La rançon de la négligence
Deux drames concernant des nourrissons ont heurté les cœurs, cette année 2021. Les premiers ont trouvé la mort à l’hôpital de Louga ; un autre est décédé à la clinique des Madeleines. Ils ont en commun d’avoir trouvé la mort dans des circonstances horribles. Dans les deux cas, les enquêtes ont conclu à des négligences coupables.
Le samedi 24 avril 2021, le Sénégal a eu un réveil brutal, avec la mort de quatre nourrissions à l’hôpital Maguette Lô de Linguère. Le service néonatologie fut le théâtre de ce cauchemar. Les quatre nourrissons périrent dans les flammes d’un incendie qui s’est déclenché, en l’absence des surveillants. Deux autres bébés finirent en urgence. Le ministre de la Santé et de l’Action sociale se rendit sur les lieux, pour constater les dégâts et apporter son soutien aux familles. Le dimanche 26 avril, les corps sans vie des nourrissons furent remis aux familles. Les deux bébés en soins purent être sauvés.
Mais ce drame ne fut pas sans conséquence. Le directeur de l’hôpital jeta l’éponge, alors qu’une enquête était ouverte par les autorités pour situer les responsabilités. Le docteur Abou Sarr choisit, par cet acte, de faciliter le travail des enquêteurs. Il disait aussi vouloir mettre à l’aise les autorités, sa famille et le personnel de cet établissement. ‘’Dans un élan républicain, nous vous présentons notre démission aux fonctions de directeur de l’EPS de Linguère, à compter de ce jour 27 avril 2021’’, écrivit le Dr Sarr dans sa lettre de démission adressée au chef de l’Etat.
Cette démission intervint au moment où les familles des victimes et les réseaux sociaux réclamaient sa tête. SOS Consommateurs de Me Massokhna Kane et Cie déplorèrent des négligences. Mais le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, déclara, le lendemain de la démission du docteur Abdou Sarr, que ce dernier a été limogé. ‘’Le Dr Sarr a été licencié. Le premier rapport nous a permis de noter une négligence. C’est pour cela que nous avons, tout de suite, relevé le directeur de l’hôpital. Toutes les autres personnes concernées sont mises à la disposition de l’enquête’’, annonçait le ministre de la Santé et de l’Action sociale, lors d’une rencontre sur le Rapport annuel conjoint du PNDSS (Plan national de développement sanitaire et social).
Sanctions pour homicide et blessures involontaires
Le procureur du tribunal de grande instance de Louga se saisit directement du dossier et chargea la gendarmerie de Linguère d’ouvrir une enquête. Les investigations des pandores écartèrent rapidement la thèse du court-circuit. Par contre, les enquêteurs constatèrent que les victimes, des prématurés placés dans des couveuses, se trouvaient dans la salle, avec des tables chauffantes et des ampoules à incandescence d’une puissance de 60 Watts. De plus, des moustiquaires y étaient aménagées. C’est pourquoi ils redoutaient que la chaleur provenant des lampes ait pu brûler les moustiquaires.
Ainsi, une information judiciaire fut ouverte par le parquet près le tribunal de grande instance de Louga, contre les nommés Khady Seck, Aide-Infirmière chargée de la surveillance de la salle, Fatou Sy, Chef du service pédiatrie, et Abdou Sarr, ex-Directeur de l'établissement. Les trois furent inculpés et placés sous contrôle judiciaire pour les faits d'homicide et de blessures involontaires au sens des dispositions de l'article 307 du Code pénal.
Cette information judiciaire ouverte contre l’ex-directeur de l’hôpital Maguette Lô de Linguère et les deux agents fit bondir le Syndicat autonome des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes du Sénégal (Sames). Les syndicalistes décidèrent de les soutenir, refusant de regarder ‘’passivement'' les agents de santé être conduits inéluctablement vers l’échafaud. ‘’Nous allons nous battre, car seule la lutte libère’’, soutint le secrétaire général dudit syndicat, Amadou Yery Camara. Le syndicat décréta un sit-in silencieux de 15 minutes dans toutes les structures de santé, le 17 mai 2021, pour dénoncer toutes les décisions prises. ‘’Les humeurs du ministre de la Santé et le communiqué du parquet sonnent comme un réquisitoire à charge contre les agents de santé avec des biais dans l’enquête que le petit juriste de première année ne se serait pas permis. Sinon, comment comprendre que la Senelec, avec ses délestages et ses surcharges de tension intempestives, soit considérée comme experte dans ce dossier !’’, fustigèrent les syndicalistes.
Pour le Sames, la perte de ces jeunes êtres devait servir de leçon et attirer l’attention sur les risques d’un système de santé dépassé.
Un autre bébé carbonisé à la clinique des Madeleines
En octobre, la clinique des Madeleines fut au cœur d’un autre scandale. Un bébé mourut asphyxié, puis carbonisé. Il s’agissait de la fille de Karima Yassine. Né le 7 octobre à 10 h 14 mn, son nouveau-né, victime de négligence, trouva la mort dans des circonstances atroces. Après sa naissance, l’enfant avait été placé à la nurserie, sous photothérapie (lumière UV). Comme dans l’affaire de l’hôpital Maguette Lô de Linguère, le directeur de la clinique de la Madeleine fut placé sous contrôle judiciaire.
Les trois agents, le pédiatre H. J., une infirmière et l’aide-soignante qui étaient chargées du bébé lors du drame, furent écroués. Les mis en cause sont actuellement visés pour homicide involontaire. Puisque l’enquête a conclu à une ‘’négligence criminelle de la clinique’’ causant la mort par asphyxie du bébé.
VIVIANE DIATTA