Excaf menace de saisir les tribunaux

À la suite de l'information livrée hier par ‘’EnQuête’’ et faisant état d'une convention entre la Télédiffusion du Sénégal (TDS) et l'entreprise malienne TNT Sat Africa, Excaf est monté au créneau pour dénoncer.
Excaf Télécoms lance les hostilités. Dans un communiqué, l'entreprise sénégalaise s'est désolée de la signature de cette convention portant notamment sur la fourniture de milliers de décodeurs. “Le groupe Excaf Télécoms a appris, avec indignation et stupéfaction, la signature annoncée d’un ‘partenariat stratégique’ entre TDS SA, opérateur national de télédiffusion du Sénégal, et TNT Sat Africa, société malienne opérant dans la diffusion satellitaire en Afrique de l’Ouest. Selon les informations, ce partenariat porterait sur la fourniture de 16 000 décodeurs hybrides, l’intégration d’un système de cryptage sécurisé, le renforcement des capacités de diffusion avec de nouveaux équipements de pointe ainsi que la mise à disposition d’un système FlyAway mobile pour la couverture d’événements...”.
À en croire la société sénégalaise, en fait, l'opérateur national de télédiffusion n'a fait que lui ôter illégalement un marché pour le donner à la société malienne. “… Il est important de rappeler que toutes ces missions relèvent précisément du champ d’action confié au groupe Excaf Télécoms, dans le cadre d’une convention dûment signée avec l’État du Sénégal. Cette initiative unilatérale de TDS SA constitue, dès lors, une tentative inacceptable de se substituer illégalement à Excaf, en développant une offre parallèle hors de tout cadre légal et contractuel”, dénonce le groupe sénégalais, qui promet de se battre jusqu'au bout.
“Cette initiative unilatérale de TDS SA constitue une tentative inacceptable de se substituer illégalement à Excaf”
Acteur historique et stratégique du paysage audiovisuel sénégalais depuis plus de trente ans, le groupe dit avoir assuré “avec compétence, loyauté et engagement la transition numérique, l’accès aux décodeurs, la couverture du territoire et la maintenance technique de la TNT au Sénégal”.
C’est cette mission, selon le groupe, que TDS SA “semble aujourd’hui vouloir détourner au profit d’un opérateur étranger, dans des conditions opaques et sans aucun respect des engagements antérieurs”.
Pour Excaf, cette opération “survient après une rupture abusive, unilatérale et injustifiée” du contrat qui le liait à la TDS SA. Un acte qui a causé “un lourd préjudice économique, technique et moral” au groupe, à ses équipes et à l’ensemble de l'écosystème, lit-on dans le communiqué. “Excaf Télécoms dénonce avec force cette dérive grave et lourde de conséquences. Elle traduit une volonté délibérée d’écarter un partenaire sénégalais légitime, au mépris de la continuité du service public, de la sécurité juridique des investissements privés et de l’intérêt général”, poursuit le groupe, qui promet de ne pas en rester là.
Interpellant les autorités compétentes, les tutelles et organes de régulation, le groupe de Sidy Diagne avertit : “Le groupe Excaf Télécoms se réserve le droit de saisir les juridictions nationales et internationales pour défendre ses droits, obtenir réparation et prévenir toute récidive de telles pratiques contraires à l’esprit de transparence, de loyauté et de souveraineté économique.”
Les faits d'armes peu reluisants de TNT Sat Africa au Mali
Le plus cocasse, dans cette affaire, c'est le statut de l'entreprise malienne qui, selon certaines sources, serait peu fiable. Au Mali, la gestion de la TNT lui a été confiée sur le territoire de Bamako, mais au-delà de la capitale, c'est l'opérateur public la Société malienne de transmission et de diffusion (SMTD) qui est responsable. “C'est parce qu'il n'a pas été très performant que l'État lui a coupé l'herbe sous le pied. Après avoir été l'initiatrice de la TNT à Bamako, elle n'a pu avoir le marché pour l'extension dans les autres régions. Ce qui fait qu'au Mali, la gestion est duelle aujourd'hui”, souligne cette source.
Dans tous les cas, cette affaire semble loin de révéler tous ses secrets et pour beaucoup, l'enjeu financier est énorme.
Il faut noter qu'au Sénégal, sous Excaf, le décodeur TNT était vendu officiellement à 10 000 F CFA, grâce à la subvention de l'État. Au Mali, TNT Sat Africa avait fait l'objet de vives critiques, en raison des tarifs appliqués et de la publicité que les usagers avaient qualifiée de “mensongère”.
Pour le moment, les autorités compétentes n'ont pas daigné partager la convention polémique. On n'en sait ni les tenants ni les aboutissants. Juste un communiqué laconique de la TDS posté sur sa page Facebook, au détour d'une mission de la direction générale à Bamako. L'autorité s'est aussi tue sur les conditions de passation de marché, qui puent à mille lieues le scandale.
TNT Sat Africa a pu avoir ce qu’Excaf n'avait pas en 2014
Pour rappel, en 2014, le Comité national pour le passage à la TNT (Contan) avait lancé un appel à candidatures pour désigner l’opérateur chargé de déployer la TNT au Sénégal. Vingt-deux entreprises avaient répondu, dont Portugal Telecom, TDF, Alcatel, Thomson, Huawei, ZTE…
À l'arrivée, Excaf Télécom, seul candidat national, avait été choisi. Le groupe s'était alors engagé notamment à financer entièrement, à ses frais (≈ 40 milliards F CFA) l’installation des infrastructures TNT. En retour, il avait l'exclusivité du marché. C'est en juillet 2024, que l’État a décidé de reprendre le contrôle total de l’infrastructure TNT, via la Télédiffusion du Sénégal (TDS SA), mettant fin à la concession accordée à Excaf. Moins d'un an après, l'opérateur public unique signe une convention avec l'entreprise malienne, sans passer par appel d'offres comme en 2014.
Selon des spécialistes des marchés publics, les seules dérogations possibles aux règles de passation de marché, c'est l'existence d'un texte spécifique qui soustrait l'autorité du Code des marchés. À défaut, il faut nécessairement une autorisation de la Direction de contrôle des marchés publics (DCMP) ou de l'Autorité de régulation de la commande publique.
La TDS devra forcément s'expliquer sur les conditions dans lesquelles cette convention a été signée.
MOR AMAR