Publié le 30 Mar 2016 - 12:53
HISTORIQUE DES TAUX DE PARTICIPATION

Les raisons d’une courbe instable

 

Au Sénégal, le taux de participation reste instable en fonction des élections. Mais il reste un constat : en dehors de la présidentielle, tous les autres scrutins sont dans l’ordre de 40% environ. Autre remarque : la chute continue de la mobilisation depuis 2007 et le rejet des scrutins à polémique.

 

Le référendum du 20 mars a vécu. Un scrutin diversement apprécié par la classe politique. Ceux qui espéraient que le Sénégal allaient connaître le répit après cette consultation citoyenne peuvent déchanter. Juste après la proclamation des résultats, un nouveau débat s’est installé et une autre page de l’annale politique ouverte. En effet, les deux tendances (OUI et NON) se disputent autour du taux de participation et chaque camp prêche pour sa paroisse. Après une semaine de campagne ; les deux camps réunis du NON n’ont pas réussi à convaincre les électeurs sénégalais de la nécessité de se déplacer pour voter dans un sens ou dans un autre.

Lors d’une rencontre post-référendum, le Front du ‘’NON Ñaani bañ na’’ assimilait ces élections a une ‘’parodie d’exercice démocratique’’. A la place des interrogations, le Front du ‘’NON Gor ca wax ja’’ a préféré rejeté les résultats du scrutin.  Selon les ténors de l’opposition réunis autour de cette coalition, ‘’le peuple n’a pas adhéré à ce projet de réforme constitutionnelle qui a été rejeté par 75,87% des électeurs sénégalais’’. Tandis que le camp du OUI jure sur tous les toits que le vote est dans les normes démocratiques. Pour le porte-parole du gouvernement Seydou Guèye, le référendum n’est pas une élection qui mobilise. Alors que Landing Savané soutient que ‘’l’abstention est une tradition dans toutes les grandes Républiques’’.

Au-delà des tentatives de récupération de part et d’autre, il existe une seule constante : l’abstention. Une réalité gênante pour les politiques (majorité comme opposition) et qui pousse le parlementaire Abdoulaye Makhtar Diop à vouloir rendre le vote obligatoire. Autrement dit, transformer ce qui était jusque-là un droit en un devoir.

A partir de tout ce qui précède, il semble intéressant de rappeler un peu comment l’électorat sénégalais s’est comporté durant ces 10 ou 20 dernières années. Si chaque partie essaye de tirer la couverture de son côté, les chiffres parlent d’eux-mêmes… Dans la décennie 1990, les élections étaient synonymes de contestation au Sénégal, ce qui entraînait un fort taux d’abstention. Le 21 février 1993, les Sénégalais sont appelés aux urnes pour élire un président de la République. Entre le candidat Abdou Diouf et Me Abdoulaye Wade, ils avaient optés pour le premier.

Sur 2 549 699 inscrits, 1 312 154 Sénégalais ont accompli leurs devoirs citoyens soit un taux de participation de 51,46%. Abdou Diouf comptabilisait 58,40% et Abdoulaye Wade 32,03%. Mais cette victoire du socialiste a été entachée par une série d’accusations de fraudes de la part de l’opposition et des parties de gauche. C’est sous ce ciel de contestations que les Sénégalais sont allés deux mois plus tard choisir leurs représentants à l’hémicycle. Et cette situation n’a pas manqué de susciter des grincements de dents chez les opposants et entraîné un taux de participation de 40,98%. En 1998, le taux de participation est presque le même qu’aux législatives, avec 39,28%.

En 2000 par contre, l’envie de se débarrasser d’un régime après 40 ans de règne sans partage a sans doute mobilisé une partie importante de l’électorat, notamment les jeunes. Ainsi, au premier tour, la présidentielle a enregistré un taux de participation de 62,23% alors que le duel final entre Wade père et Abdou Diouf a comptabilisé un taux de 61,07%.

2012 : la grande abstention

Ce vent d’accalmie a soufflé sur les premières législatives organisées sous l’ère Wade. Cette mobilisation n’a d’ailleurs jamais été égalé jusque-là : 67% de l’électorat s’est rendu aux urnes. Tout le contraire des législatives du 3 juin 2007 où le taux de participation tournait autour de 38% pour une abstention importante de 62%. En réalité, ces élections sont intervenues dans un contexte où l’opposition qui pesait 40% de l’électorat à l’issue de la présidentielle de cette même année a appelé le peuple au boycott. Elle a accusé Abdoulaye Wade d’avoir fraudé lors du scrutin présidentiel, avant d’exiger l’audit du fichier électoral. Face au refus du pouvoir de toucher à la base de données, ce qui était appelé à l’époque ‘’l’opposition significative’’ a tourné le dos aux Législatives. La démobilisation reste manifeste, puisque la présidentielle avait enregistré un taux record de 70%.

En 2012, la présidentielle n’a pas beaucoup mobilisé (51,58%), en dépit de la colère générale contre le régime de Wade. Les Législatives ont été encore plus surprenantes avec un taux de participation de 36,76% pour des élections pourtant pas polémiques. Les locales de 2014 ont fait légèrement mieux, avec 38%.

Au vu de tous ces chiffres, un constat s’impose : depuis 1993, en dehors de la présidentielle, les autres élections connaissent un taux de participation entre 38 et 40%, à l’exception manifeste des Législatives de 2012. Autre remarque : à chaque fois qu’une élection est organisée dans un climat de tension entre le pouvoir et l’opposition, le citoyen a tendance à rester chez lui. D’où la nécessité d’apaiser le climat et sans doute de trouver un autre discours plus mobilisateur.

HABIBATOU TRAORE ET BABACAR WILLANE

 

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