Morale à géométrie variable !
1400 morts côté Israélien. Plusieurs milliers de morts à Gaza, côté palestinien, avec un chiffre qui s'amplifie tous les jours. Il y a vraiment de quoi se poser des questions sur un tel niveau d’escalade et d’horreur, quel que soit par ailleurs le bout par lequel l’on prend ces chiffres.
Et l’on ne peut pas ne pas condamner cette attaque du Hamas, tout comme ces tirs sur un hôpital qui ont fait près de 500 morts, alors qu'on en est encore à se poser des questions sur l'origine de ces tirs alors que les auteurs sont bel et bien connus.
Le pire, c’est qu’Israël a imposé un blocus total sur le territoire, privant les populations de nourriture, de carburant et d'autres produits essentiels tels que l’eau, l’électricité.
C'est en tout cas une belle erreur pour Israël que de s'être engagé dans des représailles aveugles qui laissent croire à une responsabilité collective des Palestiniens à travers l’acte du Hamas, comme si les méfaits de quelques-uns devaient conduire à faire payer toute la population civile sans différenciation aucune entre le Hamas et la Palestine.
Dans ce conflit qui s’éternise et ses morts qui se comptent par milliers, ce soutien inconditionnel, financier et militaire des Etats-Unis à Israël, semble être un permis de poursuite de la colonisation et des exactions contre les palestiniens. Non seulement la posture américaine n’est pas très productive parce qu'elle ne fait que nuire dans la durée aux intérêts des deux peuples ; mais pire, elle ne fait qu’enflammer une région déjà bien instable au plan géopolitique.
Rappelons tout de même que cette protection historique du pays de l’oncle Sam, date de plusieurs décennies, avec les Etats Unis qui, dans l’histoire du Conseil de sécurité, ont opposé leur veto plus de 80 fois. Dans plus de la moitié d’entre eux, les Américains ont agi ainsi pour protéger les Israéliens des critiques internationales dans leur politique de colonisation et de répression aveugle.
Un soutien qui s’exprime d’abord sur le plan financier. A titre d’exemple, entre 1946 et 2023, Israël a reçu environ 260 milliards de dollars américains, selon un rapport du Congrès américain publié au mois de mars. Ce qui fait d’Israël le pays qui a reçu le plus de ressources de la part des États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Plus de la moitié de ce montant était destinée à l’aide militaire.
En outre, l'année dernière, les États-Unis ont versé 5 millions de dollars pour la réinstallation de migrants en Israël. Le pays a depuis longtemps pour politique d'accepter les Juifs d'autres régions du monde comme citoyens.
Au fil des ans, l'aide américaine a permis à Israël de développer l'une des armées les plus avancées au monde, les fonds lui permettant d'acheter des équipements militaires sophistiqués aux États-Unis.
Mais il convient tout de même de souligner que c'est un leurre pour les Américains que de croire qu'Israël pourra régler seul ce conflit grâce à une solution militaire.
Dans ce conflit qui dure depuis des décennies, l'on a en effet noté avec ces attaques récentes du Hamas, un soutien à Israël ou à la Palestine qui se fait finalement sous l’angle de l'opposition des civilisations. Il y a en effet d'un côté l'Occident qui a condamné les attaques du Hamas sans toutefois se préoccuper des morts palestiniens, issus de représailles d'Israël indiscriminées et disproportionnées ; de l'autre, une indifférence vis-à-vis des morts Israéliens, suite à l'attaque du Hamas par ce groupe du sud global, composé de tous les pays arabes, africains et asiatiques, - en dehors de l'Inde, des Emirats arabes qui ont condamné - et qui sont, soit dans des postures de neutralité voire de solidarité avec les Palestiniens. Un son de cloche de milliards de personnes qu'il faut pourtant entendre de la part des Occidentaux. Tout cela pour dire que la résolution de ce conflit ne peut venir que d'une solution politique, sur la base de valeurs humanistes, de respect du droit international, mais surtout en l'abordant sans toutefois occulter son origine.
Ne l'oublions point, l'Europe et plus globalement l'Occident, ont une grande responsabilité dans ce qui se passe. Ils ont réparé une injustice qu'était ce crime contre l'humanité, le génocide contre les Juifs d'Europe, en leur octroyant une terre où ils peuvent se retrouver d'où qu'ils viennent, afin de ne plus être victimes de persécution. Ce qui signifie que l'Etat d'Israël a été créé sur la base d'une injustice vis-à-vis des Palestiniens qui ont été chassés avec beaucoup d'entre eux qui ont été placés dans des conditions de réfugiés. Or, à la vérité, la Palestine a comme Israël, le droit à un état et a plus que cela, celui de vivre normalement. Et cela, il y a des nombreuses voix Isréliennes qui le disent, qui manifestent en faveur de ce droit. Depuis 1967 en effet, Israël est pris dans la gangrène de la question coloniale. Et tout le monde sait que le colonialisme ne civilise pas, il ensauvage. Les Israéliens le savent. Comment les occidentaux ont-ils pensé pouvoir réparer le crime contre les Juifs par une injustice en prenant la terre des Palestiniens ?
Mais entre ce soutien historique à Israël de la part des Américains et ces propos de Joe Biden qui prend parti en déclarant qu'Israël a le droit se défendre de manière inconditionnelle, difficile de savoir où tout cela nous mène. Une posture qui a eu comme conséquence de compromettre le voyage du président américain avant même qu'elle n'ait commencé. Des pays arabes très proches des Etats Unis, comme l'Egypte qui dépend d'eux au plan économique et stratégique et la Jordanie, même s'ils sont des régimes autoritaires, tiennent comptent de leurs opinions publiques chauffées à blanc dans cette affaire. Elles ne supportent plus à la fois pas ce discours moral des pays occidentaux sur la guerre Ukraine et cette posture différente quant à l'application du droit international et le recours à la force lorsqu'il s'agit du Proche-Orient.
L'on peut en effet se demander si ce droit à se défendre signifie qu'il est dédié aux seuls Israéliens ? Et dénié aux militants du Hamas qui s’inscrivent depuis des années dans une logique de résistance. Que ceux qui condamnent les attaques du Hamas et prennent parti pour Israël, n’oublient surtout pas ces milliers de morts qui se sont accumulés côté Palestinien depuis plusieurs décennies, sous le regard indifférent du monde qui agit comme si de rien n’était, sur fond de mépris notoire du droit international par Israël. Jusqu’à quand les Palestiniens, devront-ils laisser leur territoire se faire grappiller dans cette logique de colonisation sans fin qui les confine dans une prison à ciel ouvert ?
Que l’on se comprenne bien, il n y a pas de guerre où les plus forts gagnent à tous les coups. Ils essuient eux aussi des revers, dommages matériels et des morts. Comme cette récente attaque du Hamas aussi inattendue que meurtrière qui a porté un grand coup contre les Occidentaux en creusant un peu plus le fossé entre l’Occident et les pays du sud global.
Laisser le conflit prospérer ou prendre honteusement parti, n’amènent rien. Sinon des morts qui continuent à s’accumuler. Et surtout que le spectre d'un nouveau front se dessine avec le Hezbollah qui, après 17 ans de calme quasi ininterrompu, a aligné ses factions sur l'Iran, dans l'axe de la "résistance islamique". Il a en effet rallumé ce front "en solidarité" avec le Hamas et la population de Gaza, prise en otage dans un déluge de feu israélien après les massacres de commis par le Hamas, le 7 octobre 2023. Pour desserrer l'étau sur l'enclave, elles harcèlent l'armée israélienne depuis le Liban. Ce qui laisse deviner qu'un second front entre le Hezbolla et Israël est dans toutes les têtes.
Une guerre avec le Hezbollah plus puissant que le Hamas, avec ses 100 000 combattants dont des milliers aguerris en Syrie et des dizaines de milliers de roquettes, entraînerait le Liban et la région dans un conflit destructeur. Attention, l'Iran est aussi aux aguets. De même que le Djihad islamique.
Que les occidentaux sortent donc de cette morale à géométrie variable. Ils ne peuvent continuer à appliquer leur morale en fonction de leurs intérêts ou de leurs alliances ou idéologie du moment. L'on a pu noter des excroissances de ce conflit sur leurs terres avec des actes isolés contre des synagogues et des personnes de confessions juives.