Publié le 5 Jul 2016 - 13:44
MOTS CHOISIS

L’immeuble Yacoubian d’Alaa El Aswany _ Editions : Actes Sud

 

Au travers d’un saisissant récit de 325 pages, harmonieusement articulé et dans un style chaloupé, Alaa El Aswany nous plonge au cœur du Moyen-Orient et plus spécialement au cœur de l’Egypte avec, comme lieu de théâtre des opérations, un immeuble dénommé  l’Immeuble Yacoubian, l’un des plus beaux bâtiments de la rue Soliman Pacha au Caire, construit dans les années 1930.

De cet immeuble, il nous invite à vivre le quotidien des hommes et des femmes y demeurant, le tout décrit avec tendresse et nous restituant avec force les aspirations et les drames qui s’y mêlent. Ce lieu qui fut autrefois résidence de luxe est aujourd'hui habité par une population diverse suite aux bouleversements intervenus dans ce pays. Il est le vestige des années fastes de l’Egypte.

Du rez-de-chaussée à la terrasse, une vie trépidante avec les commerces de tous genres, ce qui fait de cet endroit un melting-pot extraordinaire. Toutes les classes s’y mêlent. Cet immeuble est un échantillon représentatif de l’Egypte en cette fin du vingtième siècle et, est compartimenté à l’image de la société égyptienne, les « nobles » occupant la bâtisse et les moins fortunés squattant la terrasse.   Tout y est avec des personnages forts tels Taha le fils du concierge qui, en désespoir de cause d’un  rêve non réalisé, celui  d’embrasser une carrière de policier, épouse la révolte et s’engagera dans le djihad.

La belle Boussaïna qui, malgré ses vertus, subira les assauts de son patron le distingué aristocrate lettré, amoureux des femmes et de la France, Zaki Dessouki qui promène le lecteur dans l’Egypte d’hier en le comparant à celui d’aujourd’hui et qui explique pourquoi, malgré les dérives du régime militaire, la pression des islamistes, le harcèlement sur les minorités et la misère qui s’abat sur son pays, il préfère rester sur sa terre natale…

Aussi, comment ne pas être marqué par ce personnage d’Abdou qui, dans une relation intéressée, tomba dans les mailles de l’homosexuel Hatem Rachid, célèbre journaliste  qui finit sa vie tragiquement…. alors que Azzam, affairiste louche, vieillard libidineux, fait le malheur de sa deuxième épouse malgré sa dévotion….. Une mention spéciale pour le même Zaki le noceur qui, sur l’autre versant de sa vie, décide de sauver l’honneur de la jeune Boussaïna devenue sa maîtresse, le tout sur un air d’Edith Piaf, « La vie en rose », morceau dédié à eux le jour de leur mariage avec ce célèbre refrain :

« Lorsqu’il me prend dans ses bras,

Qu’il me parle tout bas,

Je vois la vie en rose,

Il me dit des mots d’amour,

Des mots de tous les jours,

Et ça me fait quelque chose… »

Ici, des destins se nouent et se dénouent, des chemins se croisent et se décroisent au gré des intérêts, des calculs et des ambitions….De même, toutes les déviations humaines s’offrent à nous dans cet immeuble où malgré les apparences de luxe, la promiscuité règne.

Alaa El Aznawi touche ici le problème de fond d’un pays musulman, balancé entre des valeurs contraires. « L’Immeuble Yacoubian » nous renvoie à une  nostalgie du passé et met en exergue les intolérances de tout bord, la corruption, la violence et le fanatisme religieux de cette Egypte de la fin du vingtième siècle.

Le réalisme du roman est plus que frappant et épouse merveilleusement l’actualité de nos jours avec toutes ces déchirures qui désagrègent l’Egypte.

Ce roman, publié en 2002, est un chef-d’œuvre, un véritable succès traduit dans plus de vingt langues et adapté au cinéma en 2006 par le cinéaste égyptien Marwan Hamed. A LIRE ABSOLUMENT !!!!

Alaa El Asnawy, dentiste de profession, est le digne héritier de Naguib Mahfouz, prix Nobel de Littérature 1988 qui s'était fait le chroniqueur de la vie du peuple égyptien. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont « Chicago », « Chronique de la vie Egyptienne »…. et dernièrement, « Automobile Club » publié en 2013.

Ameth GUISSE

 

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