéressent à nouveaux aux rendements offerts par les cryptomonnaies.
Feu de paille ou hausse durable ?
Reste que ce mouvement de hausse est encore loin d’être garanti dans le temps, tant les cryptomonnaies sont habituées à une extrême volatilité. Avant cette crise bancaire, les régulateurs américains étaient en train de mettre en place une réglementation plus stricte pour l’écosystème des cryptomonnaies après de nombreux abus qui ont ruiné des milliers d'épargnants. Il est fort à parier, alors que les autorités monétaires évoquent d’ores et déjà un retour en force des contrôles sur la qualité et la viabilité des banques, qu’ils poursuivent la mise en œuvre d’une régulation de l’univers des cryptomonnaies. Et cela pourrait venir enrayer l’actuel mouvement de hausse.
RFI