Les républicains face au syndrome du PDS ?
Depuis l'échec de l'Alliance pour la République (APR) à la Présidentielle du 25 mars 2024, l'avenir de l’ancien parti au pouvoir semble incertain. Cette situation n'est pas sans rappeler le sort réservé à d'autres grands partis sénégalais après leur départ du pouvoir, notamment le Parti démocratique sénégalais (PDS) d'Abdoulaye Wade. À quelques mois du prochain scrutin où l'APR peine à retrouver sa place sur l'échiquier politique, une question se pose : le même sort guette-t-il la formation de Macky Sall ?
Le Sénégal a connu plusieurs transitions politiques marquées par l'affaiblissement des ex-partis au pouvoir. Le Parti socialiste (PS), qui a dominé la scène politique sénégalaise de l'indépendance jusqu'à 2000, n'a jamais réellement retrouvé son influence après la défaite d'Abdou Diouf face à Abdoulaye Wade. Le PS a survécu politiquement en s'intégrant à la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), mais son poids autonome reste faible.
Le PDS, après sa défaite en 2012, a lui aussi connu une longue période de déclin. Malgré des tentatives de relance sous la houlette de Karim Wade, exilé au Qatar, le parti a été marqué par des divisions internes et une perte d'influence. En 2019, l'incapacité à présenter un candidat à la Présidentielle a été le signe le plus visible de son affaiblissement. Cette trajectoire a laissé des séquelles profondes, avec de nombreux cadres quittant le parti pour fonder leurs propres mouvements ou rejoindre d'autres formations.
Une histoire politique qui se répète
L'APR semble aujourd'hui confrontée à une situation similaire. Depuis la défaite de février 2024, les marron-beige peinent à retrouver un nouveau souffle. Le départ de Macky Sall pour l’étranger (Marrakech, Maroc), après avoir dirigé le pays pendant deux mandats, a laissé un vide difficile à combler. Amadou Ba, le candidat malheureux à la Présidentielle, tente de s’imposer comme le nouveau leader, mais il fait face à des résistances internes. Plusieurs de ses alliés tels que Doudou Ka, Cheikh Oumar Anne et Lat Diop, ont déjà tourné la page de Macky Sall pour permettre à leur nouveau leader de se repositionner dans le jeu politique.
Cette situation est aussi exacerbée par des défections au sein du parti, comme celle d’Aliou Sall, frère de l’ancien président, Cheikh Oumar Hann qui ont récemment annoncé leur retrait de l’APR. Ces départs illustrent la fragilité du parti qui semble être en proie à une crise de leadership. Les noms avancés pour remplacer Macky Sall (Mansour Faye ou Abdoulaye Daouda Diallo) pourraient à leur tour diviser davantage le parti.
Au-delà de l'APR, c'est l'avenir de la coalition Benno Bokk Yaakaar qui est également en jeu. Machine électorale redoutable lors des élections précédentes, BBY a vu sa cohésion mise à rude épreuve depuis la dernière Présidentielle. L’Union pour le renouveau démocratique (URD), un des partis fondateurs de BBY, a déjà quitté le navire. D’autres partis pourraient suivre, refusant de s’aligner pour les prochaines Législatives.
Les transitions et successions ont parfois été des moments délicats dans la vie politique sénégalaise. Avant et après la défaite d’Abdou Diouf en 2000, le PS a été secoué par des départs importants, comme ceux de Moustapha Niasse et Djibo Ka qui ont contesté le choix de Diouf de privilégier Ousmane Tanor Dieng pour sa succession. D’autres ont précipitamment ou tardivement rejoint le camp du PDS : Alassane Dialy Ndiaye, Me Mbaye Jacques Diop, Sada Ndiaye, Jean-Paul Dias, Serigne Diop et Me Ousmane Ngom pour se recycler poliquement. Cette fragmentation avait durablement affaibli le parti de Senghor et de Diouf.
La situation actuelle de l’APR pose un problème plus large de la structuration des partis politiques au Sénégal. Souvent centrés autour de figures charismatiques, ces partis peinent à se renouveler après le départ de leurs leaders. Le PDS, avec Abdoulaye Wade considéré comme la "constante unique" du parti, est l’exemple le plus emblématique de ce phénomène. Mais l’APR pourrait bien suivre la même voie si elle ne parvient pas à se réinventer rapidement.
Le système politique sénégalais, comme celui de nombreux pays, repose en grande partie sur des partis dominés par des personnalités fortes. Lorsque ces leaders se retirent ou sont affaiblis, les partis se retrouvent souvent sans direction claire. Le PDS a survécu tant que Wade était aux commandes, mais une fois éloigné du pouvoir et de son pays, le parti a progressivement perdu de sa substance.
Une leçon pour l'APR ?
Le destin du PDS devrait servir de leçon à l’APR. Pour survivre et continuer à jouer un rôle majeur dans la politique sénégalaise, le parti de Macky Sall doit impérativement se restructurer. Il lui faudra non seulement choisir un nouveau leader capable de rassembler, mais aussi développer une vision politique claire et adaptée aux nouvelles réalités du pays.
Le Sénégal a montré à plusieurs reprises que les partis qui n'évoluent pas sont condamnés à l'effacement progressif. Le PS et le PDS en sont des exemples frappants. L'APR, s'il ne veut pas subir le même sort, doit tirer les leçons du passé et éviter les pièges qui ont conduit à la marginalisation de ses prédécesseurs.
Le futur de l'APR est donc encore incertain, mais il dépendra largement de sa capacité à gérer cette période postélectorale avec clairvoyance et unité.
En effet, la prochaine élection législative pourra se tenir avant mars 2025. La question reste entière : si dans ce contexte l’APR saura-t-il éviter le sort réservé au PDS et maintenir son influence dans le paysage politique sénégalais ?
En effet, se maintenir après une défaite électorale représente un défi de taille pour tout parti politique. Ce phénomène, observable dans de nombreuses démocraties, traduit la difficulté pour les formations politiques de retrouver leur place sur l’échiquier après une perte de pouvoir. En France, par exemple, le Parti socialiste (PS) a longtemps été une force dominante sous François Mitterrand, mais il a peiné à se relever après une série de revers électoraux majeurs.
Le retrait de François Hollande en 2017, suivi de l’échec cuisant de Benoît Hamon à l'élection présidentielle, a marqué le début d'une chute vertigineuse pour le PS. Le parti, autrefois hégémonique, a ensuite subi un nouvel affront lors de l’élection présidentielle de 2022 avec l’effondrement de la candidature d'Anne Hidalgo, la maire de Paris. Ces échecs successifs ont confiné les socialistes dans une position marginale sur la scène politique nationale, relégués au rang de force secondaire dans un paysage dominé par de nouvelles figures et formations politiques de l’extrême droite et gauche.
Cependant, malgré ces revers, Olivier Faure et ses camarades ont su maintenir une certaine pertinence en s'alliant avec d'autres forces de gauche, notamment au sein du Front de gauche lors des dernières Législatives. Cette résilience démontre que même après une défaite marquante, un parti peut se réinventer, souvent en s’appuyant sur des coalitions ou des mouvements plus larges pour conserver une influence politique.
AMADOU CAMARA GUEYE