Dans la peau du président
Préserver la paix et la cohésion nationale, œuvrer à renforcer la sécurité et l’intégration africaine, promouvoir des échanges gagnant-gagnant avec les partenaires. Tels sont les vœux du tout nouveau président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, installé hier dans ses fonctions devant un parterre de chefs d’État et de gouvernement.
Devant Dieu et devant la Nation, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a juré. Il a juré ‘’de remplir fidèlement la charge de président, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine’’. Le serment est accueilli par un tonnerre d’applaudissements dans la salle des expositions au Centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio (Cicad), pris d’assaut hier matin par des milliers de personnes venues de tous les recoins du Sénégal, de l’Afrique et du monde.
Pleinement investi dans ses fonctions de nouvel homme fort du Sénégal, Diomaye rend hommage au peuple sénégalais. ‘’Ce grand peuple’’, magnifie-t-il, non sans se remémorer tous les sacrifices consentis : ‘’Les vies perdues, les blessures irréversibles, les libertés confisquées’’ ainsi que les ‘’carrières brisées’’.
Ce peuple, souligne Diomaye Diakhar Faye, ‘’a démontré, à maintes occasions et dans des moments critiques, son attachement à la paix et aux valeurs républicaines’’.
En s’adressant à ce peuple, hier, au Cicad, le désormais président de la République du Sénégal a eu une pensée pieuse pour ceux qui sont tombés dans le champ des combats pour le triomphe de la démocratie, les personnes amputées, les blessés, mais aussi les anciens prisonniers. Cette fois, il s’est gardé d’y adjoindre le qualificatif ‘’politique’’ au terme ‘’prisonnier’’. Tout de même, insiste Diomaye, ‘’je garderai toujours à l’esprit les lourds sacrifices consentis afin de ne jamais vous décevoir’’.
Fini les rancœurs, les rancunes et le nihilisme
Comme il en a de coutume depuis que le peuple l’a choisi, Diomaye ne cesse de calmer le jeu. Toujours droit dans ses bottes, intransigeant dans sa volonté de mettre en œuvre ‘’le projet’’, il abandonne également le champ du nihilisme. Après les martyrs, l’enfant de Ndiaganiao (département de Mbour, région de Thiès) a tenu à rendre hommage aux anciens, sans qui un tel moment n’aurait peut-être pas pu être possible. ‘’Hommage doit aussi être rendu à nos ainés qui se sont battus pour l'avènement de la démocratie au Sénégal. Ils ont posé les solides fondements d'une nation indépendante et d'un État de droit secoué par moments, mais toujours debout. Nous leur sommes redevables pour les valeurs de liberté, de justice et de progrès qu’ils nous ont données en héritage’’, a déclaré celui qui est désormais dans la vraie peau du président.
Selon lui, ‘’il est essentiel que nous connaissions les succès et les échecs de nos devanciers, les chemins humbles qu’ils ont suivis puisque nous sommes la résultante de tous leurs efforts’’.
Président de la République, Diomaye a encore réitéré son vœu de travailler à renforcer et à préserver ce qu’il considère comme étant le ‘’bien le plus précieux’’ du Sénégal : c’est-à-dire sa paix et sa stabilité. ‘’… Et dans cette œuvre de construction d’un Sénégal nouveau, je travaillerai inlassablement à la préservation de la paix et de la cohésion nationale. Je garderai à l’esprit que notre ressource la plus précieuse demeure la stabilité politique de notre pays. Je mobiliserai les Sénégalais d’ici et de la diaspora autour d’un projet national fédérateur et orienté vers un futur serein. Un projet national respectueux des identités spécifiques, compris et partagé par tous, dans un esprit de solidarité, pour le bonheur de tous’’.
S’engageant à promouvoir le culte du travail, l’éthique de gestion, la discipline et l’amour de la patrie, il promet ‘’de mettre résolument et durablement le Sénégal dans la voie du progrès économique et social’’.
Pour un Sénégal souverain et ouvert
Tout en étant un président de rupture, déterminé à défendre les intérêts du Sénégal en toute souveraineté et dans le respect mutuel, le nouveau chef de l’État s’est voulu également rassurant. Il réitère ‘’l’engagement et l’ouverture du Sénégal à des échanges respectueux de (sa) souveraineté, conformes aux aspirations légitimes de (son) peuple dans un partenariat mutuellement gagnant’’.
Cela dit, le successeur du président Sall est conscient que son peuple aspire à un ‘’changement systémique’’. À travers son élection, constate-t-il, ‘’le peuple sénégalais s’est engagé dans la voie de la construction d’un Sénégal souverain, juste et prospère, dans une Afrique en progrès’’.
Sur son agenda africain, il mettra l’accent sur les périls sécuritaires et les nombreux défis à relever. Il déclare : ‘’J’entends clairement la voix des élites décomplexées qui disent haut et fort notre aspiration commune à plus de souveraineté, au développement et au bien-être. Aux côtés de mes pairs, je réaffirme l’engagement du Sénégal à renforcer les efforts déployés pour la paix, la sécurité, la stabilité et l’intégration africaine’’.
Le Sénégal, sous son magistère, souligne-t-il, ‘’sera un pays d’espérance, un pays apaisé, avec une justice indépendante et une démocratie renforcée. Telle est ma promesse, sur la foi du serment que je viens de prêter devant cette auguste assemblée’’.
Badio investit Diomaye…
À l’endroit du nouveau président, Badio saluera surtout ‘’l’humilité’’ et la ‘’sobriété’’ dans le discours. ‘’Vous êtes le choix incontestable et éclatant du peuple sénégalais et vous symbolisez la volonté de notre peuple de changer de paradigme dans sa gouvernance et de génération dans son gouvernement’’, a-t-il déclaré, juste avant de recevoir son serment.
Le président du Conseil constitutionnel n’a pas manqué de prodiguer quelques conseils à celui qu’il qualifie désormais de ‘’garant de la démocratie’’ sénégalaise. ‘’À l’heure où surgiront les inévitables tentations du pouvoir, l’ivresse de la puissance, les démons de la division, lui dit-il, il faudra se souvenir de la main de Dieu, dont la volonté domine et détermine inéluctablement les moments que nous vivons. Le serment que vous prêterez tout à l’heure vous commandera, au sortir de cette audience, de toujours promouvoir et défendre les valeurs africaines en général et sénégalaises en particulier, afin d’encourager l’ouverture de notre pays au monde, à travers la coopération internationale, dans un contexte de lutte contre des idéologies qui divisent et qui stigmatisent’’.
Priant que la ‘’bénédiction divine ne cesse de tirer’’ le Sénégal ‘’de tous les traquenards tendus par la main de l’homme, en particulier dans la perspective d’une exploitation prochaine et porteuse d’espoir du pétrole et du gaz’’, Mamadou Badio Camara rappelle à Diomaye le sacerdoce : ‘’Vous êtes désormais le garant de la démocratie sénégalaise, du respect des institutions, des droits et libertés, gage de la stabilité de l’État et de l’unité du peuple sénégalais dans sa diversité.’’
Le public investit Sonko
Promotion président, tu élis un président, tu te retrouves avec deux présidents. C’était l’un des slogans de la coalition DiomayePrésident, faisant allusion au duo Diomaye-Sonko. Hier, au Centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio, alors que le président Mamadou Badio Camara installait dans ses fonctions le nouveau président de la République, le peuple, lui, a investi Ousmane Sonko. À chacune de ses apparitions à l’écran, les militants et sympathisants scandaient : ‘’Sonko, Sonko, Sonko…’’. Les plus inconditionnels ne se sont pas limités à scander son patronyme, ils ont ajouté : ‘’Sonko, Président, Sonko, Président…’’ Il en sera ainsi durant toute la cérémonie. Le ‘’conseil’’ de Pastef qui a investi Sonko n’a pas tari d’éloges à son endroit.
Le dernier hommage de Badio à Macky
Malgré les péripéties rappelées qui ont mis à rude épreuve les institutions de la République, le président du Conseil constitutionnel a tenu à rendre un vibrant hommage au prédécesseur de Diomaye Faye.
À l’en croire, il a aussi joué sa partition pour que le scrutin puisse se tenir. ‘’Nous le (la fiabilité du scrutin) devons surtout à l’engagement du président Macky Sall qui, avec la détermination qu’on lui connait et dans un délai record, a repris en main le processus électoral, avec comme seul objectif un scrutin apaisé et transparent, quel que soit le vainqueur’’, souligne Badio Camara dans une salle qui ne montre ni approbation ni désapprobation.
Selon le président du Conseil, l’histoire retiendra du ci-devant président de la République qu’il s’est ‘’abstenu volontairement et sans aucune contrainte, de solliciter de (ses) compatriotes un troisième mandat, afin de (leur) éviter la probabilité d’une source potentielle de troubles intenses’’, se réjouit-il, avant d’ajouter : ‘’Point n’est besoin de dresser une liste, qui serait kilométrique, de vos réalisations multiformes, puisqu’elles sont visibles. Il nous suffit de citer, proximité oblige, le magnifique Centre des expositions de Diamniadio, qui abrite notre audience de ce matin et qui est votre œuvre, ainsi que le Centre international de conférence Abdou Diouf’’.
Ce qu’il retiendra de Macky, c’est que c’est ‘’un excellent garant de l’unité nationale, attribution emblématique que le président de la République tient de la Constitution’’.
Les militaires acclamés, la France représentée par son ambassadrice La cérémonie d’investiture a été marquée par la présence de nombreux chefs d’État et de gouvernement. Parmi les présidents qui ont répondu à l’appel, il y a celui de la Mauritanie (également président de l’Union africaine), celui du Ghana, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, de la Guinée, du Cap-Vert et du Nigeria. Pendant ce temps, le président Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire se faisait représenter par son vice-président Thiémokho Meyliet Koné, le Mali par le colonel Malick Diaw (président du CNT en compagnie du ministre des Affaires étrangères), le Burkina Faso par Ousmane Kouroumah, président de l'Assemblée législative de la transition… Président de la République de Guinée, le général Mamadi Doumbouya a ravi la vedette à tous les autres invités. Il a été accueilli par une salve d’applaudissements. La France a, quant à elle, été représentée par son ambassadrice. On a vu ni ministre encore moins le président Emmanuel Macron. |
MOR AMAR