Publié le 22 Oct 2024 - 14:47
OUSMANE SONKO-AMADOU BA

Le débat !

 

De Senghor à Diomaye, en passant par Diouf, Wade et Macky, jamais les deux têtes de liste les plus importantes présentes sur le territoire ne se sont livrées à un débat, à quelques encablures d’élections majeures comme les Législatives. D’habitude, comme le rappelle le journaliste Issa Sall, c’est le représentant du parti au pouvoir qui refusait la confrontation.

 

En prélude aux élections législatives prévues le 17 novembre 2024, la tête de liste du parti présidentiel Pastef invite son principal challenger, présent sur le terrain, à un débat public. Réagissant à la conférence de presse de la tête de liste de la coalition Jamm ak Njerign Amadou Ba, par ailleurs deuxième à la dernière Présidentielle, le chef de file du parti au pouvoir déclare : ‘’Monsieur Amadou Ba a décidé de sortir de l’ombre et de ne plus se cacher derrière ses mercenaires de la plume et autres ‘chroniqueurs’. Tant mieux, car le jeu du mythe et du combat politique par procuration ne saurait prospérer plus longtemps’’, réagit-il d’emblée avant de lancer le défi : ‘’Je lui offre une belle opportunité (sic) de s’expliquer devant le peuple : un débat public contradictoire entre lui et moi sur la situation économique et financière dans laquelle ils ont plongé le pays, et sur sa responsabilité personnelle.’’

Le fait est inédit pour marquer bien des esprits. En effet, dans l’histoire, on a souvent vu, comme le rappelle le journaliste Issa Sall, ancien membre de la Commission électorale nationale autonome (Cena), des challengers défier des représentants du pouvoir, mais l’inverse ne s’est presque jamais produit. ‘’D’habitude, ce sont les challengers qui demandent un débat. Lui, en tant que détenteur du pouvoir, se met dans la peau du challenger. C’est quand même étonnant pour un homme politique de son envergure. Il y a donc un renversement des rôles, mais je pense que c’est une excellente chose. Ce serait très bien de les voir en découdre dans un débat’’, analyse l’ancien journaliste de ‘’Nouvel Horizon’’ qui a été témoin de pans entiers de l’histoire politique du Sénégal.

Des débats de cette envergure, il n’y en a pas eu beaucoup dans l’histoire. Le seul qui puisse être comparable, selon M. Sall, serait peut-être le face-à-face entre Moustapha Niasse et Majmouth Diop. ‘’Je crois que c’était en 1978. Il n’y a pratiquement jamais de débat à ce niveau, surtout à la veille d’élections. Généralement, les chefs de file sont interrogés seuls. Au mieux, ce sont les seconds couteaux qui vont sur les plateaux. Il est utile que les leaders acceptent de se mettre en danger et comme ça on peut juger de la qualité de leur discours et de leurs capacités à tenir devant une adversité. Sinon, c’est très facile de tenir un micro et de faire un discours, de haranguer les foules’’, a souligné le doyen Sall qui insiste sur la nécessité d’avoir des journalistes de haut niveau, qui savent suivre et corriger, si quelqu’un raconte des choses inexactes. ‘’Sinon, on va assister à des monologues qui ne vont pas servir à grand-chose’’, a-t-il insisté.

Dans son post sur ses différentes plateformes, Ousmane Sonko s’est un peu avancé sur ce que devraient être les thématiques de ce débat. Il cite la dette, le déficit public, la fiscalité, le foncier, les mines et les hydrocarbures, la masse salariale. Le Premier ministre a aussi indiqué que ce débat devrait permettre de discuter de la Vision 2050 du nouveau régime et permettre à M. Ba de partager ses appréciations à ce sujet.

La question qui se pose, c’est désormais de savoir si la tête de liste de Jamm ak Njerign va relever le défi ? De l’avis du doyen Issa Sall, il a tout intérêt. ‘’Si je m’en tiens à ce que Madiambal a dit sur le sujet (ce dernier disait dans une interview sur Seneweb que si Ousmane Sonko le veut, Amadou Ba ne s’y opposerait pas), je pense qu’il pourrait l’accepter. Je pense que s’il y a possibilité d’organiser un débat, je ne pense pas qu’il (Amadou Ba) va se dérober. Je crois qu’il en a les atouts, il en a les moyens et il a le savoir. Aussi, il connait l’État, il connait l’économie, il connait la société sénégalaise. Le risque c’est pour celui qui a le pouvoir’’, soutient l’analyste.

Interpellé, Cheikh Yérim Seck, tout en soulignant que ce serait une excellente chose pour la démocratie, se montre un peu hésitant sur la probabilité d’un tel débat. ‘’Je pense que ce serait une très bonne chose pour la démocratie, mais je me demande si Amadou Ba va accepter de débattre avec Sonko. Les styles sont tellement opposés. Amadou Ba, c’est la retenue, le respect, la hauteur. Est-ce qu’il va débattre avec quelqu’un comme Sonko qui symbolise l’agressivité, le rentre-dedans ? En tout cas, ce serait une bonne chose pour la démocratie’’, commente M. Seck.  

Avec ce défi lancé par la tête de liste de Pastef et non moins Premier ministre, c’est Amadou Ba qui se retrouve presque dos au mur. Refuser serait, pour beaucoup d’observateurs, synonyme d’un manque de courage, d’un manque d’arguments et surtout c’est toute sa défense contre ses détracteurs dont Ousmane Sonko qui s’effondrerait. En revanche, s’il accepte, il va certes s’exposer devant un adversaire coriace, mais ce serait une excellente tribune non seulement pour se défendre des attaques, mais aussi tenter de mettre en difficulté l’adversaire, qui prend un gros risque dans ce débat.

D’ailleurs, certains se demandent si le Premier ministre a vraiment l’intention de débattre avec Ba. De l’avis de Cheikh Yérim, tout ceci ne serait que diversion. D’abord, pour noyer l’affaire Bougane Guèye Dany, ensuite, pour atténuer les effets du ‘’discours fort’’ d’Amadou Ba lors de sa conférence de presse.

Par ailleurs, fait remarquer le doyen Issa Sall, quelques écueils pourraient se dresser sur l’organisation d’un tel débat. Il s’agit de la réglementation du temps de parole des candidats en ces temps de campagne électorale.

En effet, la loi électorale invite les médias à traiter de manière équitable les différents candidats. Généralement, dans beaucoup de démocraties, de tels débats ont surtout lieu en cas de deuxième tour, comme c’était le cas en Côte d’Ivoire en 2010 entre Gbagbo et Ouattara.  

MOR AMAR

Section: 
OUSMANE SONKO EN TURQUIE : Une visite stratégique pour renforcer les relations sénégalo-turques
RENÉGOCIATIONS DES CONTRATS ET RÉVISIONS DES CODES DANS LE SECTEUR EXTRACTIF : Ousmane Sonko dévoile les premiers constats du comité
CONCLUSIONS DU DIALOGUE NATIONAL : Les partis de l’opposition dénoncent des manquements
CRISE POLITIQUE AU MALI : Moussa Mara dans la tourmente, Soumaïla en mémoire
REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE : Le pari de l’endogénéisation
CRISE POLITIQUE : L’APR hausse le ton
PRÉSIDENTIELLE 2025 EN CÔTE D’IVOIRE : Ouattara se lance pour un 4e mandat, Soro dénonce
POUR DES RELATIONS HUILÉES ENTRE LE SÉNÉGAL ET LA MAURITANIE : Les sections Isems pérennisent des stratégies de collaboration
APR APRÈS LE POUVOIR : Le temps du renouveau 
RÉORGANISATION DE L’APR : Macky Sall rajeunit la direction du parti
TRAQUE CONTRE LA PRESSE - SOCIETE CIVILE : Les dérives verbales de Waly Diouf Bodiang
SORTIE DU LEADER DU SÉNÉGAL BI ÑU BOKK : Barth sans gants
PETITE ENFANCE ET CASE DES TOUT-PETITS : Des conseillères familiales renforcées en éveil et stimulation précoces
SÉNÉGAL : Quand l’homme d’État fait de la politique et le politique oublie l’État
SITUATION NATIONALE : L’alerte du FDR
RESTITUTION DES EMPRISES MILITAIRES : La fin d’une époque
TANDEM DIOMAYE- SONKO : L’analyse de Thierno Alassane Sall
LENTEUR DANS LA MISE EN ŒUVRE DE L’ACTION PUBLIQUE : Ousmane Sonko hausse le ton
REACTION DE DIOMAYE APRÈS LA SORTIE DE SONKO : Focus sur les difficultés des Sénégalais
PASTEF : Le dur choix entre le Parti et l’État