Chronique d'une journée historique
Entre joie et tristesse, larmes et peine, hier Demba Diop a connu tous les sentiments, pendant le combat Yékini-Balla Gaye 2 qui a vu la victoire du Lion de Guédiawaye.
Les hurlements ont retenti en même temps chez les ''cumikaay'' des deux lutteurs Yékini et Balla Gaye 2. Malick Niang, Yékini Jr, Brise de Mer crient leur détresse ; à côté, Elton, Less 2, Mouma (oui, oui !) crient et courent dans tous les sens. À chaudes larmes, Balla Gaye 2 se jette dans les bras de son père au moment où Yékini est soutenu par ceux de Katy Diop, son entraîneur, et Mansour Sakho, son préparateur mystique. L'ambiance est funèbre du côté du désormais ex-roi. Ce sont les pleurs et les sanglots de ses poulains qui l’accueillent. Triste, il entre sans un mot dans sa voiture teintée. La défaite, qui n'avait jamais frappé l'enfant de Bassoul, est un coup de poignard pour ses supporters.
Émoi dans le camp de Yékini
Un jeune supporter, tee-shirt à l’effigie de son idole battue et détrônée, se jette sous les roues de la voiture : ''Bayyi leen ma, ma dee'' (NDLR : Laissez-moi mourir), crie-t-il au sol, le pantalon enlevé et la tête rempli de sable. À peine dégagé de la route, un autre supporter en chemise noire se jette sur la voiture, et en extirpe le chauffeur. En pleurs, la trentaine, ce fanatique, le doigt pointé vers son lutteur : ''Yaay sama champion, Yaay sama ''roi'' des arènes ba leegi'' (Vous êtes toujours mon champion et mon ''roi'' des arènes''. Calme, le sourire jaune, Yékini, torse nu, parle avec ce dernier et à ses accompagnateurs. Malick Niang, qui a retrouvé son calme, va écarter ce dernier de la voiture qui accélère ensuite et prend la porte de sortie, laissant derrière lui cris de détresse. Du côté de son bourreau et nouveau ''roi' des arènes, on est en transe. On danse, on crie, on s'embrasse et se jette par terre aussi. Un de ses marabouts à la barbe de ''taliban'' peut parler maintenant : ''Personne ne peut rien, seul Dieu est l'Omnipotent. Il nous a défiés, et on lui a montré notre force''.
Une bataille mystique dans une folle ambiance
Arrivé bien avant son heure convenue, le fils de Double Less est sorti de sa victoire à 16h00, après que son préparateur mystique, Thierno Guèye et son inoxydable marabout, Ninki Nanka, ont fini leur travail. Linceul en main pour Thierno et feuille blanche avec des écritures noires pour Ninki Nanka, les deux hommes font le signe de la victoire aux supporters du Lion de Guédiawaye. À Demba Diop, après 30mn, Yékini sort sous une ombrelle blanche noircie d'écritures en arabe. En chœur avec ses supporters, lors de son bakk, Balla Gaye 2 chante : ''Casamance moo gënë neex Bassoul'' (Il fait mieux vivre en Casamance qu'à Bassoul). Contrairement à son adversaire, moins fringant dans son bakk, Yékini n'en fera pas. Les deux lutteurs installés, la guerre mystique peut démarrer. Balla Gaye 2 qui n'a pas lésiné sur les moyens est arrivé avec 6 sacs de riz, plus d'une dizaine de sachets et un bac à poubelle gris au moment où Yékini se la joue sobre avec un sac de voyage noir et 5 sachets remplis de bouteilles mystiques. Dans son style toujours provocateur et sûr de lui, le frère de Sa Thiès ne cesse d'aller à la rencontre de son adversaire et de le menacer : ''Damalay japp, daan, gnibi'' (Ndrl: Je vais t'attraper, te terrasser et rentrer''. L'adrénaline est à son comble dans les tribunes de Demba Diop qui a refusé du monde. 18H15mn, les combats préliminaires finis, le stress et l’inquiétude commencent à gagner les supporters des deux camps qui baissent le ton de leurs voix. Balla Gaye 2, au centre de l'arène et toujours sûr de lui, fait signe qu'il est l'heure. Un geste qui réveille ses fans. Robert Diouf s'approche de Yékini pour les derniers conseils, ce dernier, un genou gauche au sol l'écoute religieusement et idem quand son coach, Katy Diop vient lui parler avant le combat. 18H58mn, Demba Diop retient son souffle, l'oncle de Balla Gaye 2, Vieux Sakho est en sanglots. L'arbitre siffle le coup d'envoi. Deux minutes plus tard, explosion de la clameur : Balla Gaye 2, vient de mettre fin à 15 ans d'invincibilité. Demba Diop aura vécu cette secousse historique du 22 avril.
MAMADOU LAMINE SANÉ