Publié le 13 Aug 2012 - 22:59
LAYLATOUL QADR- NUIT DU DESTIN

Dans l’antre des chiites

 

L’histoire des mariages temporaires avait placé la communauté chiite sénégalaise sous les feux de l’actualité, il y a quelques années. EnQuête vous la présente aujourd’hui sous de nouveaux habits. Reportage chez ces musulmans aux pratiques ''particulières'' le soir de laylatoul qadr.

 

 

19H 20 minutes à l’institut Mozdahir du Point E. Les chiites de Dakar s'y réunissent en ce jeudi 9 août pour célébrer la nuit de laylatoul qadr (nuit du destin). Pas de grands rassemblements dehors, ni de récitals de Coran ou autres zikrs pouvant laisser présager une cérémonie. Dans la grande bâtisse peinte en blanc et abritant l’institut, deux hommes sont assis au fond. Juste devant, la porte qui mène à une grande salle accueillant la cérémonie du jour. Des femmes voilées dont des jeunes filles et des adolescentes sont assises sur le côté droit. Faisant face aux hommes majoritairement composés de jeunes. Tous écoutent religieusement le sermon d’ouztaz Alioune Badiane, celui-là rendu célèbre par l’apologie du mariage temporaire. Seuls des cris d’enfants viennent perturber par moment le silence. Ou encore cette invocation lancée de temps à autre par un homme : ''Sali ala Seydina Mouhamad''. À laquelle l’assistance répond : ''Allahouma Salli ala Seydina Mouhammad wa Ali Mouhammad''. Cette prière est la seule qui vaille aux yeux des chiites, car estime le coordonnateur de l’activité du jour, Taha Ahmadou Sougou, ''c’est le Coran qui demande de prier sur le Prophète. C’est la meilleure prière. C’est un signe d’obéissance absolue''.

 

La rupture du jeûne, c'est 15 mn après l'appel à la prière des mosquées

 

On est à une quinzaine de minutes de l’heure habituelle de la rupture du jeûne. Cependant, rien ne montre que c’est pour bientôt. Badiane, comme l’appellent ses condisciples, ne donnent pas l’impression de vouloir terminer son histoire sur la célébration de la nuit du destin. 19h 53 minutes, deux jeunes hommes entrent dans la salle avec des barquettes de dattes entre les mains. Ouf, ce n’est pas trop tôt ! Les premiers servis gardent quand même leurs dattes entre leurs mains. La journée de jeûne n’est pas encore à son terme. C’est à 19h 57 minutes que le sermon prend fin et qu’on annonce la rupture. ''Les Sénégalais rompent le jeûne plus tôt. Mais c’est cette heure qui est la bonne. Dieu a été très clair. On fait le carême jusqu'à la nuit'', explique Oustaz Badiane. Un espace est aménagé dans la cour intérieure, avec le nécessaire pour les femmes. Et les hommes sont reçus dans l'arrière-cour.

 

''On ne prie pas pour la pierre, mais sur la pierre''

 

Contrairement à ce qui se fait habituellement dans les mosquées sénégalaises, ces musulmans mangent d’abord. La prière vient ensuite. Soit près de 15 minutes après. Chacun va chercher une pierre ou un morceau de bois taillé, dans une caisse placée à l’un des angles de la salle. Ils les posent ensuite devant eux pour faire leurs prières. Un culte bien chiite. Que nenni. ''C’est ça la sunna. La prosternation ne doit s’effectuer, quand on prie, que sur la terre ou ses dérivés. C’est avec la modernité que les tapis sont arrivés'', répond Taha Sougou. D'ailleurs, cette façon de faire avait fait naître une polémique laissant croire que les chiites prient pour la pierre. M. Sougou précise : ''On ne prie pas pour la pierre, mais sur la pierre''.

C’est ainsi parti pour une série de prières. Lesquelles seraient recommandées cette nuit. Ensuite, leur succède une série d'invocations aux douze imams du prophète Mohamed. Arrivés à l'invocation du dernier imam, Al Mahdiyou qui, selon eux, vit encore, les chiites jusque-là assis, se lèvent. ''On s’est levés pour lui marquer notre allégeance, car il vit toujours parmi nous'', explique Taha Ahmadou Sougou. Ils sont assis avec un exemplaire du Coran sur la tête. Là aussi, l’imam du jour explique en ces termes : ''L’être humain va vers Allah pour demander sa grâce. Il faut qu’il y aille avec un cœur purifié, sans péché''. Il ajoute : ''Ce sont nos péchés qui nous empêchent d’avoir accès intégralement à Allah''. Ainsi, ''c’est une forme d’allégeance que nous faisons avec le Coran. Une manière de marquer notre acceptation aux enseignements du Coran''. Non sans préciser que ''ce n’est pas (leur) propre initiative. Ce sont les douze imams qui (leur) ont enseigné cela''.

 

Toutefois, chez les chiites, on ne passe pas toute la nuit à célébrer le destin. 23h marque la fin de la séance. Par souci de convenance des uns et des autres, le Chérif Mouhammad Aly Aïdara a donné l'ordre de commencer tôt et de terminer tôt aussi. Afin de permettre à tous les disciples de bénéficier des bienfaits de cette nuit, avec les prières formulées par les initiés.

 

BIGUE BOB

 

 

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