Publié le 27 Jul 2019 - 20:43
JUSTICE CONSTITUTIONNELLE SENEGALAISE

Les sages défient les ‘’experts’’ 

 

Plus de science et moins de politique dans le débat médiatique. Voilà un grand souhait du Conseil constitutionnel qui a ouvert ses portes à la presse, les 25 et 26 juillet. Ses décisions, les critiques, le parrainage, la Cour constitutionnelle…. Avec des constitutionnalistes dont le Pr. Babacar Kanté, ancien juge constitutionnel, les sages apportent leurs éclairages.

 

Etre juge constitutionnel, c’est à la fois un privilège et un lourd fardeau. Les critiques, les menaces, les insultes, toutes sortes de propos qui blessent familles, amis et proches, et qui laissent des séquelles chez leurs destinataires. Pour les sages de la République, c’est comme s’ils avaient fini de se vacciner contre ces récriminations  qui pleuvent, à chaque fois qu’ils prennent une décision.

Le président Papa Oumar Sakho déclare : ‘’Quand on ne veut pas être jugé, il ne faut pas juger. Nous avons l’habitude de ces critiques, maintenant. Nos familles également, même si ça les touche profondément, ils sont habitués. Je peux vous dire que ces critiques font mal, surtout aux amis.’’

L’une des décisions de la haute juridiction les plus commentées de l’histoire a surtout été celle qui avait permis, lors des élections législatives de 2017, à des Sénégalais dont les cartes d’électeur n’étaient pas disponibles de voter. Cela avait soulevé moult polémiques. Même des enseignants de l’université avaient lancé une pétition pour dire non à la position de la haute juridiction. Le débat a resurgi, hier, à l’occasion du séminaire organisé par le Conseil constitutionnel à l’intention des journalistes.

Nfally Kamara apporte une clarification : ‘’Il faut savoir que dans sa fonction d’interpréter la loi, le Conseil peut dégager des principes qui sont à valeurs constitutionnelles, là où la loi n’a rien prévu. Pour moi, on ne peut dire que le Conseil  transgresse la loi. Je pense que ce n’est pas possible, dans la mesure où cet organe est au-dessus de la loi (ordinaire)’’. A l’en croire, le Conseil constitutionnel, depuis quelque temps, a fait de réels efforts dans la motivation de ses décisions qui ne sont plus sur deux ou trois pages, mais sur des dizaines de pages. Mais ces décisions ne sont certes pas adressées à des profanes. Elles s’adressent surtout à des catégories bien déterminées. Nfally Kamara invite ces gens à s’intéresser davantage aux décisions et à laisser le débat de rue aux politiciens.

‘’Il faudrait que les gens prennent aussi le temps de lire les décisions du Conseil constitutionnel et de détecter quelle est la communication que le Conseil est en train de faire avec la société. Ils peuvent écrire, publier, commenter… C’est ainsi qu’on arrive à faire avancer les choses. Et le Conseil pourrait améliorer, s’il y a lieu’’.

A ce propos, Nfally Kamara a même convoqué certains juges constitutionnels qui se permettraient même quelquefois certains excès. ‘’Par exemple, souligne-t-il, au Bénin, la Cour constitutionnelle va même jusqu’à rédiger une Constitution. Mais ce n’est pas notre cas au Sénégal’’. Selon lui, il faut toutefois distinguer les deux modèles. ‘’Là-bas, il y a des constitutions de crise qui sont devenues des constitutions en crise. Au Sénégal, nous n’avons ni constitution de crise ni constitution en crise’’, raille-t-il.

En cela, Nfally Kamara rejoint le professeur Babacar Kanté, ancien juge constitutionnel, qui disait à l’ouverture du séminaire : ‘’Le contexte sénégalais est assez particulier par rapport à celui du Bénin. Quand vous discutez avec les membres de la Cour constitutionnelle du Bénin, ils vous disent : ‘Nous avons connu 40 ans de dictature. Pendant ces 40 ans, il y avait une absence totale d’Etat de droit. Notre rôle, c’est donc d’être le rempart contre le recours à l’arbitraire.’’’

D’après le professeur, c’est le contexte qui façonne, sur le plan institutionnel, la configuration de la juridiction constitutionnelle. ‘’On a tendance à oublier qu’en 1974 déjà, la Cour suprême du Sénégal annulait allégrement des décisions du président de la République. Et ce n’était pas n’importe quel président ; il s’agissait de Léopold Sédar Senghor. En 1975, il y a eu un arrêté interministériel pour annuler une publication. La Cour suprême avait annulé cette interdiction...’’

Ce n’est pas tout. Toujours au Sénégal, la Cour suprême a eu à annuler le décret d’un président nommant administrateur civil son neveu. ‘’Je donne ces exemples pour revenir à cette question d’indépendance. Je suis toujours frappé, quand on parle de cette indépendance, comme si le Sénégal était parti d’aujourd’hui. Il y a eu dans ce pays une étudiante, qui avait 20 ans, 21 ans à peine, qui a été exclue de l’université. Elle a eu le courage d’aller à la Cour suprême et avait obtenu gain de cause. La Cour suprême avait dit au président de la République : ‘Il n’appartient pas à une autorité politique, quel que soit son rang, d’exclure un étudiant de l’université. Cette prérogative appartient aux assemblées de l’université.’’

Dans la même veine, l’ancien recteur de l’université Gaston Berger considère que le fameux débat entre Conseil constitutionnel et Cour constitutionnelle n’a aucun sens, aucun intérêt. ‘’Parce que si l’appellation avait de l’importance, on peut dire que les juridictions constitutionnelles de l’espace lusophone n’ont pas la même dignité, parce que simplement, dans ces pays, on les appelle des tribunaux’’. Mieux, il y a eu, selon lui, le cas du Conseil constitutionnel français qui a rang de Cour constitutionnelle. ‘’D’abord, parce qu’on a formalisé la procédure devant le Conseil constitutionnel, ensuite, parce qu’il est le protecteur des droits fondamentaux. Depuis que le Conseil est protecteur, il joue dans la cour des grands, c’est-à-dire de fait une cour’’.

MOR AMAR

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