Publié le 21 Nov 2015 - 12:22
MENACES, ATTAQUES, REMONTRANCES… DE MACKY

Le discours martial du général Macky

 

La dernière sortie du Président Macky Sall menaçant les opposants sur la question du terrorisme est loin d’être une première. Depuis son accession à la magistrature suprême, le chef de l’Etat ne cesse de multiplier les discours musclés à l’encontre de ses adversaires politiques. Mais ils ne sont pas les seuls. Syndicats d’enseignants, responsables d’entreprises, collaborateurs anciens ou actuels en ont tous fait les frais. C’est presque le retour de Macky ‘’Niangal’’ Sall, avec un ton guerrier.

 

Du temps où il était premier ministre, Macky Sall avait le visage toujours fermé de telle sorte qu’il avait fini par se voir affabuler du surnom de ‘’Niangal’’. Devenu candidat à la présidentielle surtout entre les deux tours, il a soigné son image pour donner l’impression d’être moins sévère. Mais depuis qu’il est devenu président de la République, il adopte souvent un discours musclé. La tonalité de ses interventions trahit la nature de l’homme. Ce qui est lu sur son visage est confirmé par ses propos. Il a le discours musclé.

Alors que ses propos sur le port de la burqa résonnent encore dans les oreilles de ses concitoyens, Macky Sall s’est signalé encore par des propos belliqueux à l’encontre des responsables de son parti. A l’occasion  du secrétariat exécutif de l’Apr tenu avant-hier, le numéro un des républicains a exprimé son exaspération. ‘’Ces attaques entre responsables par presse interposée doivent cesser’’, ordonne-t-il, rappelant au passage que la priorité est à la recherche de solutions aux problèmes des Sénégalais.

Si certaines sorties sont réservées à de simples citoyens et à des hommes à la tête de sa formation, ce sont surtout les opposants politiques qui sont les ‘’mieux servis’’ dans ce type de discours. Macky Sall a profité du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique pour s’exprimer pour la première fois sur l’arrestation des imams. Une sortie qui va surtout dans le sens d’une mise en garde adressée à l’opposition. ‘’Nous venons d’arrêter des imams au Sénégal. J’ai entendu des hommes politiques essayer de faire le lien ; je les invite à faire très attention. La lutte contre le terrorisme ne saura tolérer ce genre d’écarts parce qu’il s’agit de la sécurité nationale, de la sécurité des personnes et des biens. Nous ne saurions, pour des raisons politiciennes, tolérer un certain type de discours et cela tout le monde doit le comprendre’’, avertit Macky Sall.

Un discours qui n’est pas le premier du genre. En août 2014, lorsque l’étudiant Bassirou Faye a reçu une balle fatale de la police lors d’une manifestation, le Président était hors du pays. Une fois de retour au bercail, il n’avait pas attendu d’être au Palais pour s’exprimer. C’est plutôt à la descente de l’avion à l’aéroport de Dakar qu’il va s’adresser à la nation, avec une mention spéciale destinée à l’opposition. ‘’Au moment où il faut appeler à la sérénité, au dépassement et au dialogue, voici que des personnes pensent pouvoir allumer le feu à l’Ucad pour atteindre le pays. Ils pensent pouvoir envoyer les enfants d’autrui au devant des affrontements. Qu’ils soient tués ou blessés pour qu’ils en tirent profit. Ils en porteront la responsabilité. Force restera à la loi’’, a-t-il prévenu.

Pour ne laisser place à aucune ambigüité sur sa détermination, Macky Sall se fera encore plus précis dans la version wolof de la conférence de presse. ‘’Je vous le dis ici, il n’y aura pas de désordre. C’est moi qui vous le dis. Et on verra. Tout est devant nous’’, renchérit-il, tout en précisant  qu’un seul président a été élu le 25 mars 2012 et non deux présidents. Des propos qui s’adressaient de manière à peine voilée à son prédécesseur Abdoulaye Wade.

Et ce n’est pas la dernière fois que le ‘’fils adoptif’’ s’adressait ainsi à son ‘’père politique’’ devenu son plus farouche adversaire. A l’occasion de l’organisation du sommet de la francophonie à Dakar en novembre 2014, la partie de l’opposition réunie autour du Front patriotique pour la défense de la République (FPDR) avait promis de tenir une manifestation avec ou sans autorisation de l’autorité. Laquelle décision faisant suite à différentes autres initiatives du FPDR avait fini par irriter le chef de l’exécutif, dans un contexte où Abdoulaye Wade avait décidé de réserver une suite défavorable à l’invitation qui lui avait étéw faite de participer au sommet en sa qualité d’ancien Président.

‘’Cette personne n’a qu’à essayer si…’’

De Rome où il se trouvait face aux militants de son parti, Macky Sall, sans le nommer, lance un défi à son ex-mentor. "Personne n'est au-dessus de la loi. Celui qui pense qu'il s'agit de paroles en l'air n'a qu'à essayer. Je suis intransigeant sur ce point. Le Sénégal est une démocratie qui respecte les libertés publiques et individuelles mais, il y a certains actes que je ne saurais tolérer. On n’acceptera jamais qu’une personne, quelle qu’elle soit, se place au-dessus des lois. Cette personne n’a qu’à essayer si elle pense qu’il s’agit de paroles en l’air’’. Faisant encore recours au wolof, il termine ainsi : ku yaakaar ne damay waxantu, essayel xool  (qui croit que je fais du baratin n'a qu'à essayer)’’.

Bien que les opposants en prennent pour leur grade, ils sont loin de détenir l’exclusivité. Ces genres de propos sont comme des remontrances que le Président distribue à ses concitoyens qui se seraient mal comportés. C’est ainsi qu’à la suite d’une longue grève qui a tenu le pays en haleine, les enseignants en ont eux aussi pris pour leur grade. A l’occasion d’une rencontre qu’il a eue avec les syndicalistes, il leur a montré qu’ils commençaient à l’agacer par leurs revendications. ‘’Vous n’êtes pas les seuls dans ce pays. Il n’y a pas que des salariés. Vous êtes une minorité, secteur public et privé confondus. Et vous voulez prendre le pays en otage ? Pourquoi et au nom de quoi ? Parce que vous êtes syndiqués et vous êtes intellectuels, je dis non !” tranche-t-il.

Si ce type de discours se limitait à ceux qui sont en face du Président, on en déduirait que c’est l’effet de l’adversité. Mais ses partisans aussi en font les frais, peu importe qu’ils restent avec lui ou qu’ils décident de le quitter. Pour le dernier exemple, prenons le cas Moubarack Lo. Cet ex-directeur de cabinet adjoint a démissionné en novembre 2013 au moment où le chef de l’Etat était en déplacement au Koweit. Sans attendre son retour, Macky Sall réagit avec une rare violence dans ses propos. ‘’On ne peut pas travailler pour les Sénégalais en se croyant supérieur, directement issu de la cuisse de Jupiter. C’est inadmissible de voir les gens manquer autant d’humilité, alors qu’ils prétendent servir les Sénégalais’’, peste-t-il.

Visiblement décider à vider son sac, il continue à se défausser sur l’économiste en des termes qui trahissent la difficulté des rapports entre les deux hommes. ‘’Je travaillerai avec ceux qui pensent au Sénégal avant de penser à eux-mêmes. La première règle à s'appliquer quand on veut travailler avec moi, c’est l’humilité. Ceux qui sont prétentieux, hautains, qui regardent les autres avec condescendance, ne pourront pas rester longtemps avec moi. Ceux qui ne peuvent pas se soumettre à cette règle minimale d’ouverture et d’humilité (…) peuvent s'en aller.’’

 ‘’La météo, le brouillard, c'est trop facile’’

Le week-end du vendredi 29 au samedi 30 mai 2015 a été marqué par une coupure d’électricité exceptionnelle. En l’espace de 48 heures, tout Dakar et une bonne partie de l’intérieur du pays ont été privés de courant. La SENELEC a alors sorti un communiqué pour indexer l’humidité. Un argument pas convaincant aux yeux du chef de l’Etat.

''La météo, le brouillard, oui mais c'est trop facile ! (…) Ce sont des explications qui ne rentrent pas dans la tête. Il faut que des mesures fermes soient prises pour que cela ne se reproduise plus. (…) On ne peut pas continuer à dépendre du bon vouloir du fonctionnement des centrales et je pense que les contrats de performance doivent mettre l'accent sur la qualité du service public. (…) Je serai extrêmement intransigeant sur cette question parce que je ne crois pas au fatalisme. Si nous voulons atteindre l'émergence il faut que les gens soient rigoureux.''

La SDE avait failli dans la fourniture d’eau. Et a elle aussi reçu sa ‘’facture’’ très salée du reste. ‘’Il faut que la SONES et la SDE prennent leurs responsabilités pour avoir une autonomie énergétique parce qu'on ne peut pas assurer l'approvisionnement en eau du pays et dépendre d'une autre société''. Les exemples peuvent être multipliés. La SN-HLM, la SICAP, Ben Laden Group, et d’autres encore ont aussi subi ces coups de colère. Même les partenaires internationaux sont ouvertement critiqués pour leurs procédures différentes et compliquées qui valent chacune une thèse, selon le Président.

Au regard de ce qui précède, Mamadou Diop Decroix a peut-être raison d’affirmer qu’il a constaté que depuis que Macky est au pouvoir, ‘’son discours en direction de l’opposition n’a jamais été autre chose qu’un discours de menace et de mise en garde’’. Mais  il faut toutefois reconnaître que ces genres de propos ne sont pas réservés à une seule  catégorie. Il suffit juste de susciter la  colère du président, pour être servi. 

BABACAR WILLANE

 

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