‘’Je sens une folie collective’’
Ayant pris part au lancement, hier à Amnesty international/Sénégal, du collectif ‘’Aar xaleyi’’, initié par la journaliste Fatou Thiam de Rewmi Fm, le Pr Amasatou Sow Sidibé a pointé du doigt une société en décadence, déséquilibrée. Le leader du mouvement Caar Leneen établit une échelle des responsabilités chapeautée par l’Etat.
Dans le concert d’indignation et de condamnation que le meurtre du petit Serigne Fallou Diop continue de susciter, des citoyens de tout bord se sont réunis, hier, de manière spontanée, au siège d’Amnesty international/Sénégal, pour lancer le collectif ‘’Aar Xaleyi’’. Présente, Pr Amsatou Sow Sidibé considère que l’enlèvement et le meurtre des enfants sont une question de fond et grave. Elle pointe du doigt une société déséquilibrée et en décadence, à la suite d’une ‘’conspiration du silence’’ et de non-assistance de personnes en danger. Face à ce qui se passe, elle situe la responsabilité à trois niveaux : l’Etat, les familles et les autorités religieuses et coutumières.
Sur la responsabilité de l’Etat, l’ancienne Conseillère du président de la République rappelle que le Sénégal a souscrit à différentes conventions internationales et régionales, lesquelles affirment, sans ambages, qu’il appartient à l’Etat d’assurer la protection des personnes et de leurs biens. Sous ce rapport, elle interpelle les ministères de l’Intérieur et de la Justice. ‘’Le ministère de l’Intérieur, garant de notre sécurité, est tenu de nous assurer la sécurité. Les capacités des agents de sécurité de proximité ne sont pas renforcées. Il y a des milliers de ces agents dont le rôle se limite pratiquement à garder des bureaux dans les ministères. Il faudrait renforcer leurs capacités et les mettre dans le circuit de la protection civile. Le ministre de l’Intérieur ne se concentre pas sur sa mission régalienne. Il préfère se distraire, faire de la politique politicienne pour chercher à réélire son patron. C’est un problème’’, accuse Mme Sidibé.
Concernant le ministère de la Justice, elle pense qu’il est extrêmement important que des mesures fortes soient prises. ‘’Il est temps d’une réforme qui fasse de la violence à l’égard des enfants une infraction aggravée. Il faudrait que les peines soient plus sévères quand les victimes sont des enfants. A notre avis, il nous faut des dispositions spécifiques, comme on l’avait fait pour les femmes’’, suggère-t-elle. Si les départements de la Justice et de l’Intérieur ne jouent pas leur rôle, fait-elle remarquer, le risque est grand de voir la justice privée prendre de la place. Autrement dit, la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent.
‘’Que ceux qui disent ou pensent que, pour se faire élire…’’
Après l’Etat, la famille est le segment social pointé du doigt par l’ancienne conseillère du président de la République. ‘’Nous n’avons plus le temps de nous occuper de nos enfants. Ils sont dans la rue, même s’ils ne mendient pas. Mais la rue n’est pas un endroit pour garder les enfants. Ils doivent être gardés à l’école ou dans les maisons. On oublie que l’enfant, dans nos traditions, est un roi, en tant que don de Dieu. La maltraitance des enfants ne vient pas que de l’extérieur. A l’intérieur même des familles, les enfants sont malmenés, maltraités’’, fait-elle remarquer.
En dernier lieu, elle interpelle les autorités religieuses et coutumières car, ‘’cette situation latente de maltraitance des enfants était là avec le phénomène des enfants mendiants. Pourquoi nos enfants seraient-ils dehors à 1h du matin ? Il appartient aux autorités religieuses et coutumières de mettre fin à ce phénomène’’, déclare-t-elle. Pour ce faire, le Pr Amsatou Sow Sidibé invite les autorités religieuses à parler aux charlatans. ‘’Que ceux qui disent ou pensent que, pour se faire élire, il faut tuer un enfant, prendre sa langue ou son cœur, ces gens-là doivent être punis par le droit pénal et punis par les populations qui doivent dire non à ces types de personnes. Les autorités religieuses doivent prendre toute leur responsabilité pour dire que nos religions n’enseignent nulle part qu’on prenne le sang d’un individu pour réussir une mission politique’’, conclut-elle.
MAMADOU YAYA BALDE