Publié le 18 Jan 2013 - 08:05
LAMINE DIACK, PRÉSIDENT DE L'IAAF

 ''Nous n'avons rien fait pour notre pays''

 

Le président de la Fédération internationale des associations d'athlétisme (IAAF), Lamine Diack, a suggéré la création d'infrastructures sportives et le développement de l'athlétisme à l'école pour produire des talents de classe mondiale au Sénégal.

 

''Il faut croire au sport pour mettre en place des infrastructures''

 

Il y avait la CAN à Ziguinchor, il y a 20 ans. Aujourd'hui, il devrait y avoir un bon stade. Mais j'y ai assisté, l'année dernière, à un match de navétanes et les gens ne pouvaient même pas s’asseoir dans les tribunes parce qu'elles risquaient de tomber sur eux. La question des infrastructures concerne tous les régimes, que ce soient les régimes passés que pour celui en place. On a tout le temps parlé de la réforme de Lamine Diack mais il faudrait bien qu'un jour on en discute. Mon ambition, quand j'étais commissaire général au sport, c'était de faire au Sénégal quelque chose qu'on pouvait partager avec les autres comme un moyen d’organisation. J'avais comme directeur des travaux publics Cheikh Tidiane Ndiaye, qui était un de mes admirateurs pour m'avoir vu jouer contre le foyer de Bamako en 1956. Il était venu me voir et m'avait proposé de faire tous les plans des stades régionaux, départementaux. Ce qu'il avait fait. Nous avions tout prévu mais rien n'a été fait. J'avais un ami, un promotionnaire qui était premier ministre et à la tête de ce pays. La dernière fois que je l'ai vu, je lui ai dit que nous n'avons rien fait pour notre pays. Il faut que ça cesse. Si on avait fait ce qui était prévu, le sport sénégalais se serait développé de manière extraordinaire. J'espère que le régime en place va y croire et mettre en place des infrastructures sportives. Il appartient au mouvement sportif de mener ce combat. On nous parle de stades chinois, quand est-ce qu'ils seront disponibles ? On se demande aujourd'hui où le Sénégal recevra ses matchs. On ne peut le faire qu'en Gambie. Car au Sénégal il n'y a pas de stades.

 

''Il faut développer l'athlétisme à l'école''

 

La Fédération sénégalaise d'athlétisme (FSA) fait face à une situation difficile. Nous travaillons main dans la main. J'ai dit que l'athlétisme est le sport premier. Si on veut y arriver, il faut développer l'athlétisme. Pour cela, il faut développer le sport à l'école. Au Sénégal, il y a un paradoxe. Lorsqu'on parle de l'UASSU, c'est les écoles privées qui y participent, les écoles publiques ne participent plus. Nous avons le meilleur réseau sportif avec les navétanes (championnat populaire), c'est tout le territoire national qui est couvert. Ce qui n' est pas le cas pour l'athlétisme. C'est là qu'il faut travailler. Il faut que les jeunes bougent, ils ne font rien, ils passent tout leur temps devant l'ordinateur. C'est pour cela qu'il y a l'obésité. C'est de cette façon que nous aurons des talents. C'est le meilleur héritage que je puisse donner à l'athlétisme. Notre génération, c'est comme ça que nous sommes sortis. À l'époque, la composition en éducation physique était en athlétisme. Là, tout le monde savait qui était le meilleur coureur de fond, le meilleurs sprinter et le meilleur en saut.

 

La relève à l'IAAF

 

Il y a suffisamment de talents au sein du conseil pour assurer la relève de l'IAAF. En 2007, j'ai indiqué la direction de ma succession en faisant démissionner deux vice- présidents qui étaient d'un certain âge. J'ai fait élire deux jeunes comme vice-présidents, Sergeï Bubka et Sébastien Coe, qui ont réussi des choses extraordinaires en tant qu'athlètes. Grâce à Sébastien Coe, Londres a été un succès du point de vue financier, organisationnel et des athlètes. Il a d'ailleurs été choisi homme de l'année 2012. Bubka, c'est le même calibre. Quand on a des jeunes comme ça, qui croient à l'athlétisme, on peut dormir tranquille.

 

''En 1968, chacun avait un rôle parmi les dirigeants de l'équipe nationale de football''

 

Quand j'ai dirigé l'équipe nationale de football en 1968, tous les dirigeants avaient leur rôle à jouer : Moi-même, Mawade Wade, Joe Diop. Quand il fallait taper sur un joueur, c'était à moi de le faire. Les tâches étaient bien définies. Les textes étaient clairs et tout le monde les respectait. Actuellement, un entraîneur doit avoir un environnement, doit créer une atmosphère. Les joueurs actuellement, avec le salaire qu'ils gagnent, ne viennent pas pour gagner des primes. Il sont là parce qu'ils sont convaincus qu'ils peuvent faire quelque chose pour leur pays.

 

''Il faut mettre à la disposition de Giresse toutes les conditions qu'il faut''

 

Giresse a été un grand joueur professionnel. Je l'ai vu évoluer. Il a fait un chemin en tant qu'entraîneur, il a une personnalité. Nous l'avons choisi, il ne faut plus regarder en arrière. Si on ne l'envahit pas, si on crée autour de lui un bon entourage, on fera un bon football. Le potentiel est là. Mettons à sa disposition toutes les conditions qu'il faut. Et laissons lui le temps de travailler, ne lui tirons pas tout de suite dessus. Au Sénégal, on ne sait jamais dire nous. Quand ça marche on dit que c'est moi. Quand ça ne marche pas, on dit que c'est l'autre.

 

Le foot sénégalais

 

Cette année au Sénégal, tout n'a pas été mauvais pour le football. On a un championnat qui s'est terminé. L'équipe nationale olympique a accédé aux quarts de finale des Jeux olympiques de Londres.

 

''Si le meeting ne se tient pas cette année, il risque d'être amené ailleurs''

 

L'année dernière, le meeting de Dakar ne s'était pas tenu pour un problème de date. J'ai toujours dit aux responsables de ce meeting de le caler en mars. L’Europe nous a imposé une saison qui commence fin mai et se termine en septembre. Notre meilleur climat, c'est en mars, avril. Si on le fait à cette période, on peut avoir les meilleurs athlètes. Il faut l'organiser à un moment où les athlètes sont libres. Les athlètes ne demandent qu'à venir à Dakar. En ce moment par exemple, c'est la saison en salle, d'ici mi-mars, ils seront disponibles et pourront honorer toute invitation. Si le meeting ne se tient pas cette année, il risque d'être amené ailleurs. Le meeting de Dakar ne m'apparient pas. Je n'ai même pas le temps d'aller aux 14 meetings du ''Diamond league''. Il appartient aux organisateurs de bâtir un meeting de haut niveau. Dans ce cas, on pourra même inviter de grands noms de l'athlétisme comme Usain Bolt.

 

Amener l'Asie dans le haut niveau international

 

L’Asie, qui compte 60% de la population mondiale, avec des pétrodollars, dépense sans compter ; mais ce sont les plus faibles. Ils (les Asiatiques) désirent organiser une Coupe du monde de football dans des stades climatisés, mais ils ne sont pas capables de produire de grands athlètes. D'ailleurs, je dois les rencontrer le 26 janvier à Delhi pour parler de cela. La solution, c'est d'introduire le ''king athlétism'' qui est adopté en Chine et en Corée du Sud. Il faut mettre l'athlétisme à l'école pour créer des talents. Ça ne marche pas quand on veut chercher l'oiseau rare ailleurs.

 

''Je ne jetterai pas de pierres aux dirigeants sénégalais''

 

Les dirigeants sénégalais font face à des difficultés et ils font ce qu'ils peuvent. Je sais qu'il y a parmi eux qui se démènent comme des diables. L'athlétisme n'est pas un sport privilégié. Je ne pense pas actuellement qu'il y a une fédération qui puisse dire qu'elle bénéficie d'une subvention de l’État. Quand j'étais ministre, chaque fédération bénéficiait d'une subvention. Maintenant, ça n'existe plus. À leur niveau, je leur dit qu'il faut des équipes dirigeantes. C'est ce qui est difficile à faire au Sénégal. Pour réussir à le faire, il faut se tenir un langage de vérité. Il faut donner son avis, si on est d'accord ou pas. Il ne faut attendre après pour dire : ''Je le savais.''

 

''Je voulais partir en 2012''

 

L'année dernière, j'avais émis le souhait de me retirer de la tête de la Fédération internationale d'athlétisme. J'ai voulu m'arrêter pour mettre noir sur blanc ma riche expérience dans le mouvement sportif, en particulier dans les différents secteurs d'activités dans lesquels je suis intervenu tout au long de ma vie. Cela ne s'est pas passé comme je le souhaitais. Mais je suis heureux de retrouver la famille de l'athlétisme.

 

''L'année 2012 a été exceptionnelle''

 

On a vécu, lors du JO de Londres, quelques faits marquants. Grâce à un programme de relance, dont j'ai fait la promotion depuis 2003 avec de bons entraîneurs, le javelot, qui était dominé par les pays scandinaves, a été remporté par la République de Trinité-et-Tobago grâce un Junior vainqueur à Barcelone qui est devenu champion olympique. Il y a eu également la finale du 400 mètres qui n'a enregistré aucun Américain. C'est une première dans l'histoire de l'athlétisme. Lors du gala des 100 ans de l'athlétisme, nous avons pu mettre à la même table le recordman du monde de 110 mètres haie à Londres en 1948 et le recordman mondial olympique en 2012. Ceci, nous l'avons fait dans presque toutes les épreuves. J'ai beaucoup vécu aussi bien en athlétisme qu'en football. Je vous souhaite une bonne année 2013. Je souhaite aussi beaucoup de succès au sport sénégalais''.

 

Louis Georges DIATTA

 

 

 

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