Publié le 17 Jan 2024 - 16:22
OUROSSOGUI – MOTOS-JAKARTA CONDUITS PAR DES MINEURS

Au couloir de la mort

 

Les taxis motos-Jakarta peuplent le décor de la très remuante ville de Ourossogui, poumon économique de la région de Matam. Ces ‘’motos de la mort’’ sont partout, dans tous les coins de rue, et sont le plus souvent conduites par des mineurs. Malgré les nombreux cas d’accident, les clients, surtout les élèves, ne semblent aucunement être dissuadés par l’âge des conducteurs.

 

Avec le Programme de modernisation des villes du Sénégal (Promoville), Ourossogui a gagné plusieurs kilomètres de bitume. Les principales artères, au cœur de la ville, sont goudronnées, au grand bonheur des taxis… motos-Jakarta. Pour se déplacer à l’intérieur de Ourossogui, il n’y a que deux options : il faut prendre une charrette, avec le risque de se salir les habits, ou une moto-Jakarta à 200 F CFA le trajet, plus rapide, mais moins sécurisé.

Entre 7 h 45 et  8 h, la route nationale n°2 est inondée de motos. Elles roulent dans tous les sens, à vive allure, supportant les élèves du collège et du lycée. Le spectacle est saisissant. Ça roule dans un désordre total, sans aucun respect du Code de la route.

Pour Salif Athie, chauffeur d’une ONG implantée à Kanel, c’est un spectacle suicidaire auquel il assiste tous les matins. ‘’Les conducteurs de motos-Jakarta ne tiennent pas trop à la vie. C’est un suicide de monter sur leurs motos. Ils conduisent n’importe comment avec une allure qui vous fait frémir. Les matins, entre le carrefour et le collège, quand je roule, je suis en panique, parce que je peux heurter à tout moment une moto. Ils vous dépassent des deux côtés, à gauche comme à droite. Tu es obligé de faire attention pour les éviter, parce qu’ils ne sont pas même pas conscients du danger’’, dénonce-t-il.

En effet, certains ‘’jakartamen’’ se permettent même de supporter deux passagers, comme Amadou, ce jeune garçon natif de Ourossogui. ‘’Il m’arrive de supporter plus d’une personne sur ma moto, mais ce n’est pas tous les jours. Je le fais juste pour aider les élèves, parce qu’ils doivent aller à l’école et ils ne voudraient pas arriver en retard. S’ils sont deux, au lieu de payer 400 F, ils paieront juste 300 F, soit 150 F chacun. Vous allez penser que c’est une réduction dérisoire, mais ce sont des élèves. Ces 50 F qu’ils économisent peuvent leur être d’une grande utilité’’, témoigne le garçon du haut de ses 17 hivernages.

Les autorités invitées à prendre leurs responsabilités

Ce spectacle effroyable qui s’offre aux riverains de la RN2 suscite chez eux un magma de frustrations. Ils ont assisté à une kyrielle d’accidents et ils interpellent les autorités à mettre de l’ordre pour mettre fin à ce chaos. Faty est vendeuse à quelques encablures du collège ; elle milite pour la méthode forte. ‘’Il faut interdire les taxis motos-Jakarta dans cette ville. Il y a trop d’accidents sur cette route. C’est presque chaque jour qu’il se produit des accidents. Je ne peux même pas compter le nombre de personnes tombées des motos. Même si elles ne meurent pas, elles auront des séquelles qui les marqueront à vie. Vraiment, je demande aux parents d’élèves de ne plus laisser leurs enfants monter sur ces motos de la mort. Moi, pour rien au monde, je ne monterai sur ces deux-roues. Je tiens à ma vie, alors que monter sur les Jakarta, c’est clairement se suicider’’, fulmine-t-elle.

La RN2 est devenue un couloir de la mort. Beaucoup de personnes y perdent la vie en étant sur une moto-Jakarta. Il y a une semaine, une jeune fille fraîchement mariée, en pleins préparatifs pour rallier le foyer conjugal, a été victime d’un accident. Son mari conduisait la moto. Malheureusement, elle a succombé à ses blessures, quelques jours plus tard.

Les témoignages sont légion : les motos ont emporté beaucoup de vies, dont celle l’agent de la Radiotélévision sénégalaise de Matam, Mamadou Thiam, il y a un peu plus de trois ans. ‘’C’est vers 16 h que l’incident tragique s’est produit. Mamoudou Thiam était avec ses amis, comme tous les jours, à côté du carrefour pour discuter. Ayant pris congé de ses amis, il a pris sa moto pour retourner à son appartement qui se trouve près du collège. Au moment où il faisait demi-tour, il s’est fait percuter par une autre moto venant de l’autre sens. Il a rendu l’âme le lendemain’’, se remémore Farba trouvé au carrefour.

‘’Mon père m’a trouvé un conducteur de taxi moto-Jakarta qui me dépose tous les jours’’

Certes, le danger est permanent avec les motos, mais il ne dissuade pas pour autant les potaches. Chaque jour, ils sont de plus en plus nombreux à les prendre pour aller à l’école, faute d’alternatives. ‘’J’habite au quartier moderne. C’est à près de 3 km du lycée. Je ne pourrais pas faire le trajet aller-retour tous les jours. C’est impossible. Alors mon père m’a trouvé un conducteur de moto-Jakarta qui me dépose tous les jours’’, renseigne Raby Diop, élève en classe de première au lycée de Ourossogui.

Elle confie : ‘’Au début, j’avais peur, mais maintenant, j’ai moins peur, même si je dois reconnaître que c’est dangereux, quand je vois la manière avec laquelle certains conduisent. Pour mon cas, je rappelle toujours au conducteur qu’il doit rouler doucement.’’

Mamadou, un jeune Guinéen venu s’installer à Ourossogui depuis le mois de juillet dernier, a choisi le taxi moto-Jakarta pour gagner sa vie. Il conduit sans permis de conduire, encore moins avec une assurance. ‘’Je suis un conducteur de moto, depuis cinq mois. C’est ici que j’ai appris à conduire. Ce n’est pas quelque chose de compliqué. Disons que j’ai appris à conduire quasiment en une seule journée. C’est mon grand frère qui m’a trouvé la moto. C’est avec les élèves qu’il faut profiter pour avoir la moitié du versement qui est de 2 000 F. C’est pourquoi les matins, c’est une vraie course ; chacun veut faire au minimum cinq courses pour avoir 1 000 F avant 8 h. C’est ce qui explique qu’on roule à une certaine vitesse. Mais après cette tranche horaire, moi, je roule doucement, sans pression’’, confie-t-il.

Djibril BA

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