Le Sénégal démarre l’autotest salivaire
Toute personne qui veut connaitre son statut sérologique peut le faire à travers un autotest du Vih. Mais seul l’autotest salivaire est actuellement autorisé par l’Organisation mondiale de la santé pour mieux lutter contre cette pandémie au Sénégal, au Mali et en Côte d’Ivoire, avec un budget de 15 millions de dollars.
Il n’est plus nécessaire de se rendre dans une structure de santé ou un centre pour faire un dépistage du Vih/sida. Tout peut se faire sur place. Chaque individu, au Sénégal, peut connaitre son statut, en faisant l’autotest Vih. Un autotest salivaire est autorisé maintenant au Sénégal. L’annonce a été faite, hier, lors du démarrage des 2es Journées scientifiques du sida au Sénégal par les autorités.
Selon la responsable du projet Atlas au Sénégal, Docteur Diallo Sanata, jusqu’ici, pour connaitre son statut dans la lutte contre le sida, on était obligé de passer par quelqu’un qui prélevait le sang et donnait le résultat. Avec l’autotest, a dit Dr Diallo, ils veulent apporter aux populations qui n’ont pas le courage de sortir pour se dépister, cet outil. ‘’C’est comme un test de grossesse ; la personne peut faire elle-même son test et lire, au bout de 20 minutes, le résultat. C’est une vraie innovation. La personne n’est pas obligée de passer par quelqu’un d’autre pour se faire dépister’’, a expliqué le Dr Diallo.
A l’en croire, le projet est à la phase préliminaire. Ils sont en train de travailler sur l’environnement, sur les enregistrements pour pouvoir faire entrer le test dans le pays et sur toute la réflexion avec le pays sur comment ils vont faire. ‘’On commence à distribuer réellement les autotests à partir de mars 2019. L’objectif est de distribuer pour le Sénégal environ 70 mille tests. Nous allons travailler avec Enda-Santé. Nous allons construire ces projets sur les leçons apprises, pour ne pas commettre des erreurs. Il y a les populations clés de première ligne et celles de deuxième ligne. La deuxième ligne, ce sont les personnes qui ne se reconnaissent pas comme populations clés. Donc, nous passons par celles qui se reconnaissent comme populations clés pour atteindre les autres qui sont cachées’’, a-t-elle soutenu.
Actuellement, ils ont commencé avec le test salivaire. Dans la procédure, a dit le docteur Sanata Diallo, la pratique est très simple : c’est avec une spatule qu’on fait tourner dans la bouche et après on l’introduit dans un liquide de réactifs. ‘’Il y aura des méthodes de communication pour expliquer quel que soit le niveau. Nous allons mettre l’accent sur tout ce qui est audio et vidéo pour montrer la démonstration. Il y a une vidéo qui est en train d’être traduite en wolof pour que les populations sénégalaises puissent s’approprier’’, a souligné le médecin. Les pairs éducateurs seront également formés pour pouvoir, dans le cadre de la supervision, faire le ‘’counciling’’. Mais avant de pratiquer le test pour ceux qui ont peur, il y aura un counciling post-test. Maintenant, si le test est réactif, il faut aller dans un centre de santé pour faire la confirmation. ‘’Le plus important est que les gens qui sont infectés le sachent. La matière qu’ils vont utiliser pour se prendre en charge, on ne la maitrise pas pour tout le monde. Le budget pour les trois pays y compris la recherche, c’est 15 millions de dollars’’.
‘’Avec ce test, on peut atteindre le premier 90’’
Ce test intervient dans un contexte où, au Sénégal, plus d’un quart de personnes vivant avec le Vih ignorent leur statut sérologique. C’est pourquoi, a dit le médecin, il est indispensable de diversifier l’offre de dépistage pour atteindre les 90-90-90 de l’Onusida (90 % des personnes séropositives connaissent leur statut, 90 % des personnes dépistées positives au Vih ont accès aux traitements, 90 % des personnes sous traitements ont une charge virale indétectable d’ici à 2020). ‘’Avec ce test, on peut atteindre le premier 90. On a espoir, mais ce n’est pas une seule personne qui va y arriver. Il faut qu’ensemble on s’adapte aux réalités du pays. Il y a beaucoup d’obstacles à lever, la stigmatisation, la discrimination. Nous devons réfléchir sur comment y arriver, parce que c’est un facteur important. On commence par le test salivaire, parce qu’il est le seul recommandé par l’Oms aujourd’hui. Nous suivons les règles internationales de l’Oms’’.
Ce projet Atlas, a dit le docteur Sanata Diallo, va être intégré dans les systèmes de soins du pays. Il intervient dans trois pays : le Sénégal, le Mali et la Côte d’Ivoire. ‘’Au départ, pour le projet, on avait proposé une dizaine de pays. Mais c’est le bailleur de fonds avec un budget, ils ont restreint jusqu’à trois pays et le Sénégal a été choisi’’, a expliqué le Dr Diallo. Au Sénégal, les régions de Thiès, Dakar et Ziguinchor sont ciblées pour ce projet pour une durée de trois ans. Ces zones ont été choisies à cause de la forte concentration des populations clés.
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PROJET PILOTE
Dakar et Ziguinchor testées
Les régions de Dakar et Ziguinchor ont été choisies pour tester l’introduction et l’acceptabilité de l’autotest auprès des populations. Mais le principal défi, selon les acteurs de la lutte, réside dans le dépistage des mineurs.
VIVIANE DIATTA
Pour une meilleure mise en œuvre du projet Atlas, une phase pilote a été démarrée depuis un an dans les régions de Dakar et de Ziguinchor. Selon le directeur exécutif d’Enda-Santé, Daouda Diouf, c’est un projet pilote qui test l’introduction et l’acceptabilité des autotests auprès des populations.
‘’Depuis que nous l’avons commencé, nous avons un important résultat avec un taux d’acceptabilité de 93 % et plus de 1 700 personnes ont été dépistées ; 75 ont été positives et mises sous traitement, et 89 % parmi elles sont favorables à ce qu’on distribue le test à leurs partenaires. Ici, nous cherchons à résoudre un problème que nous avons dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, le Sénégal y compris, qui est l’atteinte du premier 90’’, a expliqué M. Diouf.
Pour le directeur exécutif d’Enda-Santé, le test ne doit pas être isolé. ‘’Beaucoup pensent que parce que le test se fait par la personne concernée et que c’est dans la bouche que c’est anodin. Mais cela reste toujours un test de dépistage du Vih. Seulement, lorsque les personnes sont dépistées et que c’est positif, il faut que cela soit confirmé au niveau des laboratoires’’, a-t-il précisé.
En effet, une fois que la confirmation est faite et que la personne est positive, il faut la mettre sous traitement. Mais cela ne suffit pas, a dit M. Diouf, il faut assurer le suivi pour une prise régulière du traitement et éliminer la charge virale. Ceci va réduire la chaine de transmission et permettre à la personne de vivre comme une personne non-infectée. Par rapport à la prise en charge, les traitements sont disponibles au Sénégal et sont gratuits. ‘’Ce qu’il y a, c’est que s’il y a des personnes qui sont dépistées positives et ne reviennent pas pour le traitement, cela pose problème. A ce niveau, les prises en charge communautaires sont importantes pour persuader de faire le suivi’’. Selon lui, la recherche des perdus de vue est l’affaire des Ong et des agents communautaires. Le système de santé ne peut pas le faire. Dans le cadre de cette recherche, dit-il, les structures sont souvent confrontées à des problèmes d’ordre économique et de la stigmatisation. ‘’Tous ces obstacles sont à résoudre pour permettre aux populations de se déplacer régulièrement’’.
‘’Les barrières judiciaires ne permettent pas de dépister les mineurs’’
De l’avis de M. Diouf, il y a de nouveaux défis à relever. Il s’agit des jeunes. Depuis un certain temps, souligne-t-il, ils ont un peu ralenti la communication et il faudra recommencer pour atteindre beaucoup plus de jeunes. ‘’Il y a une catégorie de la population que sont les adolescents jeunes qu’il faut atteindre, d’autant qu’il y a les nouveaux canaux de communication comme les réseaux sociaux. Etre mineur n’exempte pas du Vih/sida et nous avons des barrières juridiques qui ne permettent pas de dépister les mineurs. Il faut qu’on réfléchisse au Sénégal. En Côte d’Ivoire, ils ont baissé l’âge même de l’autotest à 16 ans’’, a-t-il plaidé. Toutefois, il a soutenu que cela doit être encadré. Car, pour lui, toucher les jeunes, c’est les préserver. ‘’Il faut qu’on s’entende, parce qu’on a une fenêtre pour éradiquer le sida, si on touche la cible jeune’’.
A en croire Daouda Diouf, l’autotest du Vih permet à chacun de connaitre son statut discrètement quand on le décide. Il offre la possibilité, s’il est négatif, d’accéder à la prévention et s’il est positif, d’accéder à un traitement précoce garant du meilleur pronostic vital. ‘’Il permet de démédicaliser le dépistage et donc d’accéder à un plus grand nombre de personnes’’.
VIVIANE DIATTA