Publié le 11 Mar 2021 - 13:20
FOOT - ITALIE

Juventus, autopsie d'un fiasco monumental

 

Hier soir, la Vieille Dame est tombée de très haut. Pour la deuxième année consécutive, la Juventus a été éliminée au stade des huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Un terrible fiasco pour les Bianconeri dont la stratégie est un échec cuisant ces dernières années.

 

Andrea Agnelli a le sens du timing... ou pas. Lundi, le président de la Juventus et du syndicat européen des clubs (ECA) annonçait fièrement que le nouveau format de la Ligue des Champions, prévu pour 2024, serait finalisé très prochainement. « D’ici à quelques semaines, tout devrait être plus ou moins réglé », a-t-il avoué précisant que les phases de poules devraient être réorganisées et que l'on devrait passer de 32 à 36 équipes. Agnelli a aussi évoqué quelques idées qu'il a pour l'évolution du football dont la suivante : «nous pourrions imaginer un abonnement pour 15 minutes d'un match.» Ce qui a étonné pas mal de monde. Le lendemain, son club, la Juventus, jouait un match capital face au FC Porto en Champions League justement.

CR7 accablé

Battue 2 à 1 à l'aller, la Vieille Dame comptait bien l'emporter et se qualifier. Après avoir été mené 1 à 0 suite à un pénalty de Sérgio Oliveira (19e), elle a pris les devants grâce à un doublé de Chiesa (49e, 63e), déjà buteur à l'aller. En prolongation, Porto, réduit à dix, a réussi à marquer grâce à un coup franc de Sérgio Oliveira (115e). Malgré un but de Rabiot (117e) dans la foulée et une victoire 3 à 2, les Bianconeri sont passés à la trappe en huitième de finale. C'est la troisième année consécutive que les Italiens sont éliminés assez rapidement. En 2018-19, ils avaient été sortis en quarts de finale par l'Ajax Amsterdam. L'an dernier, c'est Lyon qui les a éliminés en 1/8e de finale. Cette année, Porto a été le bourreau des Transalpins.

Au lendemain de ce nouvel échec, la presse italienne cherche des coupables. Et il y en a plusieurs. Du côté des joueurs, Cristiano Ronaldo en prend pour son grade. Recruté en 2018 pour aider la Juve à passer un cap, le Portugais, peu en vue hier, est pointé du doigt. Son attitude sur le coup franc d'Oliveira est critiquée. «Pour quelqu'un qui a construit son épopée sur le souci du détail, c'est impardonnable», écrit la Gazetta dello Sport qui ajoute : «la photo de son match. La photo d'une triste fin. Probablement la photo de la fin du cycle de Cristiano à la Juve. Zéro but en deux matches à élimination directe, après en avoir marqué 4 lors des trois matches précédents de la Ligue des champions et 4 lors des quatre derniers matches de championnat.»

L'échec d'une stratégie

La publication italienne en profite pour tirer un bilan du passage de CR7 à Turin. Si l'attaquant a marqué des buts, il n'est pas parvenu à faire passer un cap à son club. «Ronaldo avait épousé une Lady qui avait atteint la finale de la Ligue des champions deux fois au cours des quatre années précédant son arrivée, en 2015 et 2017 (...) Entre non seulement l'opération Ronaldo, mais aussi une tentative pour changer de peau au niveau du jeu, les chiffres de la période de trois ans sont impitoyables. Deux championnats ont été gagnés, et il n'aurait probablement pas fallu Ronaldo pour les gagner. Même en Italie, une domination de neuf semble proche de la fin». Accabler uniquement Cristiano Ronaldo, qui a été précieux pour les siens comme lors du huitièmes de finale face à l'Atlético en 2018-19, est beaucoup trop facile.

Car c'est toute la stratégie de la Juventus qui a mené à ce fiasco. Depuis le départ de Massimiliano Allegri en 2019, les entraîneurs passent mais les échecs continuent. Les dirigeants piémontais se sont clairement trompés au sujet de ses successeurs. Maurizio Sarri, dont le style n'était pas compatible avec l'effectif turinois, n'est resté qu'une année et a été limogé après l'élimination face à l'OL. Pour lancer un nouveau cycle, la Juve a misé sur le novice Andrea Pirlo. Et là aussi c'est un échec. Distancé par l'Inter (62 points) et l'AC Milan (56 points) en Serie A, le club transalpin (52 points, un match en moins) va avoir du mal à conserver un titre qu'il n'a plus perdu depuis la saison 2011-12. Sortie en C1, la Juventus pourrait finir la saison avec uniquement un titre en Coupe d'Italie. Encore faut-il battre l'Atalanta Bergame lors de la finale. Pas certain que Pirlo soit toujours sur le banc, lui qui jouait gros cette semaine.

Agnelli doit relancer la Juventus avant de penser à réformer le foot européen

Incapable de poser sa patte sur cette équipe, l'ancien milieu de terrain pourrait être sacrifié. Il n'est pas le seul à blâmer alors que l'écurie turinoise vit une saison de transition. L'été dernier, elle a vendu certains joueurs comme Pjanic et elle a voulu se séparer de plusieurs éléments d'expérience, comme Matuidi et Higuain, tout en rajeunissant l'effectif. Cela prend du temps, d'autant que la Juventus n'apprend pas de ses erreurs, elle qui a raté ses matches allers en Ligue des Champions ces dernières saisons et qui a dû batailler systématiquement au retour pour passer. Cela est passé en 2018-19 grâce à un grand CR7 face à l'Atlético. Malgré deux buts face à l'OL au retour l'an dernier, il n'avait pas pu empêcher l'élimination de son équipe. Hier soir, Cristiano Ronaldo est passé à côté de son match, mais compter uniquement sur un nouvel exploit du joueur de 36 ans est une stratégie limitée. D'autant que d'autres, comme Chiesa, ont montré qu'il pouvait être précieux et prendre le relais. En revanche, beaucoup ont déçu comme Morata, peu utile hier, Ramsey ou Arthur, symboles d'un milieu en perdition.

Si tout le monde est finalement coupable de ce naufrage collectif, la Juventus va devoir changer beaucoup de choses pour repartir de l'avant et revenir sur le devant de la scène nationale et européenne. Lancé dans son projet de réforme de la Ligue des Champions et dans son envie de révolutionner le football européen, Andrea Agnelli, en première ligne après ce nouvel échec, devrait avant tout (et surtout) s'atteler à remettre les Bianconeri sur de bons rails et établir une nouvelle stratégie mieux pensée et durable.

Nommer un coach qui peut impulser une nouvelle dynamique, faire le ménage dans un effectif vieillissant ou encore recruter de vrais renforts, tels seront ses objectifs. Mais il aura des moyens limités. En effet, tous ces résultats négatifs pèsent sur les finances d'un club qui a annoncé un déficit de 113,7 millions d’euros au premier semestre de l'exercice 2020-21 le 25 février dernier. Cela est dû notamment aux pertes liées aux coronavirus. Et l'élimination précoce en Ligue des Champions n'arrange pas les affaires de la Juventus, qui a dit adieu à un chèque de 10,5 millions d'euros après son élimination hier. A cela, il faut ajouter que l'action du club a perdu 6,5% à l'ouverture de la bourse ce mercredi. Puis 8,17% au fur et à mesure de la journée. Plus que jamais, l'avenir se prépare aujourd'hui à Turin, sonné après ce nouveau KO en Ligue des Champions.

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